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Calendrier de la renégociation de l’ALENA, sommet du PTP au Chili et taxe à la frontière américaine

Auteur(s) : Margaret Kim, Corinne Xu, Taylor Schappert

22 mars 2017

Dans notre dernière infolettre sur le commerce international, nous avons parlé du programme du président Trump en matière de politique commerciale, de la « mise au point » de la relation bilatérale entre le Canada et les États‑Unis et d’autres sujets. Cette semaine, nous examinons la réponse du gouvernement canadien à la renégociation de l’ALENA, la façon dont les dispositions du PTP pourraient influer sur la renégociation de l’ALENA et peut‑être la façonner, ainsi que les questions juridiques soulevées par le projet de taxe à la frontière américaine.

Réponse du Canada à la renégociation de l’ALENA

Par Riyaz Dattu et Taylor Schappert

À la suite de l’annonce récente du programme des États‑Unis en matière de politique commerciale et des remarques du président Donald Trump au sujet de la renégociation de l’ALENA, le gouvernement du Canada est soucieux de l’effet de douche froide que cela pourrait avoir sur les investissements entrants au Canada.

Lorsque l’ALENA est entré en vigueur le 1er janvier 1994, il marquait la création de la plus vaste zone de libre-échange au monde à ce moment‑là. En 2015, Affaires mondiales Canada a indiqué que la valeur totale des échanges trilatéraux de marchandises dépassait 1,0 mille milliards de dollars américains, valeur qui a plus que triplé depuis 1993. Les partenaires de l’ALENA ont représenté 28 % du PIB mondial (PIB global de 20,7 mille milliards de dollars américains en 2015), même si la zone de l’ALENA abrite moins de 7 % de la population mondiale. En garantissant un traitement équitable et non discriminatoire aux investisseurs au sein de la zone de libre-échange et en créant un marché régional à barrières tarifaires réduites doté de chaînes d’approvisionnement efficientes, l’ALENA a procuré certitude et stabilité aux investisseurs au Canada et aux États‑Unis. Par exemple, depuis la création de l’ALENA, les investisseurs américains ont investi 387,7 milliards de dollars canadiens au Canada, alors que les investisseurs canadiens ont investi 463,3 milliards de dollars canadiens aux États‑Unis et au Mexique.

Même si le président Trump a récemment précisé que son agressivité à l’égard de la renégociation de l’ALENA visait le Mexique et que, en ce qui concerne le Canada, tout ce à quoi on devrait s’attendre serait une « mise au point » de l’ALENA, l’incertitude à propos de ce que tout cela veut vraiment dire a soulevé des préoccupations au sein du gouvernement du Canada et chez les investisseurs envisageant de faire des investissements à long terme au Canada. Par exemple, il y a le spectre de l’imposition d’une nouvelle taxe à la frontière américaine, qui pourrait avoir une incidence considérable sur les entreprises canadiennes qui exportent vers les États‑Unis. Marchés financiers Banque Nationale (la Banque) a estimé que les politiques protectionnistes des États‑Unis pourraient avoir pour effet de réduire le PIB canadien dans une proportion pouvant atteindre 1,5 point de pourcentage. De plus, dans ses notes, la Banque indique qu’un ajustement fiscal à la frontière de 10 % sur les importations canadiennes aux États‑Unis pourrait faire baisser les exportations canadiennes de 9 %. À cela s’ajoute la perspective d’une réforme fiscale américaine visant à rendre le régime d’imposition de ce pays plus concurrentiel, sans parler de la promesse du président Trump d’alléger le fardeau réglementaire de ceux qui font des affaires aux États‑Unis. On doit s’attendre à ce que ces nouvelles incitent certains investisseurs qui percevaient précédemment le Canada comme une destination pour leurs investissements à long terme futurs à prendre une pause.

