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Partenariat Transpacifique : Points saillants du texte de l’accord

Auteur(s) : Sonja Pavic

10 novembre 2015

Aperçu

Le 5 novembre 2015, un mois après que 12 pays de la côte du Pacifique représentant 40 % de l’économie mondiale ont mené à bien les négociations du Partenariat transpacifique (PTP), le texte de l’accord (en anglais seulement) a été rendu public. L’accord, fruit de sept années de négociations, compte 30 chapitres, en plus de nombreux tableaux et annexes, et des milliers de pages. Il couvre des sujets qui, auparavant, n’étaient pas considérés comme des caractéristiques standards des accords internationaux sur le commerce et l’investissement, comme la lutte contre la corruption, le commerce électronique, les règles relatives au transfert de données et la cybersécurité.

L’accord couvre également des sujets qui, auparavant, étaient couverts par les accords internationaux sur le commerce et l’investissement, comme la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, le commerce transfrontalier de services, y compris les services financiers, l’admission temporaire des gens d’affaires, la propriété intellectuelle, la protection des investissements, y compris l’arbitrage entre l’investisseur et l’État, les recours commerciaux, les marchés publics et le règlement des différends.

Il faudra des mois pour intégrer totalement toutes les incidences du texte de l’accord, et la ratification du PTP par toutes les parties, nommément l’Australie, le Brunei Darussalam, le Canada, le Chili, les États-Unis, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam, comportera aussi son lot de défis.

Une fois mis en œuvre, le PTP sera sans nul doute considéré comme l’un des plus importants accords historiques des vingt années écoulées depuis l’entrée en vigueur des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il couvrira le commerce et l’investissement dans l’une des régions du monde affichant la plus forte croissance. Dans les présentes Actualités, nous mettons au jour certains des aspects fondamentaux du PTP.

Lien avec les accords de l’OMC, l’ALENA et l’AECG

Le PTP est censé coexister avec d’autres accords commerciaux régionaux, comme l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) conclu récemment et les accords multilatéraux de l’OMC. Le premier chapitre du PTP reconnaît expressément les obligations et les droits existants des parties aux termes des accords de l’OMC, ainsi que les obligations et les droits que les parties se doivent les unes envers les autres aux termes d’autres accords internationaux.

Les parties au PTP sont toutes membres de l’OMC. Les règles multilatérales de l’OMC permettent aux membres de conclure des accords commerciaux régionaux, à la condition que les accords prévoient l’élimination des tarifs douaniers et d’autres barrières pour la quasi-totalité des activités commerciales entre les membres du libre-échange. Selon l’OMC, il y a 262 accords régionaux de ce genre actuellement en vigueur. L’arrivée des blocs commerciaux régionaux dans les années 1970, simultanément à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) multilatéral et maintenant les accords de l’OMC, a effectivement donné lieu à ce qui a été appelé l’« effet plat de spaghettis » (spaghetti bowl effect) ou l’« effet plat de nouilles » (noodle bowl effect) dans le contexte des ententes commerciales entre pays asiatiques.

Barrières tarifaires et autres barrières

L’un des objectifs clés du PTP, à l’instar de tout accord de libre-échange, est de réduire, voire d’abolir, les droits de douane dans le but d’accroître les possibilités d’accès aux marchés étrangers pour les producteurs nationaux. Comme il fallait s’y attendre, l’accord établit des obligations détaillées que toutes les parties sont tenues de respecter à l’égard de la libéralisation des droits de douane, ainsi que des garanties d’accès aux marchés usuelles, selon lesquelles toutes les parties doivent réserver aux biens des autres parties un « traitement national » une fois que ceux‑ci ont pénétré un marché du PTP, sous réserve de certaines exceptions limitées. Par exemple, les biens culturels sont exemptés de certaines obligations. Le PTP contient également des dispositions qui interdisent les restrictions à l’importation et à l’exportation sur les biens échangés dans la région, ainsi que des dispositions qui assurent une plus grande transparence en ce qui a trait au processus d’attribution des licences d’importation et d’exportation.

