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Un tribunal de l’Ontario rejette des demandes d’autorisation et de certification d’une action collective envisagée liée aux valeurs mobilières et précise le fardeau de la preuve des demandeurs

Auteur(s) : Mark Gelowitz, Robert Carson, Elie Farkas

Le 30 novembre 2022

Le 22 novembre 2022, dans la décision MM Fund v. Americas Gold and Silver Corp., 2022 ONSC 6515 (en anglais seulement), la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la « double motion » d’un demandeur visant à obtenir l’autorisation d’intenter une action pour présentation inexacte des faits sur le marché secondaire en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières (la LVMO) et la certification d’une action collective en vertu de la Loi de 1992 sur les recours collectifs (la LRC). Le juge Morgan a rejeté chaque demande au motif que le demandeur n’avait pas satisfait aux seuils de preuve applicables.

La décision du juge Morgan confirme que les critères d’autorisation et de certification sont des mécanismes de filtrage efficaces. Elle donne également des précisions utiles concernant les attentes en matière de divulgation des émetteurs, en particulier ceux de l’industrie minière.

Contexte

Americas Gold and Silver Corp. (Americas) est une société minière dont les actions se négocient à la Bourse de Toronto et à celle de New York. En avril 2019, Americas a acquis Relief Canyon, une mine d’or située dans le Nevada.

En mai 2021, Americas a publié son rapport trimestriel, informant le marché du fait qu’elle testait un processus d’extraction différent à Relief Canyon et que la mine avait connu des problèmes de modélisation, de construction et d’exploitation. Americas a pris en compte des frais de dépréciation et de radiation totalisant 78,6 millions de dollars.

Le demandeur a engagé une action collective, alléguant que les nouvelles défavorables contenues dans le rapport de mai 2021 ont révélé des faits importants qu’Americas connaissait et aurait dû communiquer dans les prospectus d’août 2020 et de janvier 2021. Le demandeur a demandé l’autorisation d’intenter une action pour présentation inexacte des faits sur le marché secondaire en vertu de l’article 138.8 de la LVMO et la certification de diverses réclamations, y compris la présentation inexacte des faits sur le marché primaire en vertu de l’article 130 de la LVMO, ainsi que la négligence et l’assertion négligente et inexacte en common law.

Rejet de la demande d’autorisation

La question clé de la demande d’autorisation était de savoir si le demandeur avait produit des éléments de preuve démontrant qu’il est « raisonnablement possible » que l’action soit réglée en sa faveur au moment du procès. Le juge Morgan a souligné qu’un plaignant doit présenter des « éléments de preuve crédibles » à l’appui de sa demande. La preuve doit montrer la présentation inexacte des faits réelle plutôt que les conséquences d’une présentation inexacte des faits présumée; en d’autres termes, un demandeur doit faire plus qu’apporter la preuve d’une baisse du cours des actions et demander au tribunal de « raisonner à l’envers » pour présumer d’une présentation inexacte des faits antérieure.

Puisque le demandeur alléguait qu’Americas avait omis de divulguer des faits importants, le juge Morgan a expliqué qu’il était tenu de démontrer que ces faits étaient connus au moment de la publication des prospectus, c’est-à-dire que ces faits n’étaient pas encore « enfouis dans le sol ».

[Traduction] Il va de soi que l’on ne commet pas une présentation inexacte des faits en omettant ce qui n’était pas connu. L’enquête ne demande pas s’il existe des éléments inconnus enfouis dans le sol qui pourraient rendre la mine moins rentable que prévu. Ce type d’omission n’équivaut pas à l’omission d’un fait qui existait au moment où le prospectus a été publié, et qui n’était donc pas un fait qui devait être divulgué.[1]

Le juge Morgan a estimé qu’il n’y avait pas de contradiction « flagrante, à première vue », entre la communication d’informations d’Americas de mai 2021 et ses prospectus antérieurs. Les prospectus décrivaient le site minier et la géologie de surface, tandis que la communication de mai 2021 décrivait ce qui a été révélé par la suite sous terre. Le demandeur n’a pas présenté de preuve d’expert, ou d’autres éléments de preuve, appuyant l’interprétation du demandeur des communications d’informations respectives.

En se fondant sur sa compréhension des informations, le juge Morgan a conclu que les prospectus faisaient précisément ce que l’on s’attendrait à ce qu’ils fassent dans les circonstances en divulguant que la mine faisait l’objet d’une enquête. La communication ultérieure de mai 2021 constituait une nouvelle mise à jour technique. Selon le juge Morgan, l’ensemble de la séquence de divulgation suivait un schéma que tout le monde s’attendait à voir suivre au fur et à mesure de l’exploration du site minier[2]. Aucun élément de preuve crédible selon laquelle l’action du demandeur avait une possibilité raisonnable de succès eu égard à son allégation de présentation inexacte de faits sur le marché secondaire n’a été présenté. La demande d’autorisation a par conséquent été rejetée.

Rejet de la demande de certification

Le juge Morgan a également refusé de certifier les causes d’action restantes du demandeur, estimant que ce dernier n’avait pas réussi à démontrer un « certain fondement factuel » à l’égard de ses allégations, une condition préalable pour satisfaire au critère des questions communes aux termes de l’alinéa 5 (1) c) de la LRC.

Le juge Morgan a confirmé que pour qu’une présentation inexacte des faits par omission puisse donner lieu à une action, les faits importants allégués doivent à tout le moins avoir été « susceptibles d’être connus » avant l’omission reprochée. Les faits qui n’existent pas encore ou sont, littéralement, enfouis ne peuvent constituer le fondement d’une action viable pour présentation inexacte des faits[3].

Compte tenu du dossier de la preuve dont il disposait, le juge Morgan n’a pu trouver aucun fondement de fait à l’égard de l’allégation fondamentale du demandeur selon laquelle les informations contenues dans la communication de mai 2021 étaient connues ou susceptibles d’être connues au moment où les prospectus d’Americas ont été publiés. Il s’ensuit que si cette pierre angulaire s’écroule, le reste de l’édifice ne peut pas non plus tenir en tant qu'action collective[4].

Principaux points à retenir

La décision du juge Morgan constitue un rappel utile du fait que les seuils d’autorisation et de certification imposent des fardeaux de preuve significatifs aux représentants des demandeurs putatifs. Ces fardeaux ne seront pas satisfaits par une simple baisse du cours de l’action d’un émetteur.

La décision donne également des précisions utiles sur la norme de divulgation attendue des émetteurs, en particulier ceux de l’industrie minière, et confirme la proposition de bon sens selon laquelle on n’attend pas d’un émetteur qu’il divulgue des choses inconnues enfouies dans le sol[5].

Une équipe d’Osler a représenté Americas Gold and Silver Corp. dans cette action. Cette équipe était dirigée par Mark Gelowitz, Robert Carson et Elie Farkas.


[1] MM Fund v. Americas Gold and Silver Corp., 2022 ONSC 6515, paragraphe 26.

[2] Ibid., paragraphe 32.

[3] Ibid., alinéa 54(a).

[4] Ibid., paragraphe 55.

[5] Ibid., paragraphe 26.