Dans un effort de repousser les tentatives du gouvernement américain de convaincre les investisseurs nationaux et étrangers à jouer de prudence et à investir aux États‑Unis, le Canada semble fonder ses espoirs sur une renégociation rapide d’un ALENA modifié qui diminuerait l’incertitude commerciale. Toutefois, du côté américain, le ministre du Commerce, Wilbur Ross, a indiqué que la renégociation de l’ALENA prendrait un certain temps et commencerait, au plus tôt, à la fin de 2017 et se poursuivrait l’année suivante.

Dispositions du PTP : un modèle pour la renégociation de l’ALENA?

Par Riyaz Dattu et Margaret Kim

Les 14 et 15 mars 2017, des représentants des 12 pays signataires de l’Accord sur le partenariat transpacifique (PTP) se sont réunis au Chili pour discuter en profondeur de l’avenir du commerce dans la région du Pacifique. C’était la première fois que les pays membres du PTP se réunissaient depuis la signature, par le président Donald Trump, en janvier, du décret présidentiel retirant les États‑Unis du PTP. En plus des signataires du PTP (appelés les PTP‑12), la Chine, la Colombie et la Corée du Sud ont également participé à la réunion. À la levée de la réunion au Chili, les ministres d’Asie-Pacifique ont déclaré qu’ils entendaient aller de l’avant avec un accord commercial ressemblant au PTP, sans les États‑Unis.

Le PTP constituait une pièce maîtresse de la politique économique et commerciale des États‑Unis en Asie à l’époque de l’administration Obama. Les défenseurs du PTP le percevaient comme une façon pour les États‑Unis de stimuler leur pivot stratégique vers l’Asie, afin de contrecarrer l’influence croissante de la Chine dans la région. S’ils avaient réussi, les États‑Unis auraient conclu un accord commercial avec cinq pays avec lesquels ils n’en avaient jamais conclu auparavant, y compris le Japon, la troisième économie en importance au monde (en termes de PIB nominal). L’ambassadeur du Japon, Kenjiro Monji, a laissé entendre que la négociation du PTP sans les États‑Unis pourrait être futile, étant donné que les « conditions d’ambiance sont totalement différentes ». Même si le statut du PTP demeure incertain, les concessions qui ont émergé de la négociation du PTP pourraient servir de points de référence utiles pour la renégociation de l’ALENA à venir.

Comment le PTP a servi à améliorer l’ALENA – Au cours des négociations du PTP, les signataires de l’ALENA ont dans les faits mis à jour et amélioré l’ALENA à maints égards. Par exemple, le PTP a ouvert grandement le secteur des services, comme l’assurance, la comptabilité et la livraison exprès, tout comme le commerce électronique et d’autres industries numériques qui n’étaient pas bien établies au moment de la conception de l’ALENA. En outre, le PTP renferme des dispositions plus robustes que celles de l’ALENA en ce qui a trait aux sociétés d’État et à l’exécution des droits de propriété intellectuelle. Les concessions du Canada comprenaient une détente sans précédent de son système de gestion des approvisionnements, qui datait de plusieurs dizaines d’années, ce qui permettrait aux producteurs de produits laitiers étrangers d’avoir accès à 3,25 % du marché canadien des produits laitiers. Pour réformer ses normes du travail, le Mexique a adopté des mesures d’application de la loi vigoureuses, ce qui constituait, pour lui, de grosses concessions.

Renégociation de l’ALENA en l’absence du PTP – Il n’est pas évident que les modalités et les concessions du PTP seront simplement transposées à l’ALENA au moment de sa renégociation. Même si les engagements pris dans le cadre du PTP pourraient servir de point de départ à la renégociation de l’ALENA, le Canada et le Mexique voudront vraisemblablement réévaluer leurs stratégies commerciales respectives au moment de la renégociation de l’accord régional âgé de 23 ans, y compris les concessions accordées par les États‑Unis à d’autres pays dans le cadre des accords commerciaux bilatéraux qu’ils ont mis en œuvre après l’ALENA. En conséquence, les trois parties à l’ALENA pourraient demander des concessions accrues au moment de la renégociation, sans nécessairement offrir des modalités aussi avantageuses que celles dont elles avaient convenu au cours de la négociation du PTP, du fait que ces concessions avaient été faites dans un contexte d’accès préférentiel accordé par d’autres pays au cours des négociations du PTP.

