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Examen des investissements étrangers au Canada : ce qu’il faut surveiller en 2017

Auteur(s) : Shuli Rodal, Michelle Lally, Margaret Kim

21 décembre 2016

Introduction

La libéralisation devrait être le thème dominant des investissements étrangers en 2017, ce qui correspond à la priorité déclarée du gouvernement canadien, qui est d’attirer des investissements étrangers au Canada. Le 19 décembre 2016, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) a confirmé son intention précédemment annoncée de rehausser le seuil généralement applicable à l’examen de l’ « avantage net » en vertu de la Loi sur Investissement Canada (LIC), le faisant passer de 600 millions de dollars CAN à 1 milliard de dollars CAN en 2017, deux ans plus tôt que prévu.  De plus, à la suite de la mise en œuvre provisoire des dispositions relatives à l’examen des investissements étrangers de l’Accord économique et commercial global (AECG) conclu entre le Canada et l’Union européenne, également prévue pour 2017, de nombreux investisseurs étrangers auront droit à un seuil rehaussé généralement applicable de 1,5 milliard de dollars CAN.  Ces seuils plus élevés feront en sorte que le volume des investissements assujettis à l’examen et à l’approbation aux termes de la LIC sera grandement réduit.

Cependant, ISDE a confirmé que le gouvernement canadien continuera d’examiner soigneusement les investissements faits au Canada, quelle que soit leur taille, s’ils sont susceptibles de « porter atteinte à la sécurité nationale ».  Le 19 décembre 2016, ISDE a publié les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements (les lignes directrices sur la sécurité nationale), attendues depuis longtemps.  C’est la première fois que le gouvernement donne un aperçu officiel du processus relatif à la sécurité nationale qui est en place depuis 2009. Ces lignes directrices donnent un aperçu utile des types d’investissements qui peuvent susciter des préoccupations relatives à la sécurité nationale, et offrent des indications sur la procédure de traitement des opérations dans lesquelles la sécurité nationale peut constituer un facteur. Conformément à l’objectif d’attirer des investissements étrangers, le communiqué du gouvernement soulignait que l’objectif des lignes directrices sur la sécurité nationale était de favoriser les investissements au moyen d’une transparence accrue en ce qui concerne l’administration des dispositions sur la sécurité nationale.  Les investisseurs avaient considéré ces dispositions comme une « boîte noire » et certains d’entre-eux étaient d’avis que le gouvernement exerçait sont pouvoir discrétionnaire de manière à refuser des investissements en se fondant sur des motifs vagues qu’il n’était pas obligé de divulguer publiquement.

Rehaussement important des seuils déclencheurs d’examen de « l’avantage net » en vertu de la LIC

En vertu de la LIC, la plupart des acquisitions directes du contrôle par des investisseurs de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont assujetties à un examen de « l’avantage net », préalable à la clôture de l’opération, lorsque la valeur d’affaire de l’entreprise canadienne dépasse le seuil applicable.  Le seuil d’examen actuel de 600 millions de dollars CAN de valeur d’affaire de l’entreprise canadienne pour les investissements directs d’investisseurs de l’OMC devait passer à 800 millions de dollars CAN le 24 avril 2017, et à 1 milliard de dollars CAN le 24 avril 2019. Cependant, par suite de la publication du communiqué du gouvernement le 19 décembre 2016, et conformément à son Énoncé économique de l’automne 2016 publié le 1er novembre 2016, le seuil d’examen sera porté à 1 milliard de dollars CAN de valeur d’affaire en 2017, deux ans plus tôt que prévu. La date de mise en œuvre et les règles transitoires n’ont pas encore été annoncées. 

Même si un rehaussement du seuil d’examen, de 600 millions de dollars CAN à 1 milliard de dollars CAN est important, de nombreux investisseurs de l’OMC croient que le seuil d’examen réel en vertu de la LIC passera à 1,5 milliard de dollars CAN, vu l’application provisoire de l’AECG prévue pour 2017. En vertu de l’AECG, le seuil d’examen des investissements sera porté à 1,5 milliard de dollars CAN, non seulement pour les investisseurs de l’Union européenne; mais aussi pour les investisseurs d’autres partenaires d’accords de libre-échange (ALE), conformément aux engagements pris par le Canada envers des partenaires étrangers privilégiés (les nations les plus favorisées [NPF]).  Les pays partenaires d’ALE reconnus comme NPF pour l’application du seuil accru en vertu de la LIC sont les États-Unis, le Mexique, le Chili, la Colombie, le Panama, le Pérou, le Honduras et la Corée du Sud.

Les acquisitions directes par des entreprises d’État et les acquisitions d’« entreprises culturelles » demeurent assujetties au critère de la valeur comptable. Pour plus de renseignements ou pour toute question sur la LIC, veuillez consulter nos publications antérieures, ici.

Lignes directrices sur la sécurité nationale

Le Cabinet fédéral dispose du droit général d’intervenir dans le cadre de pratiquement tous les investissements au Canada, quelle qu’en soit la taille ou la structure, s’ils sont susceptibles de « porter atteinte à la sécurité nationale ».   Les lignes directrices sur la sécurité nationale font suite à la promesse du gouvernement d’accroître la transparence de son administration du processus d’examen de la sécurité nationale.  Bien que seulement huit opérations aient été assujetties à un examen intégral relatif à la sécurité nationale depuis 2009, d’après notre expérience, il y a eu davantage d’opérations soumises à un certain degré d’examen préliminaire pour des motifs de sécurité nationale.  Le risque potentiel d’un examen relatif à la sécurité nationale est donc devenu un élément qui, de façon générale, devrait être pris en compte dans le cadre de la planification et de la négociation d’opérations.  Par conséquent, une transparence accrue est une évolution appréciée.

