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Les modifications aux politiques d'application du Bureau révèlent une approche nouvelle et dynamique

25 septembre 2013

Le Bureau de la concurrence du Canada (le Bureau) a annoncé aujourd'hui d'importants remaniements de ses foires aux questions relatives aux programmes d'immunité et de clémence.  Bien que les éléments fondamentaux de ces programmes n'aient pas été modifiés, de nouveaux éléments ont été ajoutés et témoignent d'une approche plus appuyée en matière d'application des politiques qui pourrait influencer toute personne réfléchissant à la question de savoir si elle doit demander l'immunité ou la clémence au Canada.

Foire aux questions du Programme d'immunité

Tout comme les autres organismes de réglementation antitrust, le Canada a maintenu une politique d'immunité qui offre l'amnistie aux premiers demandeurs qui divulguent des infractions en matière de complots antitrust depuis 2000. Le programme a généré une quantité exceptionnelle de pistes d'enquêtes et a permis de résoudre une série de cas de cartels.  Cette révision très récente des foires aux questions constitue une « mise au point » importante des politiques d'application, visant à placer le Canada parmi les organismes les plus influents pour ce qui est de l'application des lois anticartel à l'échelle mondiale.  Les éléments les plus remarquables de ces révisions sont les suivants :

  • Poursuites visant les ventes directes et indirectes de produits faisant l’objet d’un cartel au Canada.  Cela est en accord avec la position du Bureau voulant que les parties impliquées dans des cartels qui ne font que des ventes indirectes au Canada sont passibles de poursuite et qu'elles devraient donc faire une demande d'immunité aux termes de la politique;
  • Un signet est maintenant offert pour « de l'aide ou de la complicité » fournie aux fins d'infractions en matière de concurrence.  Un seul signet sera accordé pour chaque infraction (que ce soit à l'égard d'une infraction importante ou d'un cas « d'aide ou de complicité »);
  • Aucun signet ne sera accordé pour une infraction d’entrave ou de destruction de documents;
  • Il existe maintenant une nouvelle approche plus dynamique pour faire une présentation de l’information de suivi et pour assurer la coopération entière des demandeurs :
    • Le Bureau ne divulguera pas l'identité des demandeurs à d'autres organismes d'application, mais s'attend à ce que la renonciation soit effectuée « sans délai » afin de permettre qu'aient lieu des communications tant substantielles que procédurales avec d'autres organismes si le demandeur a fait des demandes comparables dans d'autres pays;
    • Les signets expireront au bout d'une période de 30 jours si le demandeur ne fournit pas sa présentation de l’information et le Bureau n'avisera pas le demandeur de l'expiration de cette période;
    • Les demandeurs qui ne sont pas en mesure de respecter l'échéance de 30 jours applicable à la présentation de l’information devront faire le nécessaire pour soumettre de l'information sur la progression des enquêtes internes ainsi qu'un plan de travail pour compléter ce processus de présentation de l’information;
    • Le Bureau ne tolérera pas les retards imputables à des complications survenues dans d'autres pays ou au fait que les services d'un avocat n'étaient peut-être pas disponibles;
    • La présentation de l’information est faite « sous toutes réserves », mais le demandeur est tenu de présenter tous les éléments de preuve et de citer tous les témoins possibles en coopérant de manière telle que le Bureau pourra avoir « une bonne idée des preuves que chaque témoin (...) peut fournir »;
    • La présentation de l’information doit aussi comprendre le détail de tout élément de preuve, opération de destruction de documents ou tentative d'entraver l'enquête; tout manquement grave à cette politique entraînera l'expiration automatique du signet d'immunité;
    • Si la présentation de l’information soumise par le demandeur ne contient pas assez de détails au sujet d'une infraction, le Bureau pourra demander au demandeur de retirer son signet, ou annuler ce signet après avoir transmis un préavis de 14 jours à ce sujet;
