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Le droit de la santé au Canada

Auteur(s) : Michael Watts

1 décembre 2014

Les soins de santé au Canada représentent un sujet complexe. En effet, certains services de soins de santé sont publics alors que d’autres sont privés et un certain nombre d’entités différentes participent à la réglementation et à la prestation de ces services. Même si certains ont parfois l’impression que tous les soins de santé au Canada sont financés par l’État, le régime public ne vise généralement que les services médicaux et hospitaliers qui sont « médicalement nécessaires » ainsi que les régimes d’assurance médicaments provinciaux ou territoriaux qui donnent accès à des médicaments sur ordonnance aux résidents de plus de 65 ans ou aux résidents bénéficiaires des programmes d’aide sociale. Les services financés par l’État sont fournis par une combinaison de fournisseurs publics et privés et le financement provient du gouvernement fédéral canadien, qui établit des normes nationales, ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux, qui réglementent la prestation des services et déterminent si ces services sont réputés « médicalement nécessaires » (c.-à-d. financés par l’État) dans le contexte de leur propre cadre budgétaire et politique. En outre, une vaste gamme de produits et de services de santé non visés par les régimes d’assurance maladie publics sont payés par des payeurs privés.

Répartition constitutionnelle des pouvoirs

Comme c’est le cas pour de nombreux secteurs d’activité et économiques importants, ni le gouvernement fédéral ni les gouvernements provinciaux/ territoriaux n’ont compétence exclusive en matière de santé. La Loi constitutionnelle de 1867 divise les pouvoirs législatifs relatifs à la réglementation de la prestation des produits et services de santé entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

Le gouvernement fédéral est chargé de réglementer des aspects importants de divers secteurs de la santé, notamment la vente, l’importation, la distribution et la commercialisation de médicaments et d’appareils médicaux, et il exerce une influence importante sur les politiques et objectifs nationaux en matière de santé grâce à son pouvoir de dépenser.

Les gouvernements provinciaux/territoriaux ont compétence exclusive en matière de prestation de services de soins de santé. La réglementation des hôpitaux et des autres établissements de santé, l’administration des régimes d’assurance maladie, la distribution des médicaments sur ordonnance et la réglementation des professionnels de la santé constituent d’autres exemples de responsabilités provinciales.

Cependant, bon nombre de secteurs de la santé sont assujettis, du moins jusqu’à un certain degré, à la réglementation ou à la surveillance des deux échelons de gouvernement.

Programme national d’assurance maladie du Canada

Le programme « national » d’assurance maladie du Canada, qui est un régime à payeur unique financé par l’État, est conçu pour assurer à tous les résidents canadiens un accès universel aux services médicaux et hospitaliers médicalement nécessaires. Cependant, il importe de préciser qu’il n’existe pas de régime national d’assurance maladie unique. Le programme d’assurance maladie financé par le gouvernement fédéral canadien est en fait constitué de 13 régimes d’assurance maladie provinciaux et territoriaux distincts qui sont régis et administrés de façon indépendante conformément aux exigences et aux critères communs établis par la Loi canadienne sur la santé.

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

La Loi canadienne sur la santé est la loi fédérale qui constitue le fondement du régime de soins de santé canadien. Cette loi est administrée par Santé Canada, ministère fédéral qui a la responsabilité principale de préserver et d’améliorer la santé des Canadiens. Cependant, ni la Loi canadienne sur la santé ni Santé Canada n’ont le pouvoir direct de réglementer les régimes d’assurance maladie qui donnent effet au programme d’assurance maladie public en place dans l’ensemble du pays. Cette loi établit plutôt certaines valeurs et certains principes et énonce les critères et conditions que chaque régime d’assurance maladie public doit respecter pour avoir droit au financement fédéral par l’intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé. Comme le financement fédéral est essentiel à la capacité de financer les services médicaux et hospitaliers « médicalement nécessaires », chaque régime d’assurance maladie provincial et territorial doit satisfaire aux conditions quant à la gestion publique, à l’universalité, à la transférabilité, à l’intégralité et à l’accessibilité.

