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Commerce électronique : la COVID-19 comme catalyseur de changement?

Auteur(s) : Elizabeth Sale

Le 11 juin 2020

Note de l’éditeur : le contenu de ce blogue a été mis à jour le 4 mai 2020

La COVID-19 perturbe le domaine du commerce électronique et ses effets perdureront, affectant la façon d’effectuer des opérations en ligne dans un monde d’après la pandémie. Alors que le commerce électronique existe depuis longtemps, la COVID-19 a forcé les autorités de réglementation, les participants du marché et les entreprises à effectuer un virage et à s’adapter à l’environnement actuel. Par ailleurs, cette situation a déclenché une vague de changements alors que les entreprises ou secteurs qui ont été plus lents à s’adapter au commerce électronique – peut-être en raison de méthodes de vente plus traditionnelles, du niveau de confiance de la clientèle ou de la hausse des risques de fraude – ont dû adopter rapidement des processus numériques et virtuels, ou ont été contraints de fermer complètement leurs portes.

Cependant, comme nous en avons discuté en détail dans le cadre de notre webinaire à la demande intitulé « Série de webinaires sur la réglementation des services financiers – Premier épisode sur la COVID -19 : prévisions pour l’avenir » (disponible en anglais seulement), nous croyons que, lorsque la menace immédiate de la COVID-19 sera passée, ces organisations pourront trouver avantageux de conserver certains ou tous les processus d’urgence mis en place. Les initiatives en matière de commerce électronique peuvent être plus efficaces, apporter plus d’occasions, et le fait d’offrir plus de plateformes de vente peut atténuer les incidences de futures interruptions commerciales.

Limites du cadre actuel du commerce électronique

Chacune des provinces du Canada a promulgué une législation sur le commerce électronique, qui, à l’exception du Québec, est relativement standardisée puisque fondée sur la Loi type des Nations Unies sur le commerce électronique. Ces lois facilitent les opérations électroniques en énonçant qu’un document ne devrait pas être privé de ses effets juridiques ou de sa force exécutoire simplement en raison de son format électronique. Elles énoncent également des règles d’équivalence fonctionnelle, lesquelles permettent que certaines obligations juridiques – comme l’obligation de signature d’un document – puissent être remplies par des moyens électroniques.

Il existe certaines restrictions dans le cadre du commerce électronique, dont les suivantes :

  1. Il existe d’importantes exclusions dans l’application des lois sur le commerce électronique, notamment celles relatives aux documents qui créent ou transfèrent un droit réel immobilier et qui nécessitent un enregistrement afin d’être opposables aux tiers. Cela signifie que les documents relatifs à une hypothèque ne peuvent pas tous être sous forme électronique ;
  2. En raison d’exigences légales supplémentaires ou de considérations pratiques, le commerce électronique ne représente pas une solution de rechange viable aux processus papier, en particulier pour le financement adossé à des actifs ;
  3. Les risques de fraude sont élevés dans un environnement virtuel (pas en personne). De plus, les entités qui sont assujetties aux lois contre le blanchiment d’argent du Canada doivent, en vertu de ces lois et conformément aux directives réglementaires, se soumettre à la vérification de l’identité. Traditionnellement, les entités réglementées requièrent une vérification de l’identité en personne afin d’atténuer ces risques et se conformer à ces lois.

Le COVID-19 comme catalyseur de changement

Le COVID-19 a mis en lumière ces limites et, à cet égard, a agi comme catalyseur de changement, particulièrement dans les secteurs où le commerce électronique n’est pas répandu.

Prêts hypothécaires

Les régimes de commerce électronique excluent généralement de l’application de la loi les documents qui créent un droit réel immobilier, mettant en doute le caractère exécutoire de la documentation et le respect des exigences légales. De plus, les bureaux d’enregistrement des titres fonciers n’acceptent souvent que les signatures physiques traditionnelles ou ont d’autres formalités qui rendent impossibles les procédés virtuels et électroniques. Même si toute la documentation relative à une opération hypothécaire « ne crée pas un droit réel immobilier », ou ne doit pas être enregistrée avec des titres fonciers, il en résulte qu’une expérience électronique transparente est tout simplement impossible.

Par conséquent, les prêts hypothécaires sont à la traîne derrière d’autres types de prêts en matière d’initiative de numérisation. Alors que les personnes doivent néanmoins acheter et vendre des maisons ou d’autres biens immobiliers, en raison des protocoles de distanciation physique, il est souvent impossible de remplir les formalités nécessaires. Les législateurs ont tenté de remédier à certaines de ces restrictions en adoptant des mesures temporaires destinées à s’appliquer pendant la durée de l’état d’urgence dans le territoire. Par exemple, le ministre des Services de l’Alberta a émis un arrêté autorisant temporairement le bureau des titres fonciers de l’Alberta à enregistrer des documents devant témoins, attestés sous serment ou confirmés par des avocats au moyen d’une visioconférence bidirectionnelle. Il sera intéressant de voir si le secteur fera pression pour mettre en œuvre des processus à distance plus pérennes relativement à des biens immobiliers en Alberta ou dans d’autres provinces. Au-delà de la COVID-19, ces processus à distance pourraient simplifier l’expérience client en plus de faciliter les opérations avec les habitants de collectivités éloignées.

