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Les règles définitives des États-Unis exigent la déclaration des paiements par les émetteurs de l’industrie de l’extraction des ressources

Auteur(s) : Rob Lando, Jason Comerford, Amma Anaman

15 août 2016

Contexte

La Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a adopté une règle définitive qui oblige les émetteurs de l’industrie de l’extraction de ressources à déclarer les paiements versés au gouvernement fédéral des États-Unis et à des gouvernements étrangers relativement à la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais. Ces exigences de déclaration annuelle sont essentiellement semblables à celles qui ont été adoptées en vertu de la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif (LMTSE) du Canada, qui s’applique à tous les émetteurs inscrits à la cote d’une bourse canadienne et à certains autres émetteurs qui ont des liens avec le Canada. Les émetteurs de l’industrie de l’extraction des ressources qui sont des sociétés inscrites auprès de la SEC doivent se conformer à l’exigence de déclaration pour leur exercice clos le 30 septembre 2018 ou après cette date. Les sociétés canadiennes seront en mesure de satisfaire à la nouvelle règle exigeant la déclaration aux États-Unis en déposant leur rapport en vertu de la LMTSE canadienne auprès de la SEC, mais ce rapport devra être étiqueté électroniquement sous le format XBRL (eXtensible Business Reporting Language).

La Rule 13q-1, adoptée par la SEC en vertu de la loi intitulée Securities Exchange Act of 1934 des États-Unis, en sa version modifiée (Loi de 1934), s’applique à tous les émetteurs de l’industrie de l’extraction de ressources qui déposent des rapports annuels auprès de la SEC, y compris les émetteurs canadiens présentant des rapports sur formulaire 40-F aux termes du régime d’information multinational, sur formulaire 20-F ou sur formulaire 10-K. L’objectif de la règle est de promouvoir une plus grande transparence dans le but de combattre la corruption liée à la mise en valeur des ressources, et d’aider les citoyens des pays en développement riches en ressources à tenir leurs gouvernements responsables des richesses générées par ces ressources. La Rule 13q-1 avait initialement été adoptée par la SEC en août 2012 afin de mettre en œuvre l’article 1504 de la loi intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (Loi Dodd-Frank), mais la règle de 2012 avait été annulée par la Cour de district des États-Unis pour le district de Columbia en juillet 2013, au motif que la SEC avait mal interprété la Loi Dodd-Frank en rendant obligatoire la divulgation des rapports des émetteurs. La Cour avait également jugé que l’explication de la SEC, pour justifier le fait de ne pas accorder de dispense lorsque la divulgation est interdite par les gouvernements étrangers, était arbitraire. La règle proposée de nouveau le 11 décembre 2015 est dans l’ensemble similaire à la règle de 2012, mis à part le fait que la SEC y a incorporé certains concepts de la LMTSE canadienne, entrée en vigueur le 1er juin 2015, ainsi que de la Directive comptable de l’UE et de la Directive sur la transparence de l’UE (les Directives de l’UE), entrées en vigueur en octobre 2013. La règle proposée de nouveau par la SEC aborde également les problèmes signalés dans la décision du tribunal américain annulant la règle de 2012. La règle définitive est dans l’ensemble similaire à la règle proposée de nouveau, à quelques différences près, résumées ci-dessous.

Résumé de la règle définitive

La Loi Dodd-Frank a ajouté le paragraphe 13(q) à la Loi de 1934, qui enjoint à la SEC de publier des règles exigeant que les émetteurs de l’industrie de l’extraction des ressources incorporent à un rapport annuel l’information relative à tout paiement versé par l’émetteur, ses filiales ou les entités contrôlées par l’émetteur à un gouvernement étranger ou au gouvernement fédéral des États-Unis, aux fins de la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais. L’émetteur de l’industrie de l’extraction des ressources doit fournir des renseignements au sujet du type de paiement et du montant total versé pour chaque projet lié à la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais, ainsi que le type de paiement et le montant total versé à chaque gouvernement. L’information doit être fournie sous forme de données interactives. La règle définitive établit les détails relatifs à ces exigences.

Qui doit effectuer la divulgation ?

