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Revue de l’année 2017 en fusions et acquisitions (Financier Worldwide)

Auteur(s) : Robert M. Yalden

Le 31 août 2017

Au cours de la dernière année, le Canada a enregistré un niveau très élