Auteur(s) :
Nathaniel Lipkus, Margaret Kim, Taylor Schappert
29 mars 2017
Dans notre dernier dossier Commerce international, nous avons parlé du moment de renégocier l’ALÉNA, du sommet du PTP et de la taxe à la frontière des É.-U. proposée. Dans le dossier de cette semaine, nous jetons un coup d’œil au budget pour l’application des lois commerciales du président Trump, à la façon dont l’approbation de Robert Lighthizer en tant que U.S. Trade Representative touchera le commerce transfrontalier et à la victoire du Canada en vertu du chapitre 11 de l’ALENA.
Le président Trump sur le point d'augmenter le budget pour l’application des lois du département du Commerce
Par Riyaz Dattu et Margaret Kim
Le 16 mars 2017, l’Office of Management and Budget des É.-U. a publié le document intitulé 2018 Budget Blueprint (plan directeur du budget), qui donne un aperçu du budget préliminaire de l’administration Trump pour 2018. Parmi les autres stratégies d’« America First » (les « États-Unis d’abord »), le plan directeur du budget propose de renforcer les mécanismes d’application des lois et les fonctions de conformité de l’International Trade Administration (ITA), comme moyen de prioriser le « commerce sûr et équitable ». L’ITA est sous le ressort du département du Commerce des É.-U. et est responsable d’appliquer les lois commerciales des É.-U. et d’assurer le respect des accords commerciaux négociés dans l’intérêt de l’industrie américaine. Le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, affirme déjà que son département appliquera vigoureusement les lois commerciales des É.-U.
La conséquence immédiate des stratégies « America First » en matière de mesures d’application des lois sera vraisemblablement subie par les entreprises canadiennes au moyen de ce qui suit :
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L’application des droits antidumping et droits compensateurs (DA et DC) augmentera probablement — les experts en droit commercial international s’attendent à une augmentation de l’utilisation des lois sur les droits antidumping et droits compensateurs par l’administration Trump. Le renforcement des mesures d’application des lois commerciales était un thème central dans l’audience tenue par le Comité sénatorial des finances en vue de l’approbationde Robert Lighthizer, en tant que U.S. Trade Representative (USTR), lequel a indiqué pendant l’audience d’approbation qu’il a l’intention de mettre en place [traduction] « le plus possible d’actions en matière d’application des lois commerciales pouvant être justifiées en vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), des accords commerciaux bilatéraux et des lois portant sur les recours commerciaux des É.-U.. »
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Différend sur le bois d’œuvre résineux : négociation vs. litige — Pendant l’audience d’approbation du Comité, le U.S. Trade Representative, M. Lighthizer, a aussi remarqué que la résolution du différend sur le bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis constituait l’une de ses priorités, que ce soit par l'adoption d’une nouvelle entente ou par la voie des tribunaux. Bien que le différend sur le bois d’œuvre résineux date de 1982, la plus récente entente entre le Canada et les É.-U. a pris fin le 12 octobre 2015. En janvier 2017, l’International Trade Commission des É.-U. a rendu une décision préliminaire affirmant que le bois d’œuvre canadien nuit à l’industrie américaine.
David Emerson, le délégué commercial de la Colombie-Britannique aux É.-U., a indiqué que « la Colombie-Britannique, ainsi que le reste du Canada, n’était pas friande de s’engager dans un processus long et coûteux. » M. Emerson a précédemment signé un accord sur le bois d’œuvre résineux en 2006 qui avait mis fin au quatrième différend sur le bois d’œuvre résineux entre le Canada et les É.-U. après un litige commercial coûteux. L’acceptation des É.-U. de régler le différend sans litige prolongé reste floue. À moins qu’il y ait une résolution négociée, le département du Commerce prévoit annoncer sa décision de subvention préliminaire à la fin avril et sa décision relative au dumping à la fin juin. Les É.-U. finaliseront les droits d’ici le début de 2018, après quoi le Canada sera en mesure d’interjeter appel des décisions.
Compte tenu des promesses visant à appliquer plus rigoureusement les recours commerciaux de l’administration Trump, il serait judicieux pour les entreprises canadiennes qui exportent aux É.-U. de faire une analyse complète des risques de leurs exportations aux É.-U. afin d’évaluer si elles respectent les obligations douanières, les sanctions économiques et les contrôles d’exportation, les recours commerciaux et autres questions d’accès au marché.
L’approbation de Robert Lighthizer en tant que U.S. Trade Representative : bouclez vos ceintures, ça va secouer.
Par Riyaz Dattu et Taylor Schappert
Le candidat au poste de U.S. Trade Representative, Robert Lighthizer, est un avocat en droit commercial international reconnu et expérimenté et un critique du libre-échange qui a passé la majorité de sa carrière à plaider des causes en matière de recours commerciaux qui cherchaient à protéger les industries américaines contre le commerce déloyal, et à réclamer des modifications aux lois et aux politiques américaines afin d’avantager les producteurs nationaux. Lors de son audience d’approbation au Sénat, tenue le 17 mars, M. Lighthizer a réaffirmé l’engagement envers la stratégie phare « America First » du président Trump pour la nouvelle administration, y compris le renforcement des lois commerciales américaines, déclarant que, [traduction] « l’application efficace de ces lois est un élément essentiel et indispensable d’une politique commerciale forte et efficace pour tous les Américains [...] Je m’engage à utiliser toutes les ressources mises à la disposition du U.S. Trade Representative afin de faire appliquer pleinement les accords commerciaux des É.-U. en vue d’assurer que nos partenaires commerciaux respectent leurs obligations internationales. »
Comme il a été mentionné dans le précédent article, M. Lighthizer a indiqué que le fait de veiller à ce que les producteurs américains de bois d’œuvre résineux puissent rivaliser avec les importations subventionnées du Canada en fonction de règles du jeu équitables sera l’une de ses priorités si sa nomination est confirmée.