Aux termes de la règle définitive, de façon similaire à la règle proposée de nouveau, l’expression « émetteur de l’industrie de l’extraction des ressources » (resource extraction issuer) désigne toutes les sociétés américaines et étrangères exerçant des activités de mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais et devant déposer auprès de la SEC un rapport annuel sur formulaire 10-K, 20-F ou 40-F. Les émetteurs privés étrangers qui invoquent la Rule 12g3-2(b) de la Loi de 1934 ne sont pas assujettis à la nouvelle exigence de divulgation, car ils ne sont pas tenus de déposer un rapport annuel auprès de la SEC. Cependant, la règle ne prévoit pas de dispense pour les émetteurs de petite taille, contrairement à la LMTSE, qui en prévoit une pour les émetteurs non inscrits à la cote d’une bourse canadienne s’ils ne répondent pas à certains critères de taille, fondés sur une combinaison de la valeur de leurs actifs, de leurs revenus, ou du nombre de leurs employés. L’expression « mise en valeur commerciale » désigne l’exploration, l’extraction, le traitement et l’exportation, ou l’obtention d’une licence en vue de telles activités, et ne vise pas les activités de capture accessoires ou préparatoires en vue de la mise en valeur commerciale (comme les exploitants fournissant des services de fracturation hydraulique ou de forage), les activités en aval (affinage et fusion) ou les services d’exportation fournis par des émetteurs n’ayant pas de participation dans la ressource.

Quels paiements doivent être divulgués ?

De façon semblable à ce que prévoyait la règle proposée de nouveau, la règle définitive oblige les émetteurs de l’industrie de l’extraction des ressources à déclarer les paiements dans le cadre d’un projet qui ne sont pas « de minimis » et qu’ils ont versés à un gouvernement étranger (y compris un gouvernement étranger national, étatique, provincial, municipal ou territorial, ou celui d’un comté ou d’un district, ou toute société détenue majoritairement par ces gouvernements) ou au gouvernement fédéral des États-Unis, en vue de la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel et des minerais. Un paiement qui n’est pas de minimis comprend tout paiement, qu’il soit unique ou fasse partie d’une série de paiements connexes, d’au moins 100 000 $ US au cours de l’exercice le plus récent. En comparaison, le seuil de déclaration en vertu de la LMTSE est de 100 000 $ CA. En plus des paiements qu’il verse directement, l’émetteur de l’industrie de l’extraction de ressources sera tenu de déclarer les paiements versés par ses filiales ou les autres entités qu’il contrôle (au sens des PCGR des États-Unis ou des principes comptables des IFRS).

Ces paiements comprennent les taxes (autres que les taxes à la consommation, comme les taxes de vente), les redevances, les frais (y compris les droits de licence), les droits de production, les primes, les dividendes (autres que ceux qui sont versés aux mêmes conditions aux autres actionnaires) et les paiements pour l’amélioration de l’infrastructure. Les émetteurs de l’industrie de l’extraction doivent également déclarer les paiements sociaux ou communautaires, conformément aux exigences de la loi ou d’un contrat. Dans la règle proposée de nouveau en décembre 2015, la SEC a explicitement exclu les paiements sociaux ou communautaires, en s’appuyant sur le fait que les Directives de l’UE et la LMTSE n’en exigeaient pas la divulgation. Dans son document d’adoption de la règle définitive, la SEC conclut que les paiements sociaux ou communautaires font partie du flux de revenus tirés de la mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz naturel ou des minerais et que ces paiements doivent être déclarés aux termes de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), coalition volontaire de sociétés pétrolières, gazières et minières, de gouvernements nationaux, d’organisations internationales et d’autres parties prenantes, résolus à affermir la responsabilité et la transparence relativement aux revenus versés aux pays riches en ressources.

En exigeant la déclaration détaillée des paiements versés dans le cadre d’un projet, la SEC se concentre sur la façon dont l’information dissociée peut aider les collectivités locales et les gouvernements infranationaux à combattre la corruption en leur permettant de veiller à ce qu’ils reçoivent de leur gouvernement national la quote-part des revenus liés aux ressources à laquelle ils peuvent avoir droit en vertu de la loi. La règle définitive s’inspire en grande partie des projets de lignes directrices et des spécifications techniques des rapports en vertu de la LMTSE, publiés le 1er mars 2016, et des Directives de l’UE pour la définition de « projet », soit des activités opérationnelles régies par un seul contrat, licence, bail, concession ou par des accords juridiques similaires et qui constituent la base des obligations de paiement avec un gouvernement. Les ententes qui sont interreliées tant sur le plan opérationnel que géographique peuvent être considérées comme un seul projet par l’émetteur de l’industrie de l’extraction de ressources. Toutefois, contrairement à la définition présentée dans la LMTSE et les Directives de l’UE, la règle définitive de la SEC n’exige pas que les ententes comportent des « conditions hautement similaires » pour qu’elles soient considérées comme un même projet.