Vente et location de véhicules automobiles

La numérisation des ventes et des locations de véhicules automobiles est possible, mais n’avait pas été largement adoptée par le secteur avant la pandémie, dans certains cas en raison de restrictions légales. Traditionnellement, les concessionnaires ont soutenu le modèle de vente en personne, mais face aux restrictions découlant de la COVID-19, les concessionnaires ont été obligés d’envisager d’autres solutions. Des organismes de réglementation tels que le Conseil ontarien de commerce des véhicules automobiles (l’« OMVIC ») et l’Alberta Motor Vehicle Industry Council (l’« AMVIC ») ont publié des bulletins à l’intention des concessionnaires en réponse aux problèmes découlant de la pandémie. Les deux bulletins ont confirmé que les ventes en ligne étaient autorisées, tout en notant que les exigences prévues par les lois sur les concessionnaires de véhicules automobiles et la protection des consommateurs doivent toujours être respectées.

L’OMVIC a également précisé que les essais de conduite à distance sont autorisés et que le véhicule peut être amené au domicile du client à cette fin, à condition que les essais de conduite soient effectués par un représentant inscrit. La livraison du véhicule peut également être effectuée au domicile du client, à condition que le contrat ait été préalablement conclu. Cette condition est liée à l’obligation générale selon laquelle toutes les opérations doivent avoir lieu chez le concessionnaire ou s’effectuer entièrement en ligne, conformément aux exigences de la Loi sur les commerçants de véhicules automobiles. En revanche, l’AMVIC a noté que les représentants inscrits peuvent livrer les contrats au domicile d’un consommateur pour signature, bien que le bulletin ne semble pas examiner s’il s’agit de ventes directes, qui déclenchent des exigences législatives différentes de celles des ventes en ligne.

Les institutions financières, les banques et autres organisations qui achètent des contrats de vente conditionnelle et des baux conclus par des concessionnaires devraient en prendre note, car l’augmentation de l’activité en ligne et son adoption par les concessionnaires peuvent apporter de nouvelles occasions d’affaires dans un monde post-COVID-19.

Vérification de l’identité

De récentes évolutions ont eu lieu dans la vérification de l’identité relativement aux exigences des lois de lutte contre le blanchiment d’argent (« LCBA »), lesquelles pourraient avoir des incidences importantes à l’avenir. Les entités qui sont assujetties aux lois du Canada en matière de LCBA tiendront compte du fait qu’en juillet 2019, le gouvernement canadien a entériné les modifications au règlement qui comprenaient des changements pour permettre aux autorités déclarantes de s’appuyer sur des copies numériques de la pièce d’identité avec photo, à condition qu’elles soient authentiques, valides et en vigueur. Avant cette modification, les documents d’identité requis devaient être des originaux, valides et en vigueur, de sorte que les entités ne pouvaient pas se fier à des photocopies ou à des documents numérisés.

Les lignes directrices publiées par CANAFE en novembre 2019 énoncent des exigences assez précises à respecter pour pouvoir procéder à l’authentification et s’appuyer sur des copies électroniques des documents d’identité. En somme, l’entité doit utiliser une technologie capable d’évaluer l’authenticité de la photo d’identité utilisée. L’entité déclarante doit également confirmer que la personne présentant la pièce d’identité avec photo est la même personne que celle dont le nom et la photo figurent en fait sur la pièce d’identité. Cette vérification pourrait être réalisée au moyen d’un vidéobavardage en direct, ou la personne pourrait prendre un égoportrait et l’entité utiliserait un logiciel de reconnaissance faciale pour comparer les caractéristiques de l’égoportrait à la photo sur l’identité validée.

La COVID-19 a accéléré le besoin de ce type de vérification de l’identité - et la technologie est là pour la faciliter ; nous nous attendons donc à voir l’adoption de ce type de processus aller de l’avant. Bien entendu, la question de la fraude persistera toujours et les entités déclarantes voudront s’assurer que les questions de confidentialité et de sécurité sont prises en compte et traitées. Cela comprendra le fait d’effectuer un contrôle diligent de tout fournisseur de services tiers fournissant une technologie, ainsi que l’obligation pour ces tiers d’accepter contractuellement de respecter les obligations de confidentialité et de sécurité.

Points clés à retenir

Qu’est-ce que tout cela signifie en matière de commerce électronique à l’avenir? Voici quelques points clés :

  • Évaluer : passez en revue votre organisation et voyez si certaines modifications temporaires profiteront à votre entreprise à long terme. Par exemple, si vous êtes un prêteur hypothécaire, il peut être judicieux d’étudier les possibilités afin d’encourager des méthodes électroniques pour l’authentification et le dépôt de documents.
  • Tirer parti de la technologie : tirez pleinement parti du régime juridique actuel - avez-vous besoin d’effectuer une vérification de l’identité en personne? Pouvez-vous envisager d’utiliser à terme une technologie qui répondra aux attentes de CANAFE?
  • Regard tourné vers l’avenir : Les organisations qui suivent cette vague de changements et se concentrent sur des objectifs à long terme seront peut-être mieux placées dans le monde d’après la pandémie.

Ce billet se veut une suite du premier épisode de notre « Série de webinaires sur la réglementation des services financiers », laquelle est disponible à la demande (en anglais seulement). Présentée par Lawrence Ritchie, Victoria Graham et Elizabeth Sale, la série de webinaires offre des analyses d’experts et un aperçu des enjeux émergents et des évolutions notables de la réglementation des marchés financiers et des capitaux au Canada. Le premier épisode explique plus en détail le commerce électronique dans un monde vivant avec la pandémie et présente également des points de vue approfondis sur les sujets suivants :

  • Réponse des autorités de réglementation des marchés financiers et des capitaux à la pandémie de COVID-19
  • Technologie : catalyseur des réformes réglementaires

N’oubliez pas de regarder le prochain épisode de notre série, « Série de webinaires sur la réglementation des services financiers - deuxième épisode : convergence réglementaire dans le secteur des services financiers » (disponible en anglais seulement).