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La GRC met fin à l’enquête sur la corruption transnationale de Nordion

Auteur(s) : Kaeleigh Kuzma

28 mars 2016

À la suite de l’annonce, le 3 mars 2016, par la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis, que Nordion (Canada) Inc. (Nordion Canada) acquitterait une amende en matière civile de 375 000 $ pour le règlement d’une procédure relative à l’application de la loi anticorruption des États-Unis, des rapports ont été publiés, selon lesquels la Gendarmerie royale du Canada (GRC) mettait fin à son enquête sur la corruption à l’étranger, faute de preuves.

Les violations qui ont mené à l’imposition d’amendes à Nordion Canada par la SEC avaient trait à un stratagème qui aurait impliqué un employé en poste au Canada, Mikhail Gourevitch, lequel avait établi une liaison entre, d’une part, l’entreprise ouverte (Nordion) remplacée par Nordion Canada, et d’autre part, un homme d’affaires russe et sa société en propriété exclusive (collectivement, le « Mandataire »). Au début de 2002, Nordion a signé son premier contrat de consultation écrit avec le Mandataire, dans le but d’obtenir des isotopes médicaux, par l’entremise d’un intermédiaire du gouvernement russe.

Par la suite, Nordion a étendu la relation en retenant les services du Mandataire pour l’aider à obtenir l’approbation du gouvernement russe concernant la vente de son traitement contre le cancer du foie, TheraSphere. De 2005 à 2011, Nordion a versé au Mandataire environ 235 043 $ relativement à ces services. Le Mandataire aurait utilisé une partie de ces fonds pour soudoyer des représentants du gouvernement russe, et une tranche d’au moins 100 000 $ aurait aussi été versée à M. Gourevitch en tant que pot-de-vin. Au bout du compte, Nordion n’a pas été en mesure de distribuer le produit en Russie.

Pour un supplément d’information sur l’application de la loi anticorruption américaine à l’égard de Nordion Canada et de M. Gourevitch, veuillez consulter notre Bulletin intitulé « Nordion signe un règlement à la suite d’une enquête anticorruption qui a duré 4 ans. » 

Pourquoi y a-t-il disparité entre les autorités américaines et canadiennes chargées de l’application de la loi dans leur façon de traiter Nordion Canada?  Pourquoi les autorités canadiennes ont-elles avisé Nordion Canada qu’elles ne prendraient pas de mesures d’application à l’encontre de celle-ci, apparemment pour faute de preuves alors que la SEC a imposé des amendes?  La GRC n’a pas rendu publics les motifs pour lesquels elle refusait d’entamer des poursuites; selon certains rapports, la divulgation volontaire de renseignements par Nordion a constitué la principale raison pour laquelle la GRC a décidé de ne pas intenter de poursuites, faute de preuves.

Nous sommes d’avis que, même si la divulgation volontaire de renseignements par Nordion Canada et son entière collaboration ont créé des circonstances favorables pour que la GRC mette fin à son enquête, il existe au moins deux raisons plausibles fondées en droit qui expliqueraient la décision de la GRC de ne pas poursuivre Nordion Canada :

  1. Premièrement, il ressort de l’information publiée par la SEC que : (i) la direction de Nordion ignorait que M. Gourevitch avait élaboré un stratagème de corruption, car les dispositions prises l’avaient été à l’insu de la direction de Nordion, notamment grâce à l’utilisation de la langue russe dans les communications entre M. Gourevitch et le Mandataire; (ii) M. Gourevitch aurait reçu un pot-de-vin. Ces faits laissent entendre qu’il est possible que l’entreprise ait prétendu que M. Gourevitch était un employé « malhonnête » ayant trompé l’entreprise, et qu’il perpétrait des actes illicites qui n’auraient jamais été tolérés par l’entreprise. À cet égard, la divulgation rapide par Nordion des résultats de son enquête interne aux autorités du Canada et des États-Unis, les mesures qu’elle a prises en faisant appel à des conseillers juridiques et des vérificateurs externes pour passer en revue et mettre à jour ses politiques, procédures et contrôles internes, tout en menant une enquête indépendante, la résiliation de tous les contrats conclus avec le Mandataire, le congédiement de M. Gourevitch (qui aurait quitté le Canada depuis et vivrait en Israël), et la mise en œuvre de vastes mesures correctives (décrites dans un précédent Bulletin) ont probablement tous conféré de la crédibilité aux arguments de Nordion, selon lesquels le stratagème de corruption n’était connu que de M. Gourevitch. Dans ces circonstances, il semblerait que les autorités d’application de la loi américaines et la GRC ont été d’avis que l’entreprise ne devrait pas être accusée de corruption, indépendamment des théories sur la responsabilité des entreprises et de l’existence de dispositions de la loi qui permettent, devant les faits appropriés, d’attribuer les actes des employés à l’entreprise qui les emploie.
  2. Deuxièmement, le règlement conclu entre Nordion Canada et la SEC avait trait aux dispositions sur les documents comptables et les contrôles internes contenues dans la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), à l’égard desquelles la SEC dispose d’un mandat d’application au civil à l’encontre de toutes les entreprises inscrites à une bourse de valeurs mobilières américaine. Dans cette affaire, les actes reprochés ont été posés entre les années 2002 et 2011, alors que le Canada ne s’était pas encore doté de dispositions sur les documents comptables. Depuis le milieu de 2013, la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE) du Canada comprend une infraction relative aux documents comptables qui s’applique tant aux sociétés ouvertes que fermées, et permettant d’établir une responsabilité criminelle. Cependant, la LCAPE ne prévoit pas d’infraction d’ordre civil en ce qui concerne l’inexactitude des documents comptables ou le défaut de s’être doté de contrôles internes. Par conséquent, la GRC n’était probablement pas en mesure d’amorcer des poursuites pour violation relative aux documents comptables, car les événements en cause étaient antérieurs à l’entrée en vigueur des modifications apportées à la LCAPE, et dans tous les cas, il est plus difficile de constituer une preuve d’intention criminelle que de faire la preuve au civil de la violation ici alléguée aux termes des lois américaines applicables.

On ignore encore si la GRC prévoit prendre des mesures d’application à l’encontre de M. Gourevitch, qui, au moment des événements en cause, détenait la double citoyenneté canado-israélienne.  Comme nous l’avons vu plus haut, selon les plus récents renseignements, il résiderait actuellement en Israël.

Pour un supplément d’information concernant le présent Bulletin, ou la façon de réaliser une enquête interne sur d’éventuels actes de corruption, ou la manière de mettre en œuvre un programme de conformité contre la corruption, veuillez communiquer avec un membre du groupe de pratique d’Osler contre la corruption.