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La SEC propose à nouveau une règle exigeant la déclaration des paiements par les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources

Auteur(s) : Jason Comerford, Rob Lando, Paula Olexiuk, Matthew Sadofsky

6 janvier 2016

Contexte

La Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a proposé de nouveau une règle qui obligerait les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources à déclarer les paiements versés au gouvernement fédéral des États-Unis et à des gouvernements étrangers relativement à la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais. Ces exigences de déclaration annuelle seraient essentiellement semblables à celles qui ont été adoptées récemment en vertu de la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif (LMTSE) du Canada, qui s'applique à tous les émetteurs inscrits à la cote d'une bourse canadienne et à certains autres émetteurs qui ont des liens avec le Canada.

La Rule 13q-1 proposée par la SEC en vertu de la loi intitulée Securities Exchange Act of 1934 des États-Unis, en sa version modifiée (Loi de 1934), s'appliquerait à tous les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources qui déposent des rapports annuels auprès de la SEC, y compris les émetteurs canadiens présentant des rapports sur formulaire 40-F aux termes du régime d’information multinational, sur formulaire 20-F ou sur formulaire 10-K. L'objectif de la règle proposée est de promouvoir une plus grande transparence dans le but de combattre la corruption liée à la mise en valeur des ressources, et d'aider les citoyens des pays en développement riches en ressources à tenir leurs gouvernements responsables des richesses générées par ces ressources. La Rule 13q-1 avait initialement été adoptée par la SEC en août 2012 afin de mettre en œuvre l'article 1504 de la loi intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (Loi Dodd-Frank), mais la règle de 2012 avait été annulée par la Cour de district des États-Unis pour le district de Columbia en juillet 2013 au motif que la SEC avait mal interprété la Loi Dodd-Frank en rendant obligatoire la divulgation des rapports des émetteurs. La Cour avait également jugé que l'explication de la SEC, pour justifier le fait de ne pas accorder de dispense lorsque la divulgation est interdite par les gouvernements étrangers, était arbitraire. La règle proposée est dans l'ensemble similaire à la règle de 2012, mis à part le fait que la SEC a étudié et adopté certains concepts de la LMTSE canadienne, qui est entrée en vigueur le 1er juin 2015, ainsi que de la Directive comptable de l'UE et de la Directive sur la transparence de l'UE  (les directives de l'UE), qui sont entrées en vigueur en octobre 2013. La règle proposée par la SEC règle également les problèmes signalés dans la décision du tribunal américain annulant la règle de 2012.

Résumé de la règle proposée

La Loi Dodd-Frank a ajouté le paragraphe 13(q) à la Loi de 1934, qui enjoint à la SEC de publier des règles exigeant que les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources mentionnent dans un rapport annuel l'information relative à tout paiement versé par l'émetteur, ses filiales ou les entités contrôlées par l'émetteur à un gouvernement étranger ou au gouvernement fédéral des États-Unis aux fins de la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais. L'émetteur de l'industrie d'extraction de ressources doit fournir des renseignements au sujet du type de paiement et du montant total versé pour chaque projet lié à la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais, ainsi que le type de paiement et le montant total versé à chaque gouvernement. L'information doit être fournie sous forme de données interactives. La règle proposée établit les détails relatifs à ces exigences.

Qui doit effectuer la divulgation

Aux termes de la règle proposée, l'expression « émetteur de l'industrie d'extraction de ressources » (resource extraction issuer) désignerait toutes les sociétés américaines et étrangères exerçant des activités de mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais et devant déposer auprès de la SEC un rapport annuel sur formulaire 10-K, 20-F ou 40-F. La règle ne contient pas d'exception ni d'exclusion pour les émetteurs de petite taille, contrairement à la LMTSE, qui prévoit une dispense pour les émetteurs qui ne sont pas inscrits à la cote d'une bourse canadienne s'ils ne répondent pas à certains critères de taille, fondés sur une combinaison de la valeur de leurs actifs, de leurs revenus, ou du nombre de leurs employés. L'expression « mise en valeur commerciale » désignerait l'exploration, l'extraction, le traitement et l'exportation, ou l'obtention d'une licence en vue de telles activités, et ne vise pas les activités de capture accessoires ou préparatoires en vue de la mise en valeur commerciale (comme les exploitants fournissant des services de fracturation hydraulique ou de forage), les activités en aval (affinage et fusion) ou les services d'exportation fournis par des émetteurs n'ayant pas de participation dans la ressource.

