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Avon règle pour 62 millions $ un recours collectif lié à la FCPA : leçons à tirer pour les entreprises canadiennes sur la nécessité de tenir des enquêtes en temps opportun

Auteur(s) : Sonja Pavic

14 Sept 2015

Avon Products Inc. (Avon) et un groupe de ses actionnaires ont conclu un règlement d'un montant de 62 millions $ le mois dernier dans le cadre d'une action oblique par voie de recours collectif reposant sur une allégation de fraude en valeurs mobilières. Les demandeurs ont soutenu qu'Avon et ses dirigeants avaient dissimulé le fait que l'entreprise avait donné divers pots-de-vin à des représentants du gouvernement chinois, y compris en leur faisant cadeau de sacs Gucci et en défrayant des frais de voyage inappropriés. Ce règlement fait suite au paiement, en décembre 2014, d'amendes totalisant 135 millions $ à la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) et au ministère de la Justice pour des violations de la loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act (FCPA).

Contexte

Le recours collectif alléguait qu'Avon avait gonflé artificiellement le cours de ses actions en trompant délibérément les actionnaires au sujet des mesures prises par l'entreprise pour se conformer à la FCPA. En particulier, les demandeurs ont allégué que l'ancien PDG et l'ancien chef de la stratégie financière savaient que des fonctionnaires chinois avaient reçu des pots-de-vin plusieurs années avant que l'entreprise ne révèle publiquement en 2008 qu'elle menait une enquête à propos de violations possibles de la FCPA.  Il était aussi allégué dans les actes de procédure qu'Avon souscrivait à une culture d'entreprise qui l'amenait à « rejeter activement » toute mesure de surveillance efficace, et qu'elle dissimulait sa dépendance à des activités de corruption pour faire augmenter son chiffre d'affaires.

Importance

Distinction entre les recours collectifs et les mesures d'application de la loi

Il arrive de plus en plus souvent que des sociétés ouvertes doivent non seulement verser à des organismes d'application de la loi de lourdes amendes civiles et pénales après plusieurs années de coûteuses enquêtes internes et d'enquêtes menées par les autorités, mais qu'elles doivent aussi composer ensuite avec des actions obliques par voie de recours collectifs intentés par des cabinets d'avocats spécialisés dans ce type de procédure. Les sommes réclamées dans le cadre d'actions obliques dépassent souvent le montant des amendes imposées par les organismes d'application de la loi.

Au chapitre de l'application de la loi, Avon a dû gérer les aspects criminels et civils des violations de la FCPA pendant plus de huit ans avant de convaincre les autorités que des peines civiles et criminelles de l'ordre de 135 millions $ et une entente de suspension des procédures devraient mettre un terme aux enquêtes liées la FCPA sur les activités menées par Avon en Chine.  De ce montant, 68 millions $ ont été versés pour régler l'enquête criminelle du ministère de la Justice, et 67 millions $ ont été versés pour régler l'enquête civile de la SEC. Dans le cadre du règlement, Avon a également été tenue d'engager un surveillant indépendant pour qu'il examine son programme de conformité à la FCPA pendant une période de 18 mois, suivie d'une période additionnelle de 18 mois de déclarations volontaires de ses activités continues en matière de conformité.

Avon a ensuite dû se soumettre à une autre ronde de négociations pour régler une réclamation faite par les avocats de certains de ses actionnaires. Avon a décidé de régler ce recours collectif pour la somme de 62 millions $, malgré le fait que le tribunal avait accueilli sa première requête en irrecevabilité pour le motif que les demandeurs n'étaient pas parvenus à démontrer qu'Avon avait fait de fausses déclarations au sujet du recours à des pots-de-vin. Avon a déposé une autre requête en irrecevabilité de la plainte modifiée des demandeurs, laquelle requête semblait elle aussi avoir de grandes chances d'être accueillie d'après les déclarations faites au juge par les avocats des actionnaires au moment d'expliquer le caractère équitable du règlement pour les demandeurs. Malgré les faiblesses du recours collectif des actionnaires, Avon a jugé qu'il valait mieux de conclure un règlement. Dans de nombreux cas, les importantes perturbations que doit subir la direction de l'entreprise visée par un recours collectif, même un recours qui comporte d'importantes faiblesses, justifie la conclusion d'un règlement.

