Auteur(s) :
Brian Thiessen, Adam LaRoche, Julien Ranger, Frédéric Plamondon
Le 16 mars 2020
Pour de plus amples renseignements concernant les droits et obligations des employeurs dans le cadre de la COVID-19 et pour toute autre question relative au lieu de travail liée à la COVID-19, veuillez contacter l'un des auteurs ci-dessus ou tout membre de notre groupe national de l'emploi du bureau de Montréal.
Dans ce bulletin d’actualités :
- Avec la propagation mondiale du nouveau coronavirus (COVID‐19), il est important que les employeurs soient prêts à agir et réagir
- Ce que vous devez savoir en tant qu’employeur, y compris quant à la revue et la mise à jour des politiques en matière de congé de maladie
- Meilleures pratiques pour la gestion des employés qui ont ou prévoient de se rendre dans des régions où le risque de contracter la COVID-19 est plus élevé
- Les droits des employés de refuser de travailler et les considérations relatives à la vie privée
- Meilleures pratiques pour communiquer et tenir les employés informés des développements de la COVID-19
Introduction
La propagation du nouveau coronavirus (COVID-19) a été le sujet dominant de l’actualité de 2020 jusqu’à présent. Les responsables de la santé publique au Canada soutiennent qu’à l’heure actuelle, le risque de contracter la COVID-19 reste faible dans toutes les régions du Canada. Cependant, il est important que les employeurs soient prêts à réagir alors que la situation relative à la COVID-19 continue d’évoluer au Canada et dans le monde.
Qu’est-ce que la COVID‐19?
COVID-19 est une forme de coronavirus dont on présume qu’elle est originaire de Wuhan, en Chine. Les personnes infectées peuvent n’avoir que peu ou pas de symptômes. Les symptômes les plus courants de la COVID-19 sont semblables à ceux d’un rhume ou d’une grippe et comprennent la fièvre, la fatigue, la toux et des difficultés respiratoires. Dans les cas graves, la COVID-19 peut provoquer une pneumonie, une insuffisance rénale et le décès. Selon les plus récentes directives publiées par Santé Canada et l’Organisation mondiale de la santé, les symptômes peuvent prendre jusqu’à 14 jours à apparaître après l’exposition au COVID-19. La plupart des personnes se rétablissent de la COVID-19 sans avoir besoin d’un traitement médical particulier. La probabilité qu’une personne tombe gravement malade à la suite d’une COVID-19 est plus élevée chez les personnes âgées et les personnes dont le système immunitaire est affaibli.
Ce que vous devez savoir en tant qu’employeur
Revoir et mettre à jour les politiques
Il est important que les employeurs revoient leurs politiques en matière de congés de maladie, de congés payés et de télétravail afin de déterminer les congés auxquels les employés ont droit s’ils sont infectés par la COVID-19 ainsi que les mesures actuellement en vigueur permettant aux employés de travailler à domicile s’ils ont été potentiellement exposés au COVID-19.
À la suite des récents événements, les employeurs devraient envisager certaines mesures s’ils encouragent leurs employés à ne pas venir travailler et à rester à la maison s’ils manifestent l’un des symptômes de la COVID-19 ou s’ils ont été potentiellement exposés au COVID-19. Par exemple, les employeurs pourraient actualiser leurs politiques afin d’augmenter le nombre de congés de maladie payés qu’un employé est autorisé à prendre, de permettre aux employés d’utiliser leurs vacances comme congé payé, ou d’augmenter temporairement le nombre de jours pendant lesquels les employés peuvent effectuer du télétravail.
Par ailleurs, les politiques qui ne permettent pas aux employés de prendre des congés payés ou de travailler à domicile pourraient dissuader les employés de signaler tout symptôme de la COVID-19 et décourager les employés de rester à la maison s’ils ont pu être infectés par la COVID-19.
