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Le dilemme s'impose : dormir tranquille ou être responsable en fusion et acquisition

Auteur(s) : Hugo-Pierre Gagnon, Sebastien Duckett

Le 7 juin 2023

Les déclarations et garanties figurant dans un contrat d'acquisition dans le cadre d'une opération de fusion et acquisition peuvent avoir plusieurs objectifs, notamment la répartition des risques entre l'acheteur et le vendeur après la clôture de l'opération. La portée et l'étendue des déclarations et garanties sont une question de négociation, mais elles reflètent souvent le pouvoir de négociation des parties, ainsi que la vérification diligence complétée par l'acheteur et ses conseillers à l'égard de la cible. Les déclarations et garanties du vendeur sont généralement plus étendues et couvrent de nombreux aspects liés à l'entreprise, aux affaires, à l'exploitation, à la conformité, à la fiscalité, aux actifs et aux finances de la société cible et de son activité, ainsi que d'autres considérations spécifiques à l'opération. Elles sont destinées à donner un aperçu de ce que l'acheteur achète au moment de la conclusion de l'opération. En revanche, les déclarations et garanties de l'acheteur se limitent généralement aux aspects liés à l'exécution du contrat d'acquisition, tels que la capacité de l'acheteur à mener à bien la transaction (y compris sa capacité financière).

Indemnisation

Des déclarations et garanties fausses ou trompeuses peuvent donner lieu à des dommages-intérêts. Toutefois, les accords d'acquisition comprennent généralement des dispositions d'indemnisation prénégociées qui stipulent la manière et la mesure dans lesquelles les dommages subis par l'acheteur et résultant de ces déclarations et garanties fausses ou trompeuses seront indemnisés par le vendeur. Sauf dans le cas de déclarations et garanties fondamentales ou fiscales, les dommages potentiels sont généralement limités par un panier, un seuil ou une franchise et un plafond, chacun étant souvent stipulé comme un pourcentage du prix d'achat ou de la valeur d'entreprise de la cible. En outre, une partie du produit de l'opération est souvent mise sous séquestre ou retenues pendant plusieurs mois ou années afin de garantir que les demandes d’indemnisation de l'acheteur puissent être satisfaites par le vendeur. À l'instar des déclarations et garanties, la portée et l'étendue des clauses d’indemnisation font l'objet de négociations. Les demandes d'indemnisation postérieures à la clôture peuvent constituer un aspect important, mais litigieux, de la gestion et de la répartition des risques liés à la transaction. C'est pourquoi, au Canada, l'assurance des déclarations et garanties est devenue un outil de plus en plus populaire au cours de la dernière décennie.

Assurance    

Les déclarations et garanties du vendeur peuvent être assurées par une police qui transfère à l'assureur le risque associé à la responsabilité post-clôture résultant de déclarations et garanties fausses ou trompeuses. Du point de vue du vendeur, le transfert du risque d'indemnisation à l'assureur peut permettre de réduire considérablement l'exposition après la clôture et d'accroître la certitude du produit de l'opération. Il peut s'agir d'un walk-away deal permettant au vendeur de dormir tranquille après la clôture puisqu’aucun recours ne pourra être exercé contre le vendeur suite à la clôture et où tous les fonds lui seront immédiatement disponibles à la clôture, sans séquestre ni retenue de garantie. Elle peut également être utilisée pour réduire les plafonds d'indemnisation après la clôture et le risque de réclamation afin de combler le fossé entre un vendeur réticent à indemniser l'acheteur et un acheteur un peu plus soucieux à prendre des risques. Du point de vue de l'acheteur, l'assurance déclarations et garanties peut offrir une couverture d'indemnisation supérieure, des durées de protection plus longues et des mécanismes de recours plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre de la police. En fait, la durée de la police d'assurance déclarations et garanties générale est habituellement de trois ans, tandis que la période de survie habituelle et conforme au marché dure généralement entre 12 et 24 mois, bien qu'elle soit souvent fixée à 18 mois (c'est-à-dire au moins un cycle d'audit après la clôture de l'opération). Elle peut également permettre aux acheteurs d'accepter des conditions plus favorables au vendeur et de rendre leur offre plus attrayante, en particulier dans le contexte d'une vente aux enchères compétitive pour une cible très intéressante. Elle peut également être utile pour éviter d'éventuels mots de tête suivant la clôture lorsque le vendeur se joindra l'équipe de direction de l'entreprise acquise par l'acheteur ! Bien que cela soit moins fréquent, l'assurance déclarations et garanties a également été utilisée dans des opérations où personne ne peut soutenir la déclarations et garanties après la clôture, comme par exemple dans le cas d'une entreprise acquise dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité ou dans le contexte d'une transaction de privatisation d'une société inscrite en bourse.

