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La Colombie-Britannique et la nation Tahltan concluent une entente historique sur la prise de décision par consentement

Auteur(s) : Maureen Killoran, c.r., Martin Ignasiak, Sander Duncanson, Sean Sutherland et Ashley Light

Le 15 juin 2022

Le 6 juin 2022, la nation Tahltan et la province de la Colombie-Britannique (la « Province ») ont conclu le premier accord de prise de décision par consentement (l’« Accord ») [PDF] négocié aux termes de la Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act (la « Loi sur la déclaration ») de la Colombie-Britannique. L’accord historique constitue un précédent important pour le gouvernement, l’industrie et les Premières Nations, alors que les gouvernements fédéral et provinciaux adoptent et mettent en œuvre une législation intégrant la prise de décision fondée sur le consentement dans le processus d’évaluation et d’approbation des projets.

Contexte

L’Accord prévoit la prise de décision par consentement en ce qui concerne l’évaluation environnementale du projet de revitalisation d’Eskay Creek (le « Projet »). Le Projet concerne la réouverture de la mine d’or et d’argent historique d’Eskay Creek, située sur le territoire Tahltan, qui a cessé ses activités en 2008. Le Projet reste soumis à des examens aux termes des régimes provinciaux et fédéraux d’évaluation environnementale et d’évaluation des impacts, l’Accord modifiant le processus provincial pour permettre une plus grande collaboration entre la Province et le gouvernement central Tahltan (le « GCT »).

La Loi sur la déclaration permet la mise en œuvre de l’Accord et a été sanctionnée le 28 novembre 2019, faisant de la Colombie-Britannique la première province à transposer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la « DNUDPA ») dans une loi. La DNUDPA est un instrument international non contraignant qui énonce « les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde ». Le gouvernement fédéral a adopté une loi similaire le 21 juin 2021.

L’Accord et ses dispositions législatives habilitantes reflètent les efforts de la Province pour intégrer le concept de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » dans le processus d’évaluation environnementale. L’article 7 de la Loi sur la déclaration permet à la province de négocier et de conclure des ententes avec les organes directeurs autochtones qui requièrent leur consentement avant qu’une décision ne soit prise. Comme le précise l’article 7 de l’Environmental Assessment Act de la Colombie-Britannique, un projet susceptible d’être examiné et faisant l’objet d’une telle entente ne peut être mis en œuvre sans le consentement de la nation autochtone.

L’accord de prise de décision par consentement

Le cadre de prise de décision par consentement décrit dans l’Accord modifie le processus d’évaluation environnementale standard de la Colombie-Britannique de la façon suivante.

La recherche d’un consensus

L’Accord établit une équipe de collaboration composée du directeur des terres du GCT et du chef de projet du B.C. Environmental Assessment Office (l’« EAO »), ainsi que de toute personne qu’ils désignent, afin de rechercher un consensus et de promouvoir la collaboration entre la Province et le GCT à diverses étapes du processus d’évaluation. Cela comprend :

  • la décision sur la question de savoir si le Projet doit passer à la planification du processus (article 7.9);
  • la détermination des exigences en matière d’information et d’évaluation nécessaires pour appuyer la prise de décision des parties (article 7.19);
  • l’évaluation de l’ébauche du rapport d’évaluation environnementale et de l’ébauche du certificat d’évaluation environnementale de l’EAO, y compris toute condition (article 7.44).

L’équipe de collaboration, de concert avec le Comité consultatif technique, aidera également les parties à examiner en collaboration la demande du promoteur (article 7.27).

Évaluation unique du GCT

En plus du droit de participer au processus provincial d’évaluation environnementale aux côtés des autres parties intéressées, le GCT effectuera une « évaluation des risques Tahltan » indépendante et préparera un « rapport d’évaluation des risques Tahltan » afin d’éclairer sa décision de consentir ou non au Projet (article 7.1). Ce rapport présentera les conclusions du GCT quant à savoir si le Projet est susceptible de causer des effets résiduels ou cumulatifs importants sur les « valeurs Tahltan » (article 7.39).

Décision définitive

Une fois l’évaluation des effets de l’EAO terminée, le GCT décidera s’il doit donner son consentement libre, préalable et éclairé au Projet (article 8.2), ce qui est nécessaire pour que le Projet puisse aller de l’avant (article 4.3). Bien que le ministre puisse demander au GCT de réexaminer sa décision (article 9.1), une telle demande n’entrave pas le pouvoir discrétionnaire du GCT de prendre une décision définitive (article 9.5).

Règlement des différends

Lorsque l’Accord exige que les parties parviennent à un consensus et qu’elles n’y parviennent pas, l’équipe de collaboration soumettra la question à un organe distinct composé de représentants du GCT et du gouvernement (la « Table des hauts fonctionnaires », the Senior Officials Table) (articles 6.2 et 10.1). Si la Table des hauts fonctionnaires ne parvient pas à résoudre le problème en temps voulu, elle peut le soumettre à un facilitateur de règlement des différends (article 10.3).

Le rôle du promoteur

L’équipe de collaboration et les parties sont tenues de s’engager avec le promoteur dans l’élaboration de l’ordre de processus (article 7.21), l’examen de la demande (article 7.31) et la discussion de l’ébauche du rapport d’évaluation environnementale et de l’ébauche du certificat d’évaluation environnementale de l’EAO, ainsi que de l’ébauche du rapport d’évaluation des risques Tahltan (article 7.45). Le promoteur ne fait toutefois pas partie de l’équipe de collaboration ou du processus de règlement des différends discuté ci-dessus.

Conséquences

Cet accord est un exemple d’une nouvelle approche de l’évaluation des projets et de la prise de décision que d’autres chercheront probablement à reproduire à l’échelle du Canada, en particulier pour les projets situés en grande partie ou entièrement sur le territoire traditionnel d’une seule communauté ou d’un seul groupe autochtone. La Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral ayant adopté des lois relatives à la DNUDPA au cours des dernières années, les accords entre les gouvernements et les communautés ou groupes autochtones qui permettent une évaluation environnementale partagée − et dans certains cas, exigent même un consentement − sont susceptibles de devenir de plus en plus courants. Ces accords peuvent présenter plusieurs avantages pour les promoteurs de projets, les gouvernements et les groupes autochtones, notamment en favorisant la réconciliation et la collaboration, ainsi qu’en attirant des investissements conformes aux normes environnementales, sociales et de gouvernance les plus élevées. D’un autre côté, le fait de soumettre l’approbation d’un projet à l’obligation d’obtenir le consentement autochtone ajoutera une nouvelle couche d’incertitude dans le processus d’approbation réglementaire, ce qui pourrait dissuader les investissement en capitaux privés