Afin de réduire le risque d’abus des congés de maladie payés par les employés qui décident de se mettre en auto-quarantaine, mais qui ne peuvent travailler à distance en raison de la nature de leur travail, les employeurs peuvent exiger des preuves justificatives (par exemple, des copies de documents de voyage confirmant un voyage récent dans une zone à haut risque). Différentes approches peuvent être appropriées en fonction de la taille et de la nature de l’entreprise.
Restrictions de voyage
Les employeurs peuvent restreindre les déplacements professionnels de leurs employés. Actuellement, la menace de contracter la COVID-19 est plus élevée dans certaines régions du monde qu’au Canada. Si un employé est infecté par la COVID-19 au cours d’un voyage d’affaires, il peut avoir droit à une indemnisation en vertu des lois applicables en matière d’indemnisation des travailleurs. Affaires mondiales Canada recommande actuellement d’éviter et de reporter tous voyages non essentiels à l’extérieur du Canada.
La restriction des voyages de loisirs des employés est plus problématique. Bien qu’un employeur puisse avoir un intérêt commercial légitime à limiter les déplacements de ses employés dans les régions qui présentent un risque plus élevé d’infection par la COVID-19, il ne peut généralement pas empêcher ses employés de voyager pendant leurs temps libres. Nous suggérons l’approche suivante pour les employeurs dans la gestion des employés qui ont ou prévoient de voyager dans des zones qui ont un risque plus élevé de contracter la COVID-19 :
- Conseiller aux employés de consulter les avis de santé aux voyageurs du gouvernement du Canada avant d’effectuer tout voyage international;
- Exiger des employés qu’ils se signalent s’ils ont voyagé ou voyageront dans des zones à risque élevées;
- Mettre en œuvre une politique qui exige que les employés qui ont voyagé dans ces régions se mettent en « auto-quarantaine » et travaillent à distance ou prennent un congé de 14 jours à leur retour au Canada. Les employés peuvent ensuite retourner au travail après 14 jours si aucun symptôme de la COVID-19 ne se manifeste. Les employeurs peuvent également demander à leurs employés de fournir une preuve médicale afin de pouvoir retourner au travail.
Que ce soit pour des voyages d’affaires ou de loisirs, les employeurs et les employés devraient toujours réviser les polices d’assurance voyage afin de déterminer si elles comportent des limitations de couverture pour les voyages à destination ou en provenance de pays à haut risque.
Un employeur peut-il obliger un employé à se mettre en quarantaine
Un employeur peut généralement « diriger » son personnel - notamment en lui recommandant fortement de se mettre volontairement en quarantaine. En fait, il s’agit d’une pratique recommandée, en particulier lorsqu’un employé est récemment revenu d’une zone à haut risque, mais qu’il n’a pas encore présenté de symptômes de coronavirus. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aux employés qui sont revenus d’une zone où la COVID-19 se propage de surveiller les symptômes pendant 14 jours et de prendre leur température deux fois par jour (voir le lien ci-joint : https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/getting-workplace-ready-for-covid-19.pdf); nous savons que de nombreux employeurs ont exigé de leurs employés qu’ils restent à l’écart de leur lieu de travail lorsqu’ils sont récemment revenus d’une zone à haut risque.
Si l’employé refuse de se mettre « volontairement » en quarantaine, dans la mesure où il a des motifs raisonnables de croire que l’employé a pu courir un risque accru d’exposition au COVID-19, l’employeur peut ordonner à l’employé de s’absenter du travail pendant une période de 14 jours (il s’agit de la période d’incubation recommandée pour ce virus) ou exiger un certificat médical avant de revenir au travail. Selon l’OMS, si l’employé développe ne serait-ce qu’une légère toux ou une faible fièvre (c’est-à-dire une température de 37,3 °C ou plus), il devrait rester à la maison et s’isoler.