Des dispositions particulières s’appliquent au secteur de l’agriculture. Par exemple, les parties ne peuvent recourir à des subventions à l’exportation sur les marchés du PTP, et elles doivent travailler de concert pour discipliner l’utilisation des crédits à l’exportation à l’OMC. Le PTP établit également le comité sur le commerce agricole.

En plus des droits de douane, il y a également des barrières commerciales non tarifaires, comme des « obstacles techniques », qui peuvent se présenter sous la forme de règlements techniques obligatoires. Les obstacles techniques qui sont trop coûteux ou discriminatoires à l’égard des biens importés peuvent limiter le commerce. Le PTP fait la promotion de l’utilisation de normes reconnues à l’échelle internationale et exige que les règlements techniques ne servent pas à créer des obstacles au commerce.

Les services, y compris les services financiers

Le PTP couvre l’intégralité du secteur des services, à l’exception de ceux qu’une partie a exclus expressément. Les fournisseurs de services du Canada bénéficieront d’un accès accru au secteur des services des économies des parties au PTP. De la même manière, le marché canadien sera ouvert davantage aux fournisseurs de services étrangers. Bien que le PTP renferme les mêmes obligations fondamentales que celles que l’on trouve dans les accords de l’OMC et d’autres accords internationaux, les engagements des parties en matière d’accès vont plus loin que ceux que l’on trouve dans l’Accord général sur le commerce des services de l’OMC, en raison de l’approche dite des « listes négatives », qui exige que les exceptions spécifiques à l’accès au libre‑échange soient indiquées expressément dans une annexe. 

Le Canada a exclu du secteur des services les services de la santé, les services d’enseignement public et d’autres services sociaux. Il dispose également d’une réserve générale s’appliquant aux programmes et aux politiques actuels et futurs liés aux industries culturelles. Tous les pays parties au PTP se sont réservé le droit de décider, de réglementer et de contrôler le mode de mise en valeur et d’extraction de leurs ressources naturelles.

Le PTP contient également un chapitre consacré au commerce des services financiers – l’un des plus grands segments du secteur des services du Canada. Le chapitre prévoit de nouveaux engagements en matière d’accès aux marchés dans les pays membres du PTP avec lesquels le Canada n’a actuellement pas d’accord commercial régional ou bilatéral. Il prévoit aussi des mesures de protection pour les investisseurs financiers et un cadre spécial de règlement des différends adapté au secteur des services financiers. Toutefois, comme d’autres accords sur le commerce des services financiers, le PTP préserve le vaste pouvoir discrétionnaire des organismes de réglementation des services financiers de prendre des mesures favorisant la stabilité financière et maintenant l’intégrité de leurs systèmes financiers.

De manière générale, les parties au PTP se sont engagées à encourager la communication entre leurs autorités financières et à mettre sur pied un comité sur les services financiers, qui fournira une tribune pour les discussions et la collaboration.

Propriété intellectuelle

Le PTP exigera que le Canada devienne signataire de plusieurs traités de PI multilatéraux, qu’Industrie Canada a déjà commencé à mettre en œuvre graduellement.

Le PTP instaure des mesures de protection additionnelles pour les inventions brevetées, particulièrement dans le domaine des produits pharmaceutiques. Aux termes de l’AECG, des délais anormaux dans l’approbation d’un produit pharmaceutique engendrent une protection additionnelle pouvant aller jusqu’à deux ans suivant l’expiration du brevet. Le PTP prévoit également que des délais anormaux de plus de cinq ans au Bureau des brevets prolongeront la durée des brevets. La protection commerciale de huit ans applicable aux produits biologiques en vigueur au Canada est devenue une norme internationale, et le Canada a toute la latitude nécessaire pour l’appliquer. Les nouvelles mesures de protection assureront la transparence des remboursements des produits pharmaceutiques nationaux et la levée des obstacles techniques dans le cadre de l’examen et de l’inspection des produits pharmaceutiques.

