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Bulletin commerce international : Le programme du président Trump en matière de politique commerciale, « ajuster » la relation bilatérale Canada-États-Unis et autres sujets

Auteur(s) : Melissa N. Burkett, Margaret Kim, Corinne Xu, Taylor Schappert

16 mars 2017

Les entreprises canadiennes devraient activement surveiller la situation incertaine du commerce transfrontalier après la promesse du président des États-Unis Donald Trump de renégocier l’ALENA. Nous vous tiendrons ici au fait des principaux développements du commerce international et des répercussions qu’ils pourraient avoir sur vos activités. Dans le dossier Commerce international de cette semaine, nous nous pencherons sur le programme de politique commerciale de l’administration Trump récemment publié, sur les signes indiquant que le gouvernement américain fera fi des règles et décisions en matière de commerce international qu’il désapprouve ainsi que sur les prochaines étapes de l’« ajustement » de la relation bilatérale entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de la renégociation de l’ALENA.

Le programme du président Trump en matière de politique commerciale dévoilé

Par Riyaz Dattu et Corinne Xu

Le 1er mars 2017, le président des États-Unis, Donald Trump, a dévoilé son programme de politique commerciale (le « programme de politique commerciale »). Ce programme renforce nettement la promesse électorale du président Trump de faire passer le nationalisme et la souveraineté économiques avant le respect traditionnel des règles applicables aux échanges internationaux, des traités et des mécanismes de règlement des différends multilatéraux. Les grandes priorités de la nouvelle administration seront : (i) de défendre la souveraineté nationale des États-Unis contre les règles internationales contraires à leurs intérêts; (ii) de faire appliquer avec fermeté la législation commerciale des États-Unis; (iii) de faire jouer tous les leviers d’influence possible – et non uniquement les règles du commerce international – pour forcer les autres pays à ouvrir leur marché aux exportations américaines et à lutter contre le vol des droits de propriété intellectuelle américaine; et (iv) de négocier de nouveaux accords commerciaux bilatéraux ou d’améliorer les accords existants avec les pays des principaux marchés de la planète.

Pour l’essentiel, le président Trump considère que l’on a promis aux Américains que la mondialisation se traduirait par une accélération de la croissance économique aux États-Unis – et par de formidables occasions pour les travailleurs et les entreprises du pays –, mais que cela ne s’est pas concrétisé. Le programme de politique commerciale s’appuie sur des statistiques de 2000 à 2015 (sur les produits manufacturiers américains, le déficit commercial, le revenu moyen des ménages, et ainsi de suite) pour démontrer que le système régissant le commerce mondial n’a pas produit les résultats attendus pour le pays et ses travailleurs. L’impuissance des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à servir les intérêts américains est attribuée aux pratiques commerciales déloyales de certains pays – vol de propriété intellectuelle, manipulations monétaires, dumping et attitude contraire à une saine concurrence des sociétés d’État, notamment.

Le programme de politique commerciale – en insistant sur le fait que les accords multilatéraux et les mécanismes de règlement des différends internationaux ont placé les Américains dans une situation injustement désavantageuse sur les marchés mondiaux – justifie l’intention de la nouvelle administration Trump de privilégier les négociations bilatérales plutôt que les ententes multilatérales. Qui plus est, tous les accords commerciaux existants qui ne servent pas les objectifs américains seront renégociés. Plutôt que de s’en remettre aux décisions de l’OMC, le gouvernement américain, suivant son nouveau programme de politique commerciale, enquêtera de façon active et unilatérale sur les actions étrangères violant les accords commerciaux ou restreignant exagérément le commerce des États-Unis. Cela signifie que ces derniers s’opposeront aux « interprétations avancées » susceptibles d’affaiblir les droits et avantages découlant des accords commerciaux concernant les États-Unis. Enfin, à en croire la nouvelle administration, le peuple américain n’est pas directement soumis aux décisions de l’OMC, et les décisions de l’OMC défavorables aux États-Unis n’entraîneront pas automatiquement une modification de la législation américaine.

Il est possible de consulter le texte intégral du programme de politique commerciale en cliquant ici.

Le directeur général de l’OMC réagit à l’intention déclarée de l’administration Trump de faire fi des règles de l’OMC

Par Riyaz Dattu et Margaret Kim

Comme nous l’avons vu précédemment, l’administration Trump a clairement fait savoir qu’elle n’a pas l’intention d’adopter l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) nit d’en appeler des décisions de l’organisme lorsqu’elle perdra des causes à l’issue du processus de règlement des différends de l’OMC, et qu’elle privilégiera les politiques protectionnistes des États-Unis plutôt que les règles de l’OMC. Cette position a amené le directeur général de l’OMC, Roberto Carvalho de Azevêdo, à réagir en prenant acte de l’inquiétude des États-Unis et en indiquant que l’OMC était ouverte à la discussion avec ces derniers. Toutefois, étant donné la position diamétralement opposée de l’administration Trump – qui privilégie l’unilatéralisme des États-Unis par rapport au multilatéralisme, qui constitue le fondement du système de l’OMC –, il est peu probable que les divergences soient facilement surmontées.

La position de l’administration Trump constitue un changement de cap marqué par rapport à l’approche adoptée depuis longtemps par les États-Unis, qui s’attachaient jusque-là à renforcer le rôle de l’OMC et se fiaient à son mécanisme de règlement des différends pour résoudre les litiges commerciaux entre États. Depuis leur adhésion à l’organisme en 1995, les États-Unis ont porté plus de 100 litiges commerciaux devant l’OMC.