Quels paiements doivent être divulgués

La règle proposée obligerait les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources à déclarer les paiements dans le cadre d'un projet qui ne sont pas « de minimis » et qu'ils ont versés à un gouvernement étranger (y compris un gouvernement étranger national, étatique, provincial, municipal ou territorial, ou celui d'un comté ou d'un district) ou au gouvernement fédéral des États-Unis en vue de la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel et des minerais. Ces paiements comprendraient les taxes (autres que les taxes à la consommation, comme les taxes de vente), les redevances, les frais (y compris les droits de licence), les droits de production, les primes, les dividendes (autres que ceux versés aux mêmes conditions aux autres actionnaires) et les paiements pour l'amélioration de l'infrastructure (mais ne comprendraient pas les paiements sociaux ou communautaires).

Un paiement qui n'est pas de minimis comprendrait tout paiement, qu'il soit unique ou fasse partie d'une série de paiements connexes, d'au moins 100 000 $ US pendant le dernier exercice. En comparaison, le seuil de déclaration en vertu de la LMTSE est de 100 000 $ CA. En plus des paiements qu'il verse directement, l'émetteur de l'industrie d'extraction de ressources serait tenu de déclarer les paiements versés par ses filiales ou les autres entités qu'il contrôle (au sens des PCGR des États-Unis ou des principes comptables des IFRS).

En exigeant la déclaration détaillée des paiements versés dans le cadre d'un projet, la SEC se concentre sur la façon dont l'information dissociée peut aider les communautés locales et les gouvernements infranationaux à combattre la corruption en leur permettant de veiller à ce qu'ils reçoivent de leur gouvernement national la quote-part des revenus liés aux ressources à laquelle ils peuvent avoir droit en vertu de la loi. La règle proposée s'inspire en grande partie des projets de lignes directrices et des spécifications techniques des rapports en vertu de la LMTSE et des directives de l'UE pour la définition de « projet », soit des activités opérationnelles qui sont régies par un seul contrat, licence, bail, concession ou par des accords juridiques similaires et qui constituent la base des obligations de paiement avec un gouvernement. Les ententes qui sont interreliées tant sur le plan opérationnel que géographique peuvent être considérées comme un seul projet par l'émetteur de l'industrie d'extraction de ressources. Toutefois, contrairement à la définition présentée dans la LMTSE et les directives de l'UE, la règle proposée par la SEC n'exige pas que les ententes comportent des « conditions hautement similaires » pour qu'elles soient considérées comme un même projet.

Les éléments suivants devraient être déclarés en vertu de la règle proposée par la SEC :

  • le type et le montant total des paiements versés à chaque gouvernement pour tous les projets;
  • le montant total des paiements, par catégorie;
  • la monnaie utilisée pour effectuer les paiements;
  • la période financière pendant laquelle les paiements ont été versés;
  • l'unité d'exploitation de l'émetteur de l'industrie d'extraction de ressources qui a versé les paiements;
  • le gouvernement qui a reçu les paiements et le pays dans lequel se trouve le gouvernement;
  • le projet de l'émetteur de l'industrie d'extraction de ressources auquel les paiements se rattachent;
  • la ressource particulière qui fait l'objet d'une mise en valeur commerciale;
  • l'emplacement géographique infranational du projet.

De quelle façon et à quel moment l'information sur les paiements doit-elle être déclarée

La divulgation exigée par la règle proposée serait déposée sous forme de pièce jointe au formulaire SD de la SEC, qui est aussi le formulaire utilisé pour divulguer l'information exigée aux termes des règles de la SEC sur les minéraux des conflits. Les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources seraient tenus de se conformer à la règle proposée à compter de leur exercice se terminant au plus tôt un an après la date de prise d'effet de la règle proposée. Après l'entrée en vigueur de la règle définitive, les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources seraient tenus de déposer chaque année le formulaire SD au plus tard 150 jours après la fin de leur exercice. Par exemple, si la Rule 13q-1 entre en vigueur pendant l'année civile 2016, l'émetteur dont l'exercice se termine le 31 décembre serait tenu de déposer son premier rapport sur les paiements liés à l'extraction de ressources au plus tard 150 jours après le 31 décembre 2017, soit le 30 mai 2018. Les émetteurs assujettis à la règle proposée ainsi qu'aux règles de la SEC sur les minéraux des conflits pourraient devoir déposer deux formulaires SD distincts compte tenu de l'échéance annuelle du 31 mai pour le formulaire SD contenant la déclaration sur les minéraux des conflits. L'information sur les paiements déclarée dans le formulaire SD devrait être étiquetée électroniquement sous le format XBRL (eXtensible Business Reporting Language). Le formulaire SD serait « déposé » aux fins de la Loi de 1934, ce qui signifie que les émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources seraient assujettis à une responsabilité en vertu de la Loi de 1934 relativement à l'exactitude de l'information requise sur les paiements.