Statut du PTP – Une autre option viable pour le Canada et le Mexique consiste à travailler avec les autres pays membres du PTP en vue de signer un PTP modifié sans les États‑Unis, plutôt que de conclure des ententes bilatérales avec les divers pays membres du PTP, y compris le Japon, l’Australie et Singapour. Selon ce scénario, bon nombre des dispositions modifiées envisagées dans le texte original du PTP pourraient servir de fondement à la définition des nouvelles règles commerciales dans le Pacifique. Enfin, le « PTP 2.0 » avec la Chine est une option qui n’a pas été écartée par les pays participants. De telles pièces mobiles dans le cadre de la négociation du PTP post‑États‑Unis influeront certainement sur les perspectives du Canada et du Mexique lorsqu’ils entameront la renégociation de l’ALENA avec les États‑Unis. Cependant, malgré la possibilité qu’un PTP rescapé ou modifié soit conclu, le Canada et Mexique auront comme priorité, en matière de commerce, de s’entendre sur des modalités de l’ALENA modifié aussi rapidement que possible.

Le projet de taxe à la frontière américaine

Par Riyaz Dattu et Corinne Xu

Le nouvel ajustement fiscal à la frontière (AFF) proposé par le président Donald Trump, qui taxe les importations aux États‑Unis tout en exonérant les exportations, vise à financer d’importantes réductions d’impôt pour les sociétés américaines. Les commentateurs versés dans le domaine des théories économiques doutent de l’utilité et de l’efficacité de l’AFF[1].

Au‑delà de sa douteuse efficacité, s’ils mettent en œuvre l’AFF, les États‑Unis violeront vraisemblablement des règles et des précédents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon ces règles et précédents, des biens importés ne peuvent pas faire l’objet d’une discrimination (par voie de taxes supplémentaires) par rapport à des produits similaires fabriqués dans le pays d’importation, une fois que les tarifs pertinents (convenus dans le cadre de négociations commerciales multilatérales) ont été payés. L’AFF proposé donnerait aux producteurs américains un allègement fiscal eu égard aux impôts sur la masse salariale – entre autres avantages – dont les sociétés étrangères ne pourraient se prévaloir, ce qui pourrait avoir un effet discriminatoire sur les flux commerciaux.

Le risque de responsabilité est énorme. Les États‑Unis pourraient s’exposer à des représailles prenant la forme de poursuites pour droits compensateurs intentées par des partenaires commerciaux (en vertu de leurs lois nationales qui sont conformes aux règles de l’OMC) au motif de subventions à l’exportation (ce qui représente un risque estimé à 165 milliards de dollars) ainsi que de plaintes déposées dans le cadre du processus de règlement des différends de l’OMC fondé sur les principes d’accès au marché au motif de limitation des importations aux États‑Unis (ce qui représente un risque estimé à 220 milliards de dollars). Le processus de règlement des différends de l’OMC peut durer quatre ans environ, depuis la prise d’une décision par un groupe d’experts, susceptible d’être portée en appel devant l’Organe d’appel, jusqu’à la prise des mesures de représailles autorisées par l’OMC. Toutefois, les partenaires commerciaux touchés par l’AFF peuvent commencer leur enquête au sujet des droits compensateurs en vertu de leurs propres lois locales et imposer des droits de douane provisoires dans un délai de quelques mois, les droits de douane définitifs pouvant être imposés dans la plupart des cas dans un délai d’un an.

 

[1])      Voir, par exemple, Olivier Blanchard et Jason Furman, Who Pays for Border Adjustment? Sooner or Later, Americans Do, en ligne : Peterson Institute for International Economics.

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