Contrôles internes rigoureux et efficaces

Le fait de devoir composer avec des procédures d'application de la loi au civil et au criminel pendant plusieurs années, et d'avoir ensuite à se défendre contre des actions obliques par voie de recours collectifs, peut devenir une grande source de distractions pour une entreprise et ses dirigeants. Les entreprises peuvent éviter de telles perturbations en mettant en œuvre des programmes de conformité anticorruption, y compris par la surveillance stricte par la direction des activités à l'étranger.

Cela dit, il ne suffit pas de mettre sur papier un programme de conformité anticorruption. Le programme doit être rigoureux et mis en œuvre de manière efficace pour pouvoir atténuer les risques de manière adéquate, particulièrement dans des pays à haut risque comme la Chine. Comme nous l'avons déjà mentionné, les entreprises qui poursuivent des activités en Chine s'exposent à des risques élevés en matière de corruption, et le moindre signe d'acte répréhensible devrait nécessairement mener à la tenue d'une enquête exhaustive. Dans certains cas, les organismes d'application de la loi considéreront que le fait de retenir les services d'avocats indépendants ayant de l'expérience dans la conduite de telles enquêtes, suivi de la mise en œuvre immédiate des correctifs, constitue la seule réponse appropriée.

Lorsqu'Avon a découvert, par l'entremise d'un rapport de vérification interne, que ses activités en Chine n'étaient peut-être pas conformes à la FCPA, elle a consulté un cabinet d'avocats externe mais n'a pas mené d'enquête exhaustive. Elle a plutôt simplement émis des directives pour que des mesures de contrôle interne soient implantées au sein de la filiale en cause. Toutefois, aucune mesure du genre n'a été prise et il n'y a eu aucun suivi concernant les initiatives en matière de conformité. Avon a entrepris une enquête interne à grand déploiement  quelques années plus tard après que le PDG eut reçu une lettre de la part d'un dénonciateur. Mais à ce moment-là, le dommage avait été fait en grande partie.

Une réponse rapide appropriée qui est proportionnelle au niveau de risque de non-conformité est essentielle. Le fait de ne pas procéder à une enquête interne ou indépendante exhaustive à l'aide d'experts externes lorsque les différents facteurs de risque le justifient augmente, au bout du compte, le risque d'examen par les organismes d'application de la loi et d'actions obliques par voie de recours collectifs. Les entreprises devraient tenir compte de facteurs de risque tels que les antécédents de l'entreprise en matière de violations de lois anticorruption; le profil géographique et politique du pays; la nature de l'industrie en cause; les interactions avec des représentants du gouvernement; le recours à des mandataires et des consultants; les modes de rémunération des employés, des mandataires et des consultants, et l'efficacité du programme de conformité à répondre aux indications d'actes répréhensibles par les représentants de l'entreprise.

Conclusion

Pour minimiser les coûts liés à la conformité, les entreprises choisissent souvent de ne pas prendre les mesures appropriées, et ne réalisent que plus tard que les organismes d'application de la loi estiment que la violation aurait pu être découverte si l'entreprise avait entrepris une enquête indépendante et exhaustive en temps opportun. Les conséquences de chercher initialement à minimiser les perturbations et les coûts peut faire en sorte que des mesures encore plus coûteuses et chronophages doivent être prises par la suite, y compris le fait de collaborer avec les organismes d'application de la loi à la tenue d'une enquête interne plus approfondie, de faire l'objet d'assignations à témoigner et de mandats de perquisition, de payer des amendes élevées et de composer avec des recours collectifs réclamant d’énormes sommes pour des dommages censés avoir été infligés à certains groupes d'actionnaires. Comme le veut le vieil adage, il vaut mieux prévenir que guérir, et les responsables de la conformité devraient en tenir compte en cherchant à stimuler les mesures de réponse internes à d'éventuelles violations des lois anticorruption.