L’employé doit-il être rémunéré pendant la période d’auto-quarantaine
Bien que divers employeurs puissent adopter des approches différentes face à cette situation, nous recommandons généralement que les employeurs rémunèrent les employés lorsqu’ils leur ordonnent de ne pas se présenter au travail. Cela dit, les conséquences financières peuvent être significatives, voire irrémédiables, pouvant même engager la responsabilité des administrateurs, et par conséquent, toute décision à cet égard doit faire l’objet d’une analyse approfondie.
En ce qui concerne notre recommandation de rémunérer si possible les employés, celle-ci est basée sur les prémisses suivantes :
- S’il est possible pour l’employé de travailler à domicile, il doit de toute évidence continuer à être rémunéré.
- S’il n’est pas possible pour l’employé de travailler à domicile, l’employeur peut revoir sa politique en matière de congé de maladie et le contrat de travail de l’employé pour déterminer s’il a droit à des prestations de congé de maladie pendant sa quarantaine. Si ces documents ne traitent pas de l’éventualité d’une quarantaine, l’employé pourrait faire valoir diverses réclamations s’il n’est pas rémunéré (par exemple, discrimination ou licenciement déguisé). Par conséquent, pour éviter le risque de telles réclamations - ainsi qu’une publicité négative autour de ce sujet sensible - nous avons généralement recommandé aux employeurs de verser aux employés en quarantaine leur salaire normal (et bien sûr de continuer à leur verser leurs autres avantages sociaux) pour toute période de quarantaine imposée par l’employeur.
- À titre d’exemple, nous notons qu’en 2003, en réponse à l’épidémie de SRAS, la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré que le motif de « handicap » prévu par le Code des droits de la personne de l’Ontario couvrait les maladies, dont le SRAS. La Commission a estimé que le Code interdisait de traiter différemment les personnes atteintes du SRAS ou perçues comme telles.
- À titre d’exemple additionnel, le 28 janvier 2020, la Commission ontarienne des droits de la personne a publié une déclaration dans laquelle elle a confirmé que les actions discriminatoires en raison d’une association avec le coronavirus, qu’elles soient perçues ou non, sont interdites en vertu de sa loi sur les droits de la personne. Bien que ces déclarations aient été publiées en Ontario, le même raisonnement pourrait s’appliquer au Québec en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne.
Par ailleurs, une autre option pour les employeurs consiste en la mise à pied temporaire. Une telle option devrait être discutée avec un conseiller juridique.
La mise à pied temporaire, laquelle doit être inférieure à six mois, est une suspension temporaire du contrat de travail imposée par l’employeur, pour tout autre motif que le congédiement. Cette mise à pied implique, pour une période déterminée, que le salarié est relevé de son obligation de fournir sa prestation de travail, mais qu’il y a une expectative de retour au travail pour l’employé à la fin de cette période. La relation entre l’employeur et l’employé est suspendue (et non rompue). L’employé est ainsi congédié temporairement et ce dernier pourra se prévaloir des prestations d’assurance emploi, s’il y est admissible.
Aucun préavis écrit n’est requis pour une mise à pied prévue pour une période de moins de six mois. Certaines situations obligent un employeur à procéder, de bonne foi, à une mise à pied pour une durée indéterminée, qu’il estime d’une durée de moins de six mois. Toutefois, certains imprévus peuvent survenir et prolonger la mise à pied au-delà de six mois. Dans une telle situation, l’employeur devra payer toute indemnité de préavis prévue par les normes du travail à l’expiration du délai de six mois de la mise à pied, incluant toute somme due et toute indemnité représentant le préavis prévu à la loi. La computation du délai de la mise à pied commence le jour qui suit celui où l’employé a cessé de travailler.
Discrimination
Bien que la Chine demeure l’épicentre de l’épidémie de COVID-19 et que de nombreux autres pays aient été identifiés comme des zones à haut risque de transmission du virus, il est primordial d’éviter toute mesure discriminatoire. Par exemple, il est légal pour un employeur d’exiger d’un employé qui s’est récemment rendu en Chine qu’il travaille de chez lui pendant 14 jours à son retour au Canada. Cependant, il est illégal pour un employeur d’exiger que toute personne d’origine chinoise (ou qui détient un passeport chinois) travaille depuis son domicile, qu’elle ait ou non voyagé récemment en Chine.