Bien que l'assurance déclarations et garanties soit l'un des seuls substituts réalistes aux dispositions traditionnelles en matière d'indemnisation, elle n'est pas une alternative parfaite. La mise en œuvre de ces polices nécessite du temps et une vérification diligente approfondie de la cible. En outre, le coût peut être élevé, les primes étant généralement comprises entre 2,5 % et 4 % de la valeur d’entreprise de la cible et complétées par une commission de souscription comprise entre 40 000 et 60 000 dollars, sans tenir compte du coût supplémentaire de tous les conseillers et professionnels qui doivent faire preuve d'une plus grande diligence pour mener à bien la souscription auprès des assureurs. Par conséquent, l'assurance déclarations et garanties paraît moins opportune et moins viable dans les plus petites transactions.

Il ne faut pas oublier que le recours au titre de la police est généralement limité à un petit pourcentage de la valeur de l'opération, entre 10 et 20 % de la valeur d’entreprise de la cible, et que le recouvrement est soumis à une rétention (c'est-à-dire une franchise) d'environ 1 % de la valeur d’entreprise de la cible. La police contient également des exclusions et, souvent, ne couvre pas tous les chefs de responsabilité pertinents. Certaines exclusions sont générales et s'appliquent toujours (par exemple, les projections, les déclarations prospectives, les ajustements du prix d'achat, les régimes d'avantages sociaux non financés ou sous-financés, les violations provisoires entre la signature et la clôture, plusieurs questions fiscales telles que les attributs et les prix de transfert, une réorganisation pré-clôture par le vendeur, etc.), tandis que d'autres sont spécifiques à l'opération (par exemple, les audits pour non-respect des sanctions, un recours collectif contre la cible, les impôts et les violations divulgués dans la lettre d'information ou dont l'acheteur prend connaissance à la suite de la vérification diligente, etc.) L'assurance déclarations et garanties ne couvrira pas non plus les questions dont l'acheteur avait, au moment de la signature du contrat d’acquisition ou de la clôture de l’opération, une connaissance réelle (définie comme une prise de conscience) qu'il existait des déclarations et garanties fausses ou trompeuses. Par conséquent, pour gérer correctement les risques liés à l'opération, il peut être nécessaire de négocier des indemnités spécifiques accompagnées de comptes séquestres spéciaux où l'assurance exclura les risques importants.

Développements récents dans le domaine de l'assurance déclarations et garanties

Une nouvelle tendance se dessine dans le secteur de l'assurance déclarations et garanties, qui consiste à fournir des solutions de plateforme pour les acquisitions de type tuck-in. Ce type d'acquisition est le fait d'un véhicule d’acquisition spécifique, généralement soutenue par un fonds d'investissement privé ou un autre investisseur institutionnel, qui acquiert une entreprise plateforme, suivie de plusieurs autres acquisitions plus petites. Les entreprises plateformes sont généralement plus grandes, ce qui rend l'utilisation de l'assurance déclarations et garanties dans leur acquisition beaucoup plus attrayante et opportune en termes du coût-bénéfice. Toutefois, en raison de son coût élevé, l'assurance déclarations et garanties ne serait pas acceptable pour les nombreuses plus petites acquisitions subséquentes.

Il existe aujourd'hui des assureurs désireux d'assurer à la fois l'acquisition initiale de la plateforme et les acquisitions subséquentes à un coût réduit et dans le cadre d'un processus simplifié. Ce nouveau produit peut également être utilisé pour assurer les entreprises intégrées exclusivement à la plateforme. Cette assurance déclarations et garanties peut être une solution attrayante pour des transactions allant de 5 à 25 millions de dollars de la valeur d’entreprise de la cible. Le processus de souscription sera plus simple, adapté au profil d'activité de la filière de cibles et assorti d'une tarification prénégociée pour les limites d'assurance requises. Cette nouvelle solution a tout ce qu'il faut pour devenir un outil utile pour tout investisseur envisageant une stratégie de roll-up.

Un autre développement récent est l'émergence de l'assurance “transaction liability private enterprise” (TLPE), qui est maintenant proposée par certains souscripteurs. L'assurance TLPE vise à fournir aux vendeurs de petites entreprises une protection contre les réclamations découlant d'une violation des déclarations et garanties. Les polices d'assurance TLPE couvrent notamment 100 % de la valeur de l'entreprise et des frais de défense en cas de réclamation de l'acheteur, et ont généralement une période de couverture plus longue. Les frais de police peu élevés (500 dollars) et les options de couverture étendues font de l'assurance TLPE une option intéressante pour les vendeurs de petite taille. La procédure de dépôt est également simplifiée et peut être complétée en remplissant un court formulaire de demande standard.