La portée et l’ampleur générales de l’application de cette stratégie « America First » dans le domaine de la politique commerciale seront mieux comprises au fil du temps. Un premier signe de la façon dont ce principe sera appliqué en matière de sanctions économiques et de contrôles des exportations est traité dans notre récent bulletin d’Actualités Osler, qui explore les répercussions pour les entreprises canadiennes des récentes mesures d’application prises contre la société de télécommunications chinoise, ZTE Corp., qui a écopé d’une amende de 1,2 G $ par la nouvelle administration. L’annonce de cette amende record était accompagnée d’une déclaration du secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, affirmant que [traduction] « ces pénalités ne sont que le premier exemple des pouvoirs extraordinaires que le Commerce utilisera » pour punir les entreprises qui ne sont pas américaines et qui font fi des lois commerciales des É.-U., y compris les lois sur les contrôles des exportations et les sanctions économiques.
Le moment est venu d’attacher vos ceintures et de vous accrocher, une zone de turbulence approche.
Victoire du Canada en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA et négociations futures sur la PI
Par Nathaniel Lipkus
Le 17 mars 2017, un tribunal de l’ALÉNA a statué à l'unanimité que le Canada n’avait pas enfreint les dispositions du chapitre 11 de l’ALÉNA prévoyant des normes minimales de traitement et de protection contre l’expropriation des propriétés d’Eli Lilly lorsque les tribunaux du Canada ont statué contre Lilly dans deux affaires de brevet en fonction de la soi-disant « doctrine de la promesse. » Lilly avait fait valoir que la doctrine de la promesse, en vertu de laquelle une invention brevetée doit fonctionner comme il a été promis sous peine d’invalidation du brevet, était un tournant par rapport à ce que préconisaient le droit international des brevets et le droit canadien des brevets avant l’adoption de l’ALÉNA.
Le tribunal de l’ALÉNA a conclu que les réclamations de Lilly n’étaient pas fondées. Le tribunal a refusé de fermer la porte à la possibilité qu’un changement radical dans les lois nationales puisse donner lieu à une violation de l’ALENA. Cependant, le tribunal a établi un seuil de responsabilité élevé, tout en acceptant que dans certaines circonstances, des contestations des décisions judiciaires peuvent donner droit à une contestation en vertu de l’ALÉNA. Toutefois, de telles contestations ne devraient être fructueuses que dans des circonstances très exceptionnelles : lorsqu'il est clairement prouvé que les tribunaux ont eu un comportement abusif et choquant. Dans cette affaire, le tribunal a refusé de remettre en question l’interprétation donnée par les tribunaux canadiens au droit des brevets pré-ALÉNA, et a indiqué que les modifications apportées au droit des brevets étaient incrémentales et en évolution.
Malgré le succès du Canada, les pressions commerciales exercées par les É.-U. relativement à la doctrine de la promesse ne sont pas près de s’estomper. Lors de l’interrogatoire au Sénat de Robert Lighthizer — le candidat du président Trump au poste de U. S. Trade Representative — le 14 mars, le sénateur Orrin Hatch a demandé à M. Lighthizer ce qu’il fera pour assurer que les normes canadiennes en matière de brevets sont conformes aux obligations internationales. Pour apaiser les inquiétudes du sénateur Hatch, M. Lighthizer a indiqué qu’il accorderait une priorité élevée à l’application rigoureuse de la PI pour les partenaires commerciaux, y compris à la détermination de la manière d’utiliser tous les outils commerciaux appropriés.
Cet échange laisse entendre que le gouvernement américain pourrait vouloir contester la doctrine de la promesse du Canada, en tant que violation commerciale, peut-être devant l’OMC. Sinon, la question pourrait être soulevée dans le cadre des renégociations de l’ALÉNA, comme c’est arrivé lors des négociations du PTP. Le Pharmaceutical Research And Manufacturers Of America (PhRMA) ainsi que la chambre de commerce des É.-U. ont critiqué la décision du tribunal et il est attendu que les deux groupes exhortent les É.-U. à intervenir sur cette question.
Les critiques envers le droit canadien provenant de ces groupes industriels peuvent être mal placés, toutefois, particulièrement depuis que la Cour d’appel fédérale a fait en sorte qu'il est plus difficile d’invalider un brevet pour inutilité dans sa décision de 2013 dans l’affaire Sanofi c. Apotex. La Cour Suprême ne s'est pas encore prononcée sur cette question. Compte tenu du degré d’alarme de l’industrie par rapport à cette question, des précisions sur l’approche du Canada à l’égard de l’exigence en matière d’utilité en droit des brevets seraient souhaitables. La décision de la Cour Suprême du Canada dans l’affaire AstraZeneca c. Apotex, statuant sur cette question précise, sera très opportune.