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Une société de technologie paie 28 millions de dollars afin de régler des infractions à la FCPA pour des cadeaux et du divertissement inappropriés

Auteur(s) : Lawrence E. Ritchie, Kaeleigh Kuzma, Sonja Pavic

23 février 2016

La Securities and Exchange Commission des États-Unis (la « SEC ») a annoncé la semaine dernière que la société de technologie du Massachusetts PTC Inc. (« PTC ») et ses filiales chinoises seront tenues de payer des amendes de plus de 28 millions de dollars pour régler des instances civiles et criminelles parallèles relatives à des infractions à la Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). PTC est la deuxième société de technologie reconnue coupable ce mois-ci d’avoir enfreint la FCPA, entre autres pour ne pas disposer de contrôles internes efficaces et ne pas avoir conservé des documents comptables exacts, dans ce cas-ci relativement à des cadeaux et du divertissement inappropriés ainsi qu’à des excursions vers des destinations touristiques sans lien avec le but commercial du voyage.

Enquête de la SEC

L’enquête de la SEC a révélé que deux filiales chinoises de PTC avaient offert des voyages non reliés à des activités commerciales et d’autres paiements inappropriés à des fonctionnaires du gouvernement chinois dans le but de remporter des contrats. Les fonctionnaires chinois ont été rémunérés directement et par l’intermédiaire de tiers pour des visites et des activités touristiques entre autres à New York, Las Vegas, San Diego et Honolulu. Des employés des filiales chinoises ont aussi offert à des fonctionnaires du gouvernement des cadeaux et du divertissement, notamment des appareils électroniques comme des téléphones cellulaires.

Les paiements inappropriés étaient cachés et consignés comme commissions ou frais professionnels légitimes dans les documents comptables de la société. La SEC a affirmé que [TRADUCTION] « PTC a omis de mettre fin aux paiements illégaux malgré des indications de corruption potentielle par les représentants officiels travaillant avec ses filiales chinoises et l’inconduite s’est poursuivie sans relâche pendant plusieurs années ».

Règlement

L’ordonnance de la SEC affirme que PTC a contrevenu aux dispositions contre la corruption et aux dispositions relatives aux contrôles internes et aux documents comptables de la FCPA et de la Securities Exchange Act of 1934 (la Loi de 1934). PTC a accepté de payer 11,858 millions de dollars en remise de profits et 1,764 million de dollars en intérêts antérieurs au jugement afin de régler les accusations. Les deux filiales chinoises de PTC ont accepté une amende de 14,54 millions de dollars dans le cadre d’une entente de renonciation à la poursuite.

Dans le règlement, la SEC a tenu compte du fait que PTC avait déclaré volontairement sa mauvaise conduite ainsi que des mesures correctives considérables prises par la société depuis.

Entente de suspension des procédures

Dans le cadre de la mesure d’application, la SEC a conclu sa première entente de suspension des procédures avec un particulier, élargissant ainsi cette pratique de sorte qu’elle ne s’applique plus uniquement aux sociétés accusées de contravention à la FCPA. Une entente de suspension des procédures peut être conclue en vertu du droit américain. Cette pratique récompense la collaboration à une enquête de la SEC par la suspension d’autres mesures d’application si l’accusé s’engage à prendre les correctifs nécessaires et à collaborer avec les organismes d’application de la loi pendant la période de suspension des procédures.

En l’espèce, la période de suspension est de trois ans compte tenu de la collaboration considérable offerte pendant l’enquête de la part de Yu Kai Yuan, l’ancien employé d’une filiale chinoise de PTC.

Pertinence pour les sociétés canadiennes

Des dispositions semblables à celles de la FCPA interdisant les voyages non liés aux activités commerciales, les cadeaux extravagants et le divertissement luxueux se trouvent également dans la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (la LCAPÉ), la législation qui régit les sociétés canadiennes ainsi que leurs dirigeants et leurs employés. La LCAPÉ contient aussi une exigence de conservation des documents comptables qui s’applique tant aux sociétés fermées qu’aux sociétés ouvertes. Il est possible que les sociétés ouvertes canadiennes inscrites à la cote d’une bourse américaine soient assujetties à la fois à la FCPA et à la LCAPÉ.