Entre autres, ces conditions ont trait uniquement au financement et à l’administration et établissent des principes généraux plutôt qu’un code prescriptif. En outre, la Loi canadienne sur la santé n’aborde pas la question de la prestation des services de santé et n’interdit ni ne décourage la prestation de services de santé assurés par le secteur privé. Par conséquent, le financement et l’administration des régimes d’assurance maladie varient considérablement d’un territoire à l’autre. Toutefois, la plupart des provinces permettent la prestation d’une vaste gamme de services de santé financés par l’État par une combinaison de fournisseurs publics et privés. En effet, bon nombre de services financés par l’État au Canada sont fournis par des fournisseurs privés.

La condition relative à l’intégralité applicable aux régimes d’assurance maladie financés par l’État exige que tous les services médicaux et hospitaliers « médicalement nécessaires » soient visés par ces régimes. Si un service est jugé « médicalement nécessaire », alors son coût intégral doit être assuré par le régime public. Toutefois, ce terme n’est pas défini et les services visés sont intentionnellement définis de façon large afin de permettre à chaque province et territoire de prendre ses propres décisions en cette matière dans le contexte du cadre budgétaire et politique qui lui est propre. Généralement, ces décisions sont prises en consultation avec les associations médicales pertinentes du territoire. Cependant, la question de savoir si un service est « médicalement nécessaire » est une décision qui comporte une dimension tant budgétaire que politique. Ultimement, ces décisions portent sur la répartition des ressources publiques, qui sont restreintes.

Les produits et services offerts aux Canadiens dans le cadre du programme d’assurance maladie financé par l’État représentent une vaste gamme de produits et services qui ne sont généralement pas assurés par les régimes d’assurance maladie publics. Par exemple, les médicaments sur ordonnance, services dentaires et soins de la vue sont généralement payés par les payeurs privés. Toutefois, bon nombre de territoires financent ces services qui sont fournis aux personnes âgées et aux personnes qui, pour des raisons financières ou autres, n’ont pas accès à des soins de santé privés. De plus, un nombre croissant de fournisseurs offrent des services de santé non médicalement nécessaires et d’autres services de santé connexes. Les opérations chirurgicales non urgentes ou chirurgies esthétiques en sont des exemples.

Réglementation des professionnels de la santé et des établissements de santé

Les professionnels de la santé et les établissements de soins de santé sont assujettis à des lois fédérales d’application générale, mais la réglementation de ces questions relève principalement de la compétence des provinces.

PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ

Les provinces ont délégué par voie législative la réglementation des professionnels de la santé à des ordres professionnels autogérés (dont les pouvoirs discrétionnaires varient d’un ordre à l’autre). Les lois qu’elles adoptent à cette fin visent généralement à protéger le public par une combinaison de règlements qui déterminent principalement qui a le droit de fournir un service de santé particulier ou qui portent principalement sur la qualité et la prestation du service fourni. De plus, ces règlements contiennent généralement des dispositions en matière de conflits d’intérêts (ou dispositions anti pots de vin) car ce genre de question est généralement abordée dans le cadre de la réglementation des professionnels de la santé plutôt que de la réglementation des établissements de santé.

Les participants au secteur de la santé qui offrent un service particulier doivent comprendre comment le service est réglementé. Si le service comporte un acte réglementé ou autorisé (c.-à-d. les actes pouvant être posés uniquement par une ou des catégories particulières de professionnels de la santé réglementés ou leurs délégués), l’intervention d’un ou de plusieurs professionnels de la santé dûment autorisés sera alors probablement requise. Par ailleurs, il pourrait être nécessaire de mettre en place certains protocoles et procédures aux fins de conformité avec les exigences des ordres professionnels qui régissent la pratique de ces professionnels. Le respect de ces exigences peut avoir des incidences commerciales importantes.

ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

L’exploitation d’un établissement de santé réglementé peut constituer un véritable défi et comporte souvent un degré de risque associé à la réglementation. Les acheteurs, prêteurs et investisseurs doivent avoir une compréhension approfondie du cadre juridique et des objectifs plus généraux du régime afin d’évaluer adéquatement les risques et de tirer avantage des occasions qui s’offrent à eux dans ce secteur.