    • En règle générale, le Bureau exige qu'une divulgation intégrale de l'information soit effectuée dans un délai de six mois; toute violation de cette règle pourrait être considérée comme un manquement à l'entente en matière d'immunité;
    • En ce qui concerne la coopération des employés actuels ou anciens, les demandeurs qui sont des entreprises sont tenus de prendre « toutes les dispositions légales nécessaires » pour obtenir cette coopération, qui peut s'étendre aux agents et aux anciens administrateurs, dirigeants et employés visés par l'entente; en règle générale, les témoins doivent venir au Canada aux fins des entrevues avec le Bureau;
    • Une entrevue avec le témoin peut être demandée avant que l'on ne mette la dernière main à l'entente en matière d'immunité; si le témoin refuse de coopérer, le Bureau peut recommander qu'il soit « exclu » de cette entente et qu'il devienne passible de poursuite;
    • Les demandeurs doivent fournir des mises à jour de l'information au Bureau;
    • En ce qui concerne la divulgation d'infractions antérieures, la politique révisée impose la divulgation des infractions criminelles connues du demandeur aux termes de la Loi sur la concurrence et on s'attend à ce que chaque demandeur fasse preuve de diligence raisonnable pour prendre les décisions pertinentes à cet égard; on s'attend aussi à ce que les infractions criminelles ayant une incidence sur la crédibilité des témoins individuels soient également divulguées.
    • Il est à noter que le processus de divulgation est réputé être réalisé « sous toutes réserves » et que ni le Bureau ni le Service des poursuites pénales du Canada n'utiliseront l'information recueillie contre le demandeur et les particuliers lui étant associés, sauf en cas de manquement aux modalités de l'entente en matière d'immunité;
    • Les infractions découvertes après la signature d'une entente en matière d'immunité doivent être signalées au Bureau; en cas de divulgation tardive, le Bureau peut recommander qu'une pénalité accrue soit imposée;
    • Les demandeurs d'immunité sont tenus d'aviser le Bureau de toute divulgation publique exigée et ils doivent aussi divulguer l'identité de tiers à qui ils ont mentionné qu'ils avaient fait une demande; toute violation de cette politique peut mener à l'expulsion du Programme d'immunité;
    • Les demandeurs sont aussi tenus d'informer le Bureau au sujet de la progression générale de toute procédure civile et de l'aviser de leur intention de coopérer avec les parties à un litige civil;
    • En ce qui concerne les arrangements en matière de défense commune, le Bureau a déclaré que ces arrangements sont subordonnés à l'engagement pris par le demandeur aux termes du Programme d'immunité;
  • Les demandeurs devraient consulter le Bureau au sujet de la possibilité qu'une divulgation involontaire soit faite relativement à la demande d'immunité ou encore en ce qui concerne toute question touchant à la confidentialité;
  • Pour qu'on juge qu'il y a eu comportement coercitif qui rend une partie non admissible (la coercition peut être expresse ou implicite), il faut « qu'il  existe une preuve » que la partie « a exercé des pressions sur des participants réticents pour qu’ils prennent part à l’infraction »;
  • Lorsqu'un demandeur peut être admissible au « Programme immunité plus » (alors qu'il ne bénéficie pas de l'immunité pour un produit mais en jouit pour un autre), le Bureau recommandera habituellement l'ajout d'un indice de 5 à 10 % au rabais de clémence de ce demandeur s'appliquant au produit qui ne fait pas l'objet de l'immunité (soit, généralement, 50 %) et tiendra compte à cette fin de plusieurs facteurs indiqués;
  • Le Bureau appuiera la délivrance d'ordonnances de mise sous scellés visant à préserver la confidentialité de l'identité du demandeur ou d'autres détails le concernant, sauf si un tribunal prononce une ordonnance contraire;
  • Le Bureau n'entamera aucune procédure civile contre un demandeur sur la foi, pour l'essentiel, des mêmes faits que ceux invoqués à l'appui de la demande d'immunité.