Le droit de refuser de travailler
En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la plupart des employés ont le droit de refuser de travailler ou d’effectuer un travail particulier sur les lieux de travail si l’employé a des motifs raisonnables de croire qu’il existe une situation dangereuse sur les lieux de travail ou que le travail constitue un danger pour sa santé et sa sécurité.
Si la COVID-19 se répand davantage au Canada, les employés pourraient exercer ce droit s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils peuvent rencontrer la COVID-19 sur les lieux de travail. Si un employé exerce ce droit, l’employeur devrait consulter un conseiller juridique.
Visiteurs
Il est important pour les employeurs de prendre des précautions supplémentaires en ce qui concerne les visiteurs qui pourraient se rendre sur les lieux du travail. Par exemple, l’employeur pourrait limiter le nombre de visiteurs permis ou tout simplement suspendre toute visite. L’employeur devrait plutôt favoriser les communications par moyens technologiques.
Considérations relatives à la vie privée
Les employeurs peuvent avoir à recueillir, utiliser et divulguer des informations personnelles afin de prévenir ou de gérer le risque de propagation rapide du COVID-19.
Dans le cas où une personne a quitté son lieu de travail pour des raisons liées au COVID-19, l’employeur est confronté à la tâche difficile de trouver un équilibre entre le droit à la vie privée de cette personne et son obligation de maintenir un lieu de travail sûr en informant les autres employés de la situation.
En effet, un employé dont l’employeur a exigé qu’il ne se présente pas sur les lieux du travail ou qu’il travaille à distance a droit au respect de sa vie privée.
Cependant, les employeurs devraient informer les employés du risque plausible de transmission de la COVID-19 sur les lieux de travail. Si possible, le personnel médical qualifié devrait effectuer les communications individuelles appropriées.
Les employeurs doivent faire des efforts raisonnables pour ne pas divulguer des informations qui pourraient (seules ou avec des informations accessibles au public) identifier la personne qui pourrait avoir causé le risque de transmission de COVID-19. L’objectif est plutôt de fournir aux employés potentiellement exposés des informations suffisantes pour obtenir un avis médical et, si nécessaire, un traitement. À cette fin, voici quelques précisions concernant la communication d’informations :
Ne fournissez pas d’informations concernant :
Le nom, la date de naissance ou d’autres informations permettant d’identifier la personne atteinte de la COVID-19.
Fournissez des informations concernant :
- Le fait que l’individu a été potentiellement exposé au COVID-19
- Si connu :
- la (les) date(s) de leur exposition potentielle; et
- l’étendue et les circonstances de leur exposition potentielle (c’est-à-dire, contact indirect ponctuel vs contact direct prolongé).
Il n’est pas toujours possible de signaler un risque de contamination au COVID-19 sans identifier expressément ou implicitement la personne à l’origine du risque. Exceptionnellement, la Loi sur la protection des renseignements personnels au Canada permet l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels à l’insu et sans le consentement de l’intéressé dans une situation d’urgence qui menace la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne.
Restez informé et communiquez
Afin de mieux gérer la propagation de COVID-19 sur les lieux de travail, il est essentiel que les employeurs restent informés de l’évolution de la COVID-19. Les employeurs devraient également rappeler aux employés les politiques en vigueur concernant les congés de maladie, les congés payés et le télétravail, et communiquer aux employés toute nouvelle politique ou mesure prise pour faire face à la COVID-19.
Vous trouverez ci-dessous des liens vers des sites web de gouvernements et d’organisations de santé publique qui disposent d’informations fiables et actualisées :
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Julien Ranger-Musiol
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