Les éléments suivants doivent être déclarés en vertu de la règle définitive de la SEC, à moins que l’une des deux dispenses énoncées ci-dessous ne s’applique :

  • le type et le montant total des paiements versés à chaque gouvernement pour tous les projets ;
  • le montant total des paiements, par catégorie ;
  • la monnaie utilisée pour effectuer les paiements ;
  • l’exercice pendant lequel les paiements ont été versés ;
  • l’unité d’exploitation de l’émetteur de l’industrie de l’extraction de ressources qui a versé les paiements ;
  • le gouvernement qui a reçu les paiements et le pays dans lequel se trouve le gouvernement ;
  • le projet de l’émetteur de l’industrie de l’extraction de ressources auquel les paiements se rattachent ;
  • la ressource particulière qui fait l’objet d’une mise en valeur commerciale ;
  • l’emplacement géographique infranational du projet.

De quelle façon et à quel moment l'information sur les paiements doit-elle être déclarée ?

La déclaration exigée par la règle définitive doit être déposée sous forme de pièce jointe au formulaire SD de la SEC, modifié par la SEC dans le cadre de la publication de la règle définitive. Le formulaire SD est également le formulaire utilisé pour communiquer des renseignements, conformément à ce qu’imposent les règles sur les « minéraux de conflit » de la SEC. Les émetteurs de l’industrie de l’extraction sont tenus de se conformer à la règle définitive au cours de leur exercice clos le 30 septembre 2018 ou après cette date, et doivent déposer le formulaire SD tous les ans par la suite, au plus tard dans les 150 jours suivant la clôture de leur exercice. Par exemple, un émetteur d’une industrie extractive dont la clôture de l’exercice est le 31 décembre sera tenu de déposer son premier rapport sur les paiements liés à l’extraction de ressources au plus tard 150 jours après le 31 décembre 2018, soit le 30 mai 2019. L’information sur les paiements déclarée dans le formulaire SD doit être étiquetée électroniquement à l’aide du format XBRL. Le formulaire SD sera « déposé » aux fins de la Loi de 1934, ce qui signifie que les émetteurs de l’industrie de l’extraction de ressources seront assujettis à une obligation en vertu de la Loi de 1934 relativement à l’exactitude de l’information requise sur les paiements.

Dispenses de divulgation

La règle définitive prévoit deux dispenses à l’obligation de divulgation : 

  • Un émetteur de l’industrie de l’extraction de ressources qui a acquis une entreprise non assujettie à la règle définitive par le passé ne sera pas tenu de déclarer l’information sur les paiements relative à l’entreprise acquise jusqu’au dépôt du formulaire SD pour le premier exercice suivant l’acquisition.
  • Les émetteurs peuvent retarder la déclaration de paiements relatifs à des activités d’exploration sur le formulaire SD jusqu’à l’exercice suivant l’exercice au cours duquel les paiements sont versés. Les paiements sont considérés comme liés aux activités d’exploration s’ils sont versés dans le cadre du processus de détermination des secteurs qui peuvent justifier un examen, du processus d’examen de secteurs précis qui sont considérés comme pouvant receler des réserves de pétrole et de gaz naturel, ou dans le cadre d’un programme de prospection des minéraux. Cependant, les activités d’exploration sont limitées aux activités effectuées avant la mise en valeur ou l’extraction du pétrole, du gaz naturel ou des minerais qui font l’objet des activités d’exploration. De plus, cette dispense ciblée n’est pas autorisée quant aux paiements liés aux activités d’exploration sur la propriété ou sur toute propriété adjacente, une fois que l’émetteur a entrepris des activités d’exploration ou d’extraction où que ce soit sur la propriété, ou sur toute propriété faisant partie du même projet.

