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Considérations en matière de confidentialité et d’inconduite lorsque des employés enregistrent secrètement des réunions de travail

Auteur(s) : Brian Thiessen, Daniel Wong

Le 29 septembre 2017

Dans ce bulletin d’actualités

  • Dans Hart c. Parrish & Heimbecker, Limited [2017] MBQB 68 (Hart), le juge de première instance a examiné les enregistrements secrets de membres de la haute direction qu’avait faits un employé, dans le contexte d’une action pour congédiement abusif.
  • Le juge de première instance a conclu que l’utilisation, par le demandeur, de son téléphone cellulaire pour enregistrer secrètement ces réunions équivalait à une violation de ses obligations en matière de confidentialité et de respect de la vie privée envers l'employeur.
  • La décision dans l’affaire Hart semble être la première à être rapportée dans laquelle un juge d’une cour de common law au Canada a examiné des enregistrements secrets de réunions réalisés par des employés dans le contexte d’une affaire de congédiement abusif.
  • Il est important, pour les employeurs, de s’assurer que leurs politiques et procédures en matière de confidentialité et de respect de la vie privée traitent les questions qui s'y rattachent en milieu de travail et qu’elles sont révisées périodiquement.

Dans une décision récente de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba,  Hart c. Parrish & Heimbecker, Limited [2017] MBQB 68 (Hart), le juge de première instance a examiné les enregistrements secrets qu’a faits un employé de réunions avec des membres de la haute direction, dans le contexte d’une action pour congédiement abusif.

Dans l’affaire Hart, l’employeur avait congédié le demandeur à la suite de quatre plaintes distinctes déposées par d’autres employés concernant le comportement inapproprié et non professionnel du demandeur. Au moment de son congédiement, le demandeur était âgé de 42 ans, comptait 15 années de service et occupait le poste de directeur du marchandisage.

Les trois premières plaintes avaient été déposées entre 2008 et 2013, chacune d’elles ayant fait l’objet d’une enquête par l’employeur. Des mesures correctives avaient été prises relativement au comportement du demandeur, notamment l’exigence qu’il reçoive du counselling professionnel dans le but de se fixer des objectifs personnels et professionnels. En 2014, à la fin des séances de counselling, le défendeur a reçu une quatrième plainte concernant le comportement du demandeur, plainte qu’il a traitée comme un incident culminant menant au licenciement motivé du demandeur.

Le demandeur a refusé l’indemnité de départ que l’employeur lui avait offerte sous réserve de sa position selon laquelle il avait des motifs valables de mettre fin à son emploi, et il a intenté une action en dommages‑intérêts pour congédiement abusif ainsi qu’en dommages-intérêts majorés et punitifs.

Dans le cadre des procédures judiciaires, l’employé a divulgué qu’entre le 16 octobre 2013 et la date de son licenciement, il avait enregistré secrètement des conversations avec des membres de la haute direction de l’employeur, en plaçant son téléphone cellulaire sur la table pendant les réunions, la fonction d’enregistrement étant activée.

Au procès, l’employeur a fait valoir que s’il avait su que le demandeur enregistrait les réunions, ce qu’il considérait comme une violation des conditions d’emploi, il aurait congédié le demandeur.

Le juge de première instance a conclu que l’utilisation, par le demandeur, de son téléphone cellulaire pour enregistrer secrètement ces réunions était inappropriée et équivalait à une violation de ses obligations en matière de confidentialité et de respect de la vie privée envers l'employeur. Le juge a également noté que le demandeur avait admis, lors d’un interrogatoire préalable, qu’il savait qu’une violation de ses obligations en matière de confidentialité pourrait mener à son congédiement.

Même si le juge de première instance a conclu que l’utilisation, par le demandeur, de son téléphone cellulaire pour enregistrer secrètement les réunions avec des membres de la haute direction constituait un facteur contribuant à déterminer si l’employeur avait un motif valable de le congédier, il n’était pas nécessaire que le juge de première instance établisse si l’utilisation du téléphone cellulaire par le demandeur pour enregistrer secrètement les réunions avec les membres de la haute direction constituait en soi un motif valable de congédiement. Le juge a conclu que la conduite du demandeur, qui avait donné lieu aux quatre plaintes, constituait un motif valable de congédiement.

La décision dans l’affaire Hart semble être la première à être rapportée dans laquelle un juge d’une cour de common law au Canada a examiné des enregistrements secrets de réunions réalisés par des employés dans le contexte d’une affaire de congédiement abusif. Comme il est mentionné ci-dessus, même si le juge de première instance a conclu qu’il n’était pas nécessaire que la Cour détermine si l’utilisation, par le demandeur, de son téléphone cellulaire pour enregistrer secrètement les réunions avec des membres de la haute direction constituait en soi un motif valable de congédiement, le juge a clairement établi qu'une telle conduite était inappropriée et pourrait être un facteur permettant de déterminer si un licenciement motivé était justifié dans un cas particulier.

Il importe de noter que l’affaire Hart portait sur une plainte pour congédiement abusif où l’employé congédié cherchait à obtenir des dommages-intérêts de son ex-employeur. Cependant, la réalisation d’enregistrements secrets de réunions avec des collègues pourrait constituer un délit d’intrusion dans l’intimité et rendre l'auteur de l’enregistrement passible de dommages-intérêts.

La Cour d’appel de l’Ontario a retenu les allégations d'atteinte à la vie privée dans l’affaire Jones v. Tsige 2012 ONCA 32 (Jones), dans laquelle la Cour d’appel a conclu que le délit « d’intrusion dans l’intimité » était une cause valide d’action, et a rendu un jugement sommaire en faveur de l’employé demandeur à l’encontre d’un employé défendeur qui avait indûment consulté le dossier bancaire personnel de l’employé demandeur, en violation de la politique de l’employeur. Dans l’affaire Jones, la Cour d’appel a accordé une compensation de 20 000 $ au demandeur, suite aux atteintes à sa vie privée commises par l’employé défendeur, limitant les dommages-intérêts à ce montant parce qu’il n’y avait pas eu de perte pécuniaire.

De même, dans un dossier d'arbitrage, Alberta c. Alberta Union of Provincial Employees, 2012 CanLII 47215 (AB GAA), l’arbitre Sims a accordé 1 250 $ à chacun des 26 employés de l’État dans une réclamation pour dommages-intérêts à l’encontre de leur employeur, en raison d’une violation reconnue de leur droit à la vie privée lors d’une vérification de crédit injustifiée dans leurs affaires personnelles.

Étant donné que les téléphones intelligents et autres appareils personnels permettent aux employés d’enregistrer facilement des conversations sur les lieux de travail, des documents et de l'information à l’insu de l’employeur, il importe que les employeurs s’assurent que leurs politiques et procédures en matière de confidentialité et de respect de la vie privée traitent les questions qui s'y rattachent en milieu de travail et sont révisées périodiquement, et que les employés soient prévenus des attentes de l’employeur concernant l’accès aux conversations, aux documents et à l’information sur les lieux de travail ainsi que l’enregistrement de ceux-ci et des conséquences de la violation de ces politiques et procédures.