Dispenses de divulgation

La SEC a reconnu que la décision du tribunal américain annulant sa règle initiale de 2012 était fondée en partie sur le fait qu'elle avait omis de justifier pourquoi elle ne prévoyait pas de dispense de divulgation si le fait de faire la divulgation requise allait à l'encontre des lois d'autres pays, et elle a noté les préoccupations des observateurs à ce sujet. Toutefois, la SEC a également noté qu'il n'existait pas de telles dispenses de divulgation dans les directives de l'UE et dans la LMTSE et elle a refusé d'adopter une dispense générale en cas d'interdiction en vertu d'une loi étrangère dans la règle proposée. La SEC a plutôt indiqué qu'elle évaluerait les demandes de dispense au cas par cas pour vérifier si l'émetteur qui la demande subirait des dommages de nature commerciale ou financière si la dispense n'était pas accordée.

Utilisation de rapports étrangers pour se conformer à la règle proposée

La SEC a noté que de nombreux pays, dont le Canada, ont déjà mis en œuvre des lois exigeant la divulgation des paiements liés à l'extraction de ressources. Afin de réduire le fardeau lié à la conformité, la SEC a proposé une disposition qui permettrait aux émetteurs de répondre aux exigences de la Rule 13q-1 en effectuant une divulgation qui est conforme aux règles d'un autre pays, comme la LMTSE du Canada, si la SEC est d'avis que ces règles ou exigences sont hautement similaires à la règle proposée. Dans de tels cas, l'émetteur déposerait le rapport similaire sous forme de pièce jointe au formulaire SD. Il reste à voir si la SEC permettra aux émetteurs canadiens de l'industrie d'extraction de ressources de se servir des rapports préparés conformément aux normes de la LMTSE canadienne pour répondre aux exigences de divulgation de la Rule 13q-1, en raison du fait que les exigences de la LMTSE sont hautement similaires à celles de la règle proposée.

Répercussions au Canada

Bien que la règle proposée de la SEC s'appliquera à tous les émetteurs canadiens de l'industrie d'extraction de ressources qui déposent des rapports annuels auprès de la SEC, compte tenu du fait que la proposition de la SEC contient de nombreux renvois à la LMTSE du Canada, il semble probable que la SEC reconnaîtra la LMTSE comme étant hautement similaire à la Rule 13q-1 et permettra aux émetteurs canadiens assujettis à la LMTSE de satisfaire à toutes les exigences de la Rule 13q-1 en déposant simplement un formulaire SD et en y joignant le rapport en vertu de la LMTSE comme pièce jointe. Au niveau des délais, les émetteurs assujettis à la LMTSE au Canada devront déposer leurs premiers rapports en vertu de la LMTSE au moins une année civile avant leur première échéance de dépôt en vertu de la Rule 13q-1

Même si la SEC décide ultimement que la LMTSE n'est pas hautement similaire à la Rule 13q-1, la majorité, sinon la totalité, de l'information et de l'analyse requises pour respecter la Rule 13q-1 aura déjà été compilée par les émetteurs canadiens de l'industrie d'extraction de ressources assujettis à la LMTSE, ce qui devrait aider à réduire leurs exigences de conformité supplémentaires. Dans la plupart des cas, les émetteurs canadiens n'auraient qu'à convertir l'information qu'ils ont déjà déclarée en vertu de la LMTSE dans le format exigé par le formulaire SD, de la déposer en pièce jointe au formulaire SD, y compris tout étiquetage XBRL nécessaire. Cependant, la différence entre les seuils de déclaration canadien et américain, soit 100 000 $ CA et 100 000 $ US respectivement, doit être étudiée si un émetteur est assujetti à la fois à la LMTSE et à la Rule 13q-1 et n'a pas droit à une dispense en vertu d'une d'entre elles parce qu'il se conforme à l'autre. 

Enfin, malgré le fait qu'ils ont des liens avec le Canada, les petits émetteurs de l'industrie d'extraction de ressources qui ne sont pas inscrits à la cote d'une bourse canadienne pourraient ne pas être assujettis à la LMTSE en raison de la petite taille de leur actif ou de leurs revenus, ou du nombre de leurs employés. Ces émetteurs ne devraient pas oublier qu'il n'existe pas de telle dispense liée à la taille en vertu de la règle de la SEC. Donc, s'ils sont assujettis aux obligations de déclaration de la SEC, ils seront tenus de déposer des rapports en vertu de la Rule 13q-1 même s'ils ne présentent pas de rapport en vertu de la LMTSE.