Cette mesure d’application en vertu de la FCPA permet de tirer les conclusions suivantes en vue de l’interprétation et de l’application de la LCAPÉ :

  1. Dépenses raisonnables pour cadeaux et divertissement – La FCPA et la LCAPÉ n’interdisent pas explicitement les cadeaux et le divertissement, mais ces dépenses doivent être raisonnables dans les circonstances. De plus, les frais de déplacement doivent être liés à des finalités commerciales légitimes. Il n’est pas toujours évident de savoir si la valeur des cadeaux ou du divertissement est trop élevée. Des politiques, des mesures de contrôle et des mécanismes internes contenant des directives précises aux employés de la société et aux mandataires qui exercent des activités au nom de la société réduisent le risque de contravention des dispositions applicables de ces deux lois contre la corruption.

  2. Application continue des dispositions relatives aux documents comptables et aux contrôles internes – Le règlement de PTC vient réitérer la volonté de la SEC de faire respecter les dispositions sur les documents comptables et les contrôles internes. Ces dispositions exigent de l’émetteur qu’il : a) crée et conserve des documents comptables et des comptes et qu’il y présente de façon raisonnablement détaillée, exacte et juste les opérations et la disposition des éléments d’actif de l’émetteur; b) dispose de contrôles comptables internes suffisants qui permettent à la direction d’exercer un contrôle et un pouvoir sur les actifs de l’émetteur et d’en rendre compte. Dans une affaire antérieure, la SEC avait obligé la société SAP SE à verser 3,7 millions de dollars en remise de profits, majorés des intérêts, en règlement d’accusations relatives à des pots-de-vin versés à un fonctionnaire du Panama, pour avoir omis de conserver des documents comptables et des contrôles internes exacts (voir notre billet à ce sujet). Dans le cas de PTC, les paiements inappropriés étaient cachés et consignés sous forme de commissions ou de frais professionnels légitimes dans les documents comptables des filiales chinoises et portés aux documents comptables de PTC sous forme consolidée, les rendant inexacts. Fait à souligner, bien que les dispositions portant sur les documents comptables et les contrôles internes de la FCPA ne s’appliquent qu’aux émetteurs assujettis en vertu de la Loi de 1934, l’infraction relative aux documents comptables de la LCAPÉ a une plus grande portée, puisqu’elle s’applique tant aux émetteurs qu’aux sociétés fermées canadiennes.

  3. Entente de suspension des procédures – Il faut également souligner que, contrairement aux États-Unis, le Canada ne prévoit pas actuellement les ententes de suspension des procédures. De nombreux observateurs jugent qu’il s’agit d’une lacune importante du processus canadien et demandent au gouvernement fédéral de permettre d’avoir recours à ce type d’entente pour le règlement d’infractions aux dispositions contre la corruption à l’étranger en vertu de la LCAPÉ ou d’infractions aux dispositions contre la corruption au pays en vertu du Code criminel. Au Royaume-Uni, la première occurrence d’une entente de suspension des procédures relativement à des accusations en vertu de la Bribery Act 2010 est survenue en novembre 2015 (voir à ce sujet notre bulletin Actualités antérieur). Nous ne savons pas encore si le Canada adoptera cette pratique.

  4. Protection des sociétés dans des territoires à haut risque – Les allégations contre PTC et le règlement démontrent également que la détection de la corruption en Chine est en hausse constante. En juillet 2015, la SEC a jugé que des employés de Mead Johnson en Chine avaient contrevenu à la FCPA en versant des paiements inappropriés à des professionnels de la santé au sein d’hôpitaux appartenant au gouvernement chinois (voir notre billet antérieur à ce sujet). Les entreprises qui exercent des activités en Chine s’exposent à des risques élevés en matière de corruption, et le moindre signe d’acte répréhensible doit nécessairement faire l’objet d’une enquête exhaustive. Le risque accru et les mesures d’application vigoureuses soulignent le fait que les sociétés doivent évaluer régulièrement les risques de corruption potentiels lorsqu’elles exercent des activités à l’étranger, particulièrement dans les pays plus sujets aux pratiques commerciales frauduleuses. Il est crucial d’adopter un programme de conformité vigoureux et efficace conçu précisément en fonction de la situation de la société afin de réduire le risque de corruption.

Pour un supplément d’information concernant le présent bulletin Actualités Osler ou sur la façon d’élaborer un programme de conformité contre la corruption pour votre entreprise, veuillez communiquer avec un membre du groupe de pratique d'Osler contre la corruption.