En plus de pouvoir se prévaloir des deux dispenses susmentionnées, les émetteurs peuvent déposer une demande de dispense que la SEC évaluera au cas par cas pour vérifier si l’émetteur qui la demande subirait des dommages de nature commerciale ou financière si la dispense n’était pas accordée. La SEC a déclaré qu’elle étudierait aussi la possibilité d’accorder une dispense dans les situations où la divulgation entrerait en conflit avec les modalités d’un important contrat préexistant, ou que celle-ci révélerait de l’information commerciale sensible qui, autrement, ne serait pas accessible par le grand public, ou qui présenterait de fortes probabilités de mettre en péril la sécurité du personnel d’un émetteur, tout en précisant qu’il ne s’agissait pas là d’une liste exhaustive.

Accommodements pour les régimes redditionnels étrangers

La SEC a noté que de nombreux pays, dont le Canada, ont déjà mis en œuvre des lois exigeant la divulgation des paiements liés à l’extraction de ressources. Afin de réduire le fardeau lié à la conformité, la SEC a adopté un accommodement qui permettrait aux émetteurs de répondre aux exigences de la Rule 13q-1 en effectuant une divulgation conforme aux règles d’un autre pays, si la SEC est d’avis que ces règles ou exigences sont hautement similaires à la règle définitive. Parallèlement à l’adoption de la règle définitive, la SEC a publié une ordonnance reconnaissant que la LMTSE du Canada, les Directives de l’UE et l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) des États-Unis sont des régimes de divulgation hautement similaires, sous réserve de certaines conditions en ce qui concerne les rapports au titre de l’ITIE des États-Unis. Un émetteur de l’industrie de l’extraction des ressources qui veut se prévaloir de la solution de rechange en matière de déclaration doit déposer son rapport étranger en tant que pièce jointe au formulaire SD avec étiquetage XBRL, et fournir une traduction en anglais si le rapport a été rédigé dans une langue étrangère. Un émetteur qui dépose un rapport rédigé en fonction d’un régime de divulgation étranger est autorisé à observer l’échéance en matière de déclaration établie dans ce territoire étranger, mais il doit présenter un avis sur le formulaire SD-N à la date d’exigibilité du formulaire ou plus tôt, précisant son intention de présenter le rapport étranger en respectant l’échéance du territoire étranger. Si un émetteur omet de présenter cet avis en temps opportun, ou qu’il présente cet avis, mais qu’il omet de déposer le rapport étranger dans les deux jours ouvrables suivant l’échéance dans le territoire étranger, il deviendra inadmissible à l’accommodement pour les régimes étrangers au cours de l’exercice suivant, et il devra se conformer aux exigences de la règle définitive de la SEC.

Répercussions au Canada

Bien que la règle définitive de la SEC s’applique à tous les émetteurs canadiens de l’industrie de l’extraction qui déposent des rapports annuels auprès de la SEC, les émetteurs canadiens assujettis à la LMTSE pourront satisfaire à toutes les exigences de la Rule 13q-1 en déposant un formulaire SD, en y annexant une version anglaise du rapport en vertu de la LMTSE du Canada comme pièce jointe, et en y ajoutant l’étiquetage XBRL exigé. On ignore encore, en se fondant sur le document d’adoption de la règle définitive, si les émetteurs de l’industrie de l’extraction de ressources canadiens seront autorisés à exclure les paiements communautaires et sociaux, comme le permet la LMTSE, ou s’ils seront tenus de calculer ces paiements afin de les ajouter dans la zone du paiement global du format XBRL.

Sur le plan des délais, les émetteurs assujettis à la LMTSE au Canada devront déposer leurs premiers rapports en vertu de la LMTSE au moins deux années civiles avant leur première échéance de dépôt en vertu de la Rule 13q-1. Dans le cas d’un émetteur dont l’exercice se termine le 31 décembre 2016, le rapport en vertu de la LMTSE sera exigible en mai 2017, pour les paiements versés en 2016, alors que son rapport en vertu de la Rule 13q-1 ne sera pas exigible avant mai 2019 pour les paiements versés en 2018.

Les émetteurs de l’industrie de l’extraction de ressources qui ne sont pas inscrits à la cote d’une bourse canadienne pourraient ne pas être assujettis à la LMTSE en raison de la petite taille de leur actif ou de leurs revenus, ou du petit nombre de leurs employés. Ces émetteurs ne devraient pas oublier qu’il n’existe pas de telle dispense liée à la taille en vertu de la règle de la SEC. Donc, s’ils sont assujettis aux obligations de déclaration de la SEC, ils seront tenus de déposer des rapports en vertu de la Rule 13q-1, même s’ils ne présentent pas de rapport en vertu de la LMTSE.