Compte tenu du principe « l’Amérique d’abord », qui est au centre des propositions de l’administration Trump en matière de politique commerciale, les entreprises canadiennes exportant au sud de la frontière ont intérêt à surveiller de façon active l’évolution des politiques commerciales envisagées par le gouvernement fédéral américain, dont en particulier :

  • L’augmentation des droits de douane et autres barrières tarifaires – le président Trump et ses conseillers ont publiquement annoncé la possibilité d’imposer une taxe de 10 % sur toutes les importations, une taxe de 45 % sur les importations en provenance de Chine et une taxe de 35 % sur les importations des entreprises américaines ayant délocalisé leurs activités au Mexique. Certains spécialistes des politiques pensent que la menace de ces barrières douanières, qui entrerait en conflit avec les obligations des États-Unis aux termes des règles de l’OMC, pourrait être une position de négociation destinée à contraindre certaines entreprises et certains partenaires commerciaux à modifier leur comportement de façon préventive.

  • La proposition d’ajustement des taxes à la frontière – bien que les détails des programmes fiscaux proposés n’aient pas encore été rendus publics, la proposition d’ajustement des taxes à la frontière est d’ores et déjà devenue un des thèmes les plus ardemment débattus de la proposition de réforme fiscale des républicains. Un certain nombre de groupes d’entreprises et de commentateurs ont déjà exprimé de sérieuses réserves, au motif que la réforme proposée pourrait violer les obligations internationales des États-Unis et exposer les exportations américaines à des mesures de rétorsion approuvées par l’OMC (autrement dit, des sanctions commerciales).

Le programme du président Trump en matière de politique commerciale dévoilé

Par Riyaz Dattu, Melissa N. Burkett et Taylor Schappert

Ces dernières semaines, l’administration Trump a fait savoir qu’elle n’adopterait pas une position aussi agressive dans les relations entre les États-Unis et le Canada que celle qu’elle envisage à l’égard du Mexique. La nouvelle administration américaine juge la situation avec le Canada beaucoup moins grave et compte seulement « ajuster » les dispositions de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) concernant le Canada. Certains événements récents semblent le confirmer. L’administration Trump a approuvé le pipeline Keystone XL, ce qui constitue un revirement par rapport à la position de l’administration Obama, et a en outre exclu le projet Keystone XL des dispositions de la Buy America Act.

En réponse à la proposition américaine de renégocier l’ALENA, le gouvernement canadien a ouvertement déclaré que le Canada comptait jouer un rôle actif dans les négociations commerciales en menant autant que possible ces dernières de façon trilatérale. Le premier ministre Justin Trudeau veut aborder un certain nombre de problèmes touchant le commerce et le marché américano-canadiens. Il voudra notamment obtenir des dispositions sur le dédouanement des cargaisons, établir des pouvoirs gouvernementaux pour les normes du travail et la résolution des litiges, et rationaliser les procédures de règlement des différends. Le Canada a aussi exprimé le souhait d’intégrer dans l’ALENA certaines des avancées réalisées dans l’accord de Partenariat transpacifique, que l’administration Trump avait fortement critiqué et qui semble aujourd’hui voué à l’échec sous sa forme actuelle, du fait du retrait du gouvernement américain.

De nombreux économistes canadiens craignent que l’incertitude entourant les discussions commerciales entre les États-Unis et le Canada puisse mettre un coup de frein aux investissements canadiens. En janvier 2017, par exemple, le Canada a vu son excédent commercial s’élever à 807 millions de dollars, dont une grande partie attribuable au commerce avec les États-Unis, ce qui représentait un troisième mois d’affilée d’excédent des exportations par rapport aux importations. La croissance de l’excédent commercial canadien pose chez les observateurs la question cruciale de l’incidence que cela peut avoir sur la renégociation de l’ALENA, alors que les discussions à ce sujet sont imminentes. Il y a aussi lieu de s’interroger sur la rapidité avec laquelle ces négociations seront conduites.

Du côté des États-Unis, malgré les inquiétudes soulevées par le Canada quant à un possible « gel » des investissements étrangers dans les deux pays du fait de l’incertitude entourant ces discussions, les signes semblent annoncer un rythme de négociation lent. Il ne faut pas s’attendre à voir des changements à court terme. Le secrétaire au Commerce récemment confirmé à son poste, Wilbur Ross, qui sera étroitement associé aux négociations de l’ALENA, a tenu le même discours. De plus, le fardeau de mener à bien les discussions et négociations commerciales incombe largement au bureau du représentant américain au Commerce des États-Unis, qui devrait être placé sous la direction de Robert Lighthizer. Or son approbation par le Congrès pourrait être bloquée durant plusieurs semaines, le temps pour lui d’obtenir une dérogation spéciale du Congrès pour avoir représenté des gouvernements étrangers dans des différends commerciaux avec les États-Unis alors qu’il était avocat en cabinet privé. La renégociation de l’ALENA risque de rester en suspens tant qu’aucun représentant américain au Commerce ne sera en fonction. Même si la nomination de M. Lighthizer est confirmée, la liste prévue des dispositions commerciales à renégocier risque d’être longue, et il est probable que la renégociation se prolongera pendant une grande partie du mandat de l’administration Trump. De plus, la question du commerce, bien qu’elle soit primordiale, sera en concurrence avec d’autres priorités de l’administration et du Congrès, comme la réforme budgétaire et la réforme des soins de santé.