Comme l’on s’y attentait, les lignes directrices sur la sécurité nationale sont axées d’une part, sur la nature de l’entreprise canadienne qui fait l’objet d’un investissement et, d’autre part, sur l’identité de l’investisseur étranger.  Les lignes directrices sur la sécurité nationale présentent neuf facteurs que le gouvernement prend en compte pour déterminer si un investissement présente un risque pour la sécurité nationale : 

  1. Les effets potentiels de l'investissement sur les capacités et les intérêts en matière de défense du Canada;
  2. Les effets potentiels de l'investissement sur le transfert de technologies de nature délicate ou de savoir-faire à l'extérieur du Canada;
  3. La participation à la recherche, à la fabrication ou à la vente de biens ou de technologies visés par la Loi sur la production de défense  (armes à feu, équipement militaire, armes, aéronefs et systèmes de défense); 
  4. L'incidence possible de l'investissement sur la sécurité des « infrastructures essentielles » du Canada. L’expression infrastructures essentielles est définie de manière très générale et englobe les processus, systèmes, installations, technologies, réseaux, biens et services nécessaires pour assurer la santé, la sûreté, la sécurité ou le bien-être économique des Canadiens ainsi que l'efficacité du gouvernement; 
  5. L'incidence possible de l'investissement sur l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens, ou l'approvisionnement de biens et de services au gouvernement;
  6. La mesure dans laquelle l'investissement risque de permettre la surveillance ou l'espionnage par des intervenants étrangers;
  7. La mesure dans laquelle l'investissement pourrait compromettre des activités actuelles ou à venir de représentants du renseignement ou des forces de l'ordre;
  8. La mesure dans laquelle l'investissement pourrait influer sur les intérêts internationaux du Canada, y compris les relations internationales;
  9. La mesure dans laquelle l'investissement pourrait mettre en jeu ou faciliter les activités d'acteurs illicites, tels que des terroristes, des organisations terroristes ou le crime organisé.

Fait à souligner, le pays d’origine de l’investissement ne figure pas en tant que facteur pris en compte.  Même si les lignes directrices sur la sécurité nationale sont muettes à cet égard, les investissements faits par des entreprises d’État de certains territoires de compétence sont susceptibles de présenter des problèmes à la sécurité nationale. Les investissements d’entreprises d’État susceptibles de faire l’objet d’un examen sont assujettis à des considérations particulières sur les avantages nets (lignes directrices sur les entreprises d’État). 

La liste de facteurs de risque figurant dans les lignes directrices sur la sécurité nationale n’est pas exhaustive, comme on pouvait s’y attendre.  De plus, certains facteurs peuvent être interprétés de façon très large, particulièrement le concept d’infrastructure essentielle, dont la définition englobe 10 secteurs, allant des plus évidents comme le transport, les services publics et la sécurité, jusqu’aux vastes secteurs tels que ceux de la finance, de la fabrication, de l’alimentation et des technologies de l’information et des communications. Néanmoins, le fait que des catégories particulières aient été établies procure un point de référence utile pour les investisseurs et leurs conseillers. 

Les lignes directrices sur la sécurité nationale offrent en outre des indications sur des questions de procédure auxquelles les investisseurs étrangers sont confrontés et qui ne sont pas abordées directement dans le processus d’examen relatif à la sécurité nationale, notamment une recommandation selon laquelle il y a lieu de prendre des mesures, officielles ou non, pour déterminer de façon proactive les éléments qui touchent la sécurité nationale aux premiers stades de la planification d’une opération.  Voici les recommandations des lignes directrices sur la sécurité nationale (qui traduisent des pratiques exemplaires) :

  • Le dépôt hâtif d’un avis : Dans le cas d’investissements qui ne déclenchent pas de processus d’examen préalable à la conclusion d’une opération, les investisseurs peuvent déposer l’avis d’investissement au moins 45 jours avant la conclusion de l’opération, afin de permettre que la période de 45 jours, dont dispose le gouvernement pour donner un avis d’examen relatif à la sécurité nationale, se soit écoulée avant la clôture de l’opération.  Si l’investisseur ne reçoit pas d’avis d’examen du gouvernement, il est alors certain qu’il n’y aura pas d’examen relatif à la sécurité nationale.
  • Rencontre avec la division de l’examen des investissements : Il est recommandé d’avoir une rencontre préalable à l’égard des investissements qui, sans être assujettis à l’obligation d’examen ou d’avis avant la conclusion d’une opération, sont susceptibles de présenter un problème de sécurité nationale et ne sont pas tenus d’êtres portés à la connaissance du gouvernement.   Au Canada, il n’existe pas de processus officiel de soumission volontaire d’une opération aux fins d’examen relatif à la sécurité nationale (contrairement aux États-Unis où il faut obtenir l’approbation du CFIUS) lorsqu’il n’est pas autrement nécessaire de procéder à un examen avant la conclusion ou d’envoyer un avis aux termes de la LIC.