Les établissements de soins de santé résidentiels autres que les hôpitaux, comme les maisons de soins infirmiers, les établissements de soins de longue durée, les pharmacies, les laboratoires et les centres de prélèvement, appartiennent, dans la plupart des territoires, à des intérêts privés. Ils sont exploités aux termes de permis provinciaux et assujettis à la surveillance des provinces. Cependant, le degré de réglementation de ces établissements de santé et autres fournisseurs dépend généralement de la nature des produits et des services fournis.

L’exploitation d’établissements de santé par des entités du secteur privé donne généralement droit à certains remboursements financés par l’État. Lorsque des fonds publics sont utilisés pour acquérir des biens et des services, il arrive souvent que des mesures de reddition de compte supplémentaires, comme des exigences en matière d’approvisionnement, s’appliquent. Ces mesures de reddition de compte ainsi que le rôle important joué par les organisations de services partagés ou d’autres groupes d’acheteurs peuvent donner lieu à des enjeux commerciaux, juridiques et réglementaires complexes.

La structuration d’un placement réussi dans le secteur de la santé ou la fourniture de certains produits et services de santé nécessitent généralement que l’on recoure à des services-conseils spécialisés en matière commerciale et juridique. Cela est particulièrement vrai dans le cas de placements ou de la fourniture de produits et services effectués dans plusieurs territoires, étant donné que tant la nature que l’étendue de la réglementation varient généralement d’un territoire à l’autre.

Réglementation des médicaments et des appareils médicaux

Le processus d’obtention d’autorisations et d’approbations aux fins de la commercialisation de médicaments sur ordonnance et d’appareils médicaux est administré par la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada.

La DPT applique la Loi sur les aliments et drogues ainsi que la réglementation applicable aux médicaments sur ordonnance et aux appareils médicaux pour s’assurer de l’innocuité et de l’efficacité des produits médicamenteux et appareils médicaux vendus au Canada. Sauf pour les appareils médicaux comportant un faible risque, les appareils médicaux ou produits médicamenteux ne sont mis en vente au Canada que si, après examen, Santé Canada en autorise la mise en marché.

En plus d’examiner les produits médicamenteux et appareils médicaux, Santé Canada est chargé de surveiller en permanence ces produits et appareils vendus au Canada ainsi que la réglementation des pratiques de fabrication et des permis d’établissement, qui sont requis lors de l’importation, de la fabrication, de la distribution ou de la vente de produits médicamenteux et d’appareils médicaux.

LE CONSEIL D’EXAMEN DU PRIX DES MÉDICAMENTS BREVETÉS

Contrairement au Canada, le prix des médicaments pharmaceutiques aux États-Unis est établi par les forces du marché essentiellement sans l’intervention du gouvernement. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) est un organisme quasi judiciaire indépendant créé en 1987 aux termes de modifications apportées à la Loi sur les brevets. Le CEPMB est chargé de réglementer les prix que les titulaires de brevets peuvent demander pour des médicaments sur ordonnance et sans ordonnance brevetés qui sont vendus au Canada. D’après un examen de l’information devant être produite par un titulaire de brevet, le CEPMB examine si le prix d’un médicament semble excessif d’après certains facteurs, dont : i) le prix auquel le médicament breveté est vendu sur le marché canadien; ii) le prix auquel d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique sont vendus sur le marché canadien et iii) le prix auquel le médicament et d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique ont été vendus dans d’autres pays que le Canada. Si le CEPMB juge que le prix d’un médicament semble excessif, celui-ci est généralement révisé.