Foire aux questions du Programme de clémence

Le Programme de clémence du Bureau a été lancé en 2010 et il s'applique aux parties qui n'ont pas demandé ou obtenu l'immunité pour un produit ou service donné visé par une enquête.  En ce qui concerne les deuxièmes entités ou les entités suivantes, on s'attend à ce que les demandeurs de clémence acceptés aux termes du Programme plaident coupables en vertu d'une entente pénale officielle et déposent des admissions relatives aux faits.  Bon nombre des modifications apportées à la foire aux questions relative à la politique de clémence sont les mêmes que celles se rapportant au  Programme d'immunité, y compris les modifications concernant les échéances et les arrangements possibles en matière de prolongation, de divulgation et de coopération, et les types de renseignements exigés.  Peu importe s'ils font des ventes directes ou indirectes au Canada, les demandeurs de clémence peuvent présenter une demande. 

Les changements importants apportés à la politique de clémence sont les suivants :

    • Les défenses en droit potentielles doivent être présentées au Bureau dès que possible afin de lui permettre d'évaluer sa position; si le Bureau en arrive néanmoins à la conclusion qu'une infraction a été confirmée, il reviendra au demandeur de décider s'il doit poursuivre les démarches qu'il a entreprises pour que sa demande de clémence soit acceptée;
    • Tout comme dans le cas du Programme d'immunité, toutes les divulgations faites au Bureau sont réputées avoir été effectuées « sous toutes réserves »;
    • En ce qui concerne le calcul des amendes, on explique dans la foire aux questions en quoi consiste les lignes directrices applicables au calcul de l'indice de « 20 % du volume touché du commerce » établi par le Bureau et correspondant au montant de l'amende, et on y indique aussi que des rabais pouvant aller jusqu'à 50 % (premier demandeur) peuvent être accordés aux demandeurs;
    • Si l'indice de 20 % du volume de commerce correspond à un montant supérieur au montant légal maximum (25 000 000 $), le Bureau utilisera l'amende maximum comme point de départ;
    • Si une entente de répartition des marchés est conclue alors qu'aucun commerce ne s'effectue au Canada, le calcul des amendes sera fait au cas par cas et le Bureau tiendra compte des volumes de commerce visés par toute entente ou arrangement pertinent; les ventes au Canada ne constitueront pas un facteur déterminant;
    • Pour les cas de truquage d'offres, les amendes seront calculées en fonction du volume de commerce total prévu par les ententes et arrangements pertinents;
    • En ce qui concerne les ventes indirectes, le Bureau « collaborera avec » le demandeur pour établir une méthodologie qui servira à évaluer les volumes de commerce touchés et il pourra limiter son calcul à la valeur de l'intrant pertinent dans le produit final;
    • Lorsque des pénalités sont imposées dans d'autres pays, le Bureau peut examiner dans chaque cas la question de savoir si les pénalités imposées ailleurs sont adéquates pour gérer le préjudice causé à l'économie canadienne;
    • Si un demandeur a un élément de preuve démontrant que la majoration de prix était inférieure à l'indice de 20 % établi par le Bureau, ce dernier tiendra compte des « éléments de preuve facilement accessibles et convaincants [qui] ne nécessitent aucune modélisation » aux fins de ses calculs;
    • En ce qui concerne les frais applicables aux particuliers, les premiers demandeurs de clémence bénéficieront d'une exemption complète, alors que les deuxièmes demandeurs et les demandeurs suivants seront évalués individuellement en fonction de divers facteurs;
    • Le Bureau a clairement établi que les arrangements autres que le dépôt d'une poursuite « (...) ne sont pas disponibles » aux termes du Programme de clémence;
    • Si un demandeur n'est pas en mesure de payer une amende, le Bureau « évaluera de façon éclairée » tout élément de preuve fourni par le demandeur concerné à cet égard; cet élément de preuve devra être complet et explicite et le Bureau pourra faire appel à un expert agissant à titre indépendant pour qu'il l'examine;
    • Après avoir conclu une transaction pénale, le demandeur est assujetti à la même obligation de divulgation intégrale que celle prévue aux termes du Programme d'immunité;
    • Tout comme dans le cas du Programme d'immunité, les témoins qui refusent de coopérer pourraient être exclus de la transaction pénale et s'exposer à une poursuite;
    • Une transaction pénale peut être révoquée si le demandeur n'a pas respecté ses modalités, auquel cas cette révocation devra faire l'objet d'un préavis de 14 jours afin de permettre au demandeur en cause de corriger la situation;
    • Sauf s'il existe des « raisons impérieuses » d'agir de la sorte, le Bureau ne recommandera aucun report du dépôt de l’acte d’accusation; plus précisément, les reports ne seront pas acceptés pour le motif que la partie ne veut pas être la première entité à plaider coupable;
    • Tout comme dans le cas de la politique en matière d'octroi de l'immunité, des considérations semblables s'appliqueront aux problèmes touchant à la confidentialité en ce qui concerne d'autres organismes, aux exigences d'autres pays en matière de production de rapports et aux arrangements en matière de coopération s'appliquant aux requérants au civil.

Ces modifications aux foires aux questions révèlent une approche plus appuyée de la part du Bureau en ce qui concerne l'application de ses politiques, et elles témoignent aussi clairement du fait que l'on aura des attentes plus élevées envers les demandeurs d'immunité ou de clémence quant à leur obligation de coopérer dès le début du processus et de divulguer l'information pertinente de façon continue. De même, le Bureau a indiqué qu'il tentera d'appliquer sa politique en matière de poursuites dans le cas où seules des ventes indirectes auraient été effectuées au Canada et aussi en ce qui concerne les ententes de répartition des marchés ou de truquage d'offres se rapportant à des demandeurs qui ne font peut-être pas de commerce au Canada.  Ces modifications mettent en relief le fait que les parties qui envisagent de demander l'immunité ou la clémence au Canada doivent obtenir des conseils auprès d'un avocat-conseil qui connaît bien les politiques en matière de poursuites du Bureau et du Service des poursuites pénales du Canada.

 

Par Graham Reynolds Q.C., Peter Franklyn, Peter Glossop