Dans le cadre de l’AECG, le Canada s’est engagé à mettre en place un système de protection des indications géographiques et à protéger plus de 170 marques couvrant divers aliments et bières, sous réserve de certaines limites visant à protéger les utilisations existantes du domaine public. Aux termes du PTP, le Canada doit instaurer des mesures de protection pour s’assurer de ne pas accorder aux indications géographiques une protection bien trop grande par rapport aux marques de commerce.

Parmi les autres modifications importantes découlant du PTP, il faut mentionner l’accroissement de la durée du droit d’auteur, qui passe de 50 à 70 ans, l’application des lois sur les secrets commerciaux aux sociétés d’État et la criminalisation de certains mésusages des secrets commerciaux.

Investissement

À l’heure actuelle, en matière de promotion et de protection des investissements, le Canada n’a aucune obligation envers l’Australie, le Brunei, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, Singapour ou le Vietnam. Selon le chapitre du PTP qui porte sur l’investissement, les investisseurs canadiens devront, pour la première fois, obtenir de ces pays des engagements relativement à la libéralisation et à la protection de leurs investissements, l’intention étant de créer un cadre d’investissement plus stable et plus sécuritaire.

Le chapitre sur l’investissement du PTP est fondé, en majeure partie, sur le texte du modèle de traité bilatéral sur l’investissement des États-Unis, dans sa version de 2004, et sur le texte du chapitre sur l’investissement de l’ALENA. Il comprend ce qui est considéré désormais comme des garanties standards interdisant l’expropriation sans compensation rapide et adéquate, et exigeant que les investisseurs du Canada et des autres pays du PTP soient traités d’une manière juste et équitable. En ce qui concerne les autres droits fondamentaux, le PTP fera en sorte que les investisseurs obtiennent à la fois un « traitement national » et le « traitement de la nation la plus favorisée », ce qui signifie que les investisseurs étrangers ne peuvent pas être traités d’une manière moins avantageuse que les investisseurs nationaux ou les investisseurs d’un autre pays. Les dispositions sur l’investissement prévoient aussi un accès aux mécanismes internationaux de règlement des différends entre un investisseur et un État, ce qui permettra aux investisseurs étrangers de faire valoir leurs droits contre l’État hôte de l’investissement dans le cadre d’une procédure d’arbitrage internationale indépendante.

En même temps, le PTP préserve le droit des gouvernements de légiférer et de réglementer dans l’intérêt public. Plus précisément, le Canada préserve le droit d’examiner certains investissements étrangers en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Cependant, le seuil déclencheur d’examen sera majoré à une valeur d’affaire de 1,5 milliard de dollars pour les investisseurs qui sont des ressortissants d’un pays signataire initial du PTP ou les unités contrôlées par des ressortissants d’un tel pays. Les sociétés d’État ne pourront pas se prévaloir du seuil majoré. Le seuil de 1,5 milliard de dollars fixé dans le PTP est conforme au seuil accru proposé dans le cadre de l’AECG, qui est aussi en attente d’achèvement du processus de ratification. 

Marchés publics

Le PTP abat d’importantes barrières à la vente de produits et de services à des gouvernements étrangers. Les fournisseurs canadiens doivent noter qu’ils bénéficieront d’un accès à de nouveaux marchés publics de produits et de services en Australie, à Brunei, en Malaisie et au Vietnam. Aux États-Unis, les Canadiens bénéficieront désormais d’un nouvel accès aux marchés et rivaliseront suivant des règles équitables pour remporter des contrats octroyés par certains grands offices de l’électricité régionaux financés par les deniers publics qui dépensent plus de 4 milliards de dollars annuellement dans des projets de construction. De la même manière, les fournisseurs étrangers auront de nouvelles occasions et de plus grandes occasions de vendre des produits et des services au gouvernement du Canada.

En outre, le PTP garantit l’équité procédurale pour les fournisseurs grâce à l’obligation d’avoir un processus d’approvisionnement non discriminatoire, transparent, impartial et redevable.

Le Canada a aussi convenu avec les autres parties à l’ALENA d’harmoniser les dispositions relatives aux marchés publics du PTP et celles de l’ALENA, et avec les États-Unis d’appliquer les seuils du PTP aux activités relatives aux marchés publics visées par l’ALENA.

Transparence et lutte contre la corruption

Sous le titre Transparence, les pays devront s’assurer de publier ou de communiquer les faits nouveaux qui ont une incidence sur les autres signataires, y compris les modifications législatives et les décisions et les poursuites administratives.

De plus, le PTP exige que chaque pays adopte des lois criminalisant l’offre d’un avantage indu à un fonctionnaire national ou étranger. Entre autres obligations, les pays seront également tenus de s’assurer que les sociétés sont tenues responsables des infractions et adoptent des mesures en ce qui a trait à la tenue des livres et registres, à la protection des dénonciateurs et à l’intégrité des fonctionnaires.

Transfert de données

De multiples éléments du PTP – y compris les chapitres sur le commerce électronique, les télécommunications et la propriété intellectuelle – auront une incidence sur la protection des renseignements personnels. Notons surtout que le chapitre sur le commerce électronique impose des limites à la restriction des transferts internationaux de renseignements.

Selon le PTP, chaque pays est obligé de permettre le transfert transfrontalier de renseignements, y compris des renseignements personnels, par voie électronique, lorsque l’activité en cause se rapporte à la conduite des affaires d’une personne visée. Cependant, un pays peut avoir ses propres règles en matière de transfert électronique de renseignements dans le but d’atteindre un objectif légitime de ses politiques publiques, à la condition que la mesure i) ne soit pas appliquée d’une manière qui constituerait un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable ou une restriction déguisée du commerce et ii) n’impose aux transferts de renseignements aucune restriction qui soit supérieure que celle qui est requise pour atteindre l’objectif.

Le PTP interdit aussi l’imposition de mesures obligeant une personne visée à utiliser des centres de données nationaux comme condition à la conduite de ses affaires dans le pays en question, sauf si l’on peut justifier que les mesures sont nécessaires pour atteindre un objectif légitime des politiques publiques et que les mesures respectent certaines conditions, à savoir qu’elles ne sont pas discriminatoires ou arbitraires ou ne sont pas une restriction déguisée au commerce.

On a prévu des exceptions à l’application des règles précitées pour les institutions financières, les marchés publics et les renseignements traités pour le compte du gouvernement. 

Règlement des différends

Le mécanisme de règlement des différends du PTP est inspiré du mécanisme de l’OMC, qui est bien établi et a fait ses preuves. Il prévoit d’autres moyens, comme la conciliation et la médiation, permettant de régler volontairement un différend à ses débuts. Si un différend ne peut être réglé à ses débuts, la partie plaignante peut demander que l’affaire soit entendue par un groupe indépendant d’experts en commerce, qui doivent posséder l’expertise requise pour trancher efficacement le différend dans le domaine spécialisé au centre de l’affaire.

Les parties au PTP ont également à leur disposition certains recours leur permettant d’encourager le respect de l’accord. Par exemple, les parties plaignantes peuvent avoir recours à des représailles commerciales, tout comme à un mécanisme de collaboration, ce qui comprend la création d’un fonds monétaire financé conjointement pour mettre en place des initiatives qui amélioreront la conformité et régleront les problèmes.

Mise en œuvre

Maintenant que les négociations entourant le PTP sont terminées et que les aspects juridiques ont été clarifiés, les parties doivent lancer le processus de ratification et de mise en œuvre de l’accord dans leur propre pays. Aux États-Unis, l’accord doit être approuvé par le Congrès avant de pouvoir être ratifié. Au Canada, le processus de ratification est contrôlé par le conseil des ministres, qui peut conférer au ministre des Affaires étrangères le pouvoir de signer l’acte de ratification. Depuis 2008, le gouvernement fédéral a pour politique de déposer les traités à la Chambre des communes avant leur ratification. Certaines personnes au Canada ont demandé que l’accord soit rouvert puisqu’il a été négocié par le gouvernement précédent sans que le public canadien soit pleinement consulté. Toutefois, cela semble peu probable étant donné les années difficiles qu’il a fallu consacrées à la négociation et à l’équilibrage de vigoureux intérêts opposés pour conclure le PTP.