ACCÈS AU MARCHÉ PUBLIC

Chaque province a un régime d’assurance médicaments provincial qui donne à certaines personnes accès à des médicaments à un coût réduit. Les produits payés par le gouvernement provincial (pour tous les résidents dans certaines provinces et pour certains particuliers visés par règlement comme les personnes âgées et les bénéficiaires de l’aide sociale dans d’autres provinces) sont généralement inscrits sur des listes provinciales. Les fabricants de produits innovateurs négocient avec le gouvernement provincial le prix de ceux-ci aux fins d’inclusion sur la liste provinciale. Le prix devant être payé pour des produits génériques est établi en fonction d’une échelle mobile de prix fixes liés au moment où ces produits font leur entrée sur le marché et au prix du produit innovateur (c.-à-d. qu’un pourcentage du prix du produit pharmaceutique innovateur dépend du fait qu’il s’agit d’un premier, d’un deuxième ou d’un troisième produit d’entrée). Si un médicament est un produit générique et qu’il est inscrit comme étant interchangeable sur la liste provinciale, le pharmacien est autorisé à offrir le produit interchangeable au lieu du produit innovateur. Aux termes de la plupart des régimes de prestations provinciaux, les pharmaciens sont tenus de remplacer le produit innovateur par un produit générique et la plupart des provinces remboursent généralement au pharmacien uniquement le produit interchangeable dont le coût est le plus faible. Les régimes d’assurance médicaments gouvernementaux sont à l’origine d’environ 50% de toutes les ventes de médicaments sur ordonnance au Canada.

Télémédecine et cybersanté

TÉLÉMÉDECINE

La télémédecine et les technologies mobiles ont une incidence fondamentale sur l’accessibilité aux services de soins de santé et la prestation de ceux-ci. Toutefois, lorsqu’un participant au secteur de la santé souhaite rendre un service de santé disponible par l’utilisation de technologies mobiles ou d’autres systèmes d’information et de communication de pointe, cela soulève des questions d’ordre juridique et réglementaire complexes. Diverses organisations nationales travaillent à l’élaboration de normes communes. Cependant, la prestation d’un service de santé dans une autre province ou un autre pays comporte souvent des difficultés de taille en matière de réglementation et de conformité. Il peut être difficile de gérer la conformité aux règles d’un seul régime de soins de santé. L’élaboration de solutions d’affaires efficientes qui sont conformes aux diverses exigences de plusieurs territoires requiert une connaissance approfondie du cadre juridique et du secteur d’activité concernés ainsi que des enjeux commerciaux connexes.

CYBERSANTÉ

Les gouvernements canadiens de tous les échelons travaillent activement à l’élaboration de mesures en matière de cybersanté dont l’étendue et le degré de complexité varient. Le gouvernement fédéral joue un rôle important dans le financement de ces mesures et l’établissement de priorités nationales par l’intermédiaire d’Inforoute Santé du Canada, organisme sans but lucratif indépendant financé par le gouvernement fédéral qui travaille en collaboration avec les provinces et territoires pour investir dans des projets de cybersanté. On prévoit généralement que les investissements importants dans les projets et mesures en matière de cybersanté seront maintenus et qu’ils pourraient excéder ultimement les investissements dans d’autres infrastructures de soins de santé.

Les participants au secteur de la santé à l’affût d’occasions au Canada devraient recourir aux services de conseillers juridiques possédant une connaissance approfondie du régime de soins de santé canadien complexe, une solide perspective commerciale ainsi que de l’expérience dans le secteur d’activité pertinent. Investir dans le secteur de la santé au Canada ou participer à ce secteur avec succès comporte des défis même pour les participants au secteur de la santé les plus aguerris, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un investissement ou d’une participation dans une autre province ou dans un autre pays.

Le groupe du droit de la santé d’Osler bénéfice d’une position privilégiée pour aider les participants à tous les secteurs de la santé à s’y retrouver dans le dédale du régime de soins de santé canadien. Osler a conseillé de nombreuses organisations américaines et internationales sur la façon de pénétrer le marché canadien ou d’y investir et dans le cadre de bon nombre de projets transformateurs des plus complexes dans le secteur de la santé au Canada. Michael Watts préside notre groupe du secteur du droit de la santé. Il aimerait remercier Jeffrey Murray, sociétaire, Groupe du secteur du droit de la santé, pour son aide dans le cadre de la rédaction de ce chapitre.