Passer au contenu

La Loi d’exécution du budget 2022 renforce la législation sur les sanctions économiques

Auteur(s) : Oleg Chayka, Ilana Ludwin

Le 22 juillet 2022

La Loi no 1 d’exécution du budget 2022, (la Loi), présentée en première lecture le 28 avril 2022, a reçu la sanction royale le 23 juin 2022. La Loi met en œuvre certaines des mesures fiscales annoncées dans le budget fédéral de 2022 (pour plus de détails, voir le bulletin d’actualités Osler daté du 7 avril 2022). Cependant, la Loi apporte également d’importantes modifications à la Loi sur les mesures économiques spéciales, à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) et à certaines autres lois ayant trait à la saisie et à la disposition de biens possédés, détenus ou contrôlés, directement ou indirectement, par certaines personnes étrangères, et à l’utilisation des produits nets de la disposition de ces biens.

La Loi sur les mesures économiques spéciales a été adoptée en 1992 pour permettre au gouverneur en conseil d’imposer des sanctions à des états étrangers, et à des personnes et des entités qui s’y trouvent ou à des nationaux qui ne résident pas habituellement au Canada, dans des circonstances précises. Une personne qui contrevient volontairement à une ordonnance ou à un règlement pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou qui ne s’y conforme pas, peut être accusée d’une infraction punissable par déclaration sommaire de culpabilité ou d’un acte criminel, et condamnée à une amende pouvant atteindre 25 000 $, à une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans, ou les deux.

La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) a été adoptée en 2017 pour permettre au Canada de désigner des étrangers précis qui sont « responsables de violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale » et de leur imposer des sanctions appropriées. La Loi de Sergueï Magnitski prévoit des conséquences aux violations semblables à ce qu’impose la Loi sur les mesures économiques spéciales. 

La Loi étend la définition de « bien » dans la Loi sur les mesures économiques spéciales, de façon à englober les biens meubles ou immeubles, réels ou personnels, corporels ou incorporels, tangibles ou intangibles. Par conséquent, il est maintenant clair que le terme « bien », pour l’application de la Loi, englobe l’argent, les fonds, la monnaie, les actifs numériques et la monnaie virtuelle.

Par ailleurs, la Loi étend les mesures économiques qui peuvent être prises à l’encontre de certains étrangers et de leurs actifs au Canada dans les circonstances qui suivent, et qui n’avaient pas été modifiées par la Loi :

  • dans les cas où une organisation internationale ou une association, dont le Canada est membre, incite ses membres à prendre des mesures économiques contre l’État étranger;
  • en cas de rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui est susceptible d’entraîner ou a entraîné une grave crise internationale, au cours de laquelle des violations graves et systématiques des droits de la personne ont été commises dans un État étranger;
  • lorsqu’un national d’un État étranger commet des actes de corruption à grande échelle.

En plus d’étendre la définition de « bien », la Loi modifie le libellé relatif à la propriété du bien. Des ordonnances de saisie ou de blocage peuvent dorénavant être délivrées au Canada pour tout bien qui est, directement ou indirectement, possédé, détenu ou contrôlé par un étranger, un État étranger, ou un national de l’État étranger. (Le libellé antérieur énonçait plutôt un bien « détenu par ou au nom de » l’État étranger ou du national étranger.)

L’une des modifications législatives historiques apportées par la Loi est que le ministre compétent (généralement le ministre des Affaires étrangères, bien que d’autres ministres puissent également être désignés) peut dorénavant demander à la Cour supérieure provinciale compétente d’émettre une ordonnance de confiscation en faveur de Sa Majesté du chef du Canada à l’égard de tout bien cité dans l’ordonnance de saisie ou de blocage, selon le cas.

Une personne qui a un intérêt ou un droit sur le bien pertinent doit recevoir un avis à cet effet, avoir le droit d’être entendue et de faire opposition à la demande du ministre, avant que le juge ne statue sur la confiscation du bien.

Si un juge prononce une ordonnance de confiscation, le bien confisqué est aliéné conformément à la Loi sur l’administration des biens saisis, et le produit net de l’aliénation est versé pour l’un de buts louables suivants :

  • aider un État étranger qui a subi un préjudice du fait d’une rupture grave de la paix internationale à recouvrer la sécurité;
  • restaurer la paix et la sécurité à l’échelle internationale;
  • indemniser les victimes d’une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, de violations graves et systématiques des droits de la personne, ou d’actes de corruption à grande échelle.

Le ministre des Affaires étrangères peut dorénavant signer une entente avec une personne étrangère ou un État étranger qui reçoit ces produits, relativement au versement et à l’utilisation des produits nets découlant de l’aliénation du bien confisqué.

Enfin, la Loi modifie la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) de façon à introduire la définition de « bien », à modifier les exigences en matière de propriété, et à introduire des règles sur la confiscation de biens semblables aux modifications apportées à la Loi sur les mesures économiques spéciales. Les produits nets de l’aliénation des biens confisqués aux termes de cette loi peuvent être versés uniquement pour indemniser les victimes dans des circonstances précises, notamment la corruption à grande échelle, les meurtres extrajudiciaires, la torture ou d’autres violations graves de droits de la personne reconnus à l’échelle internationale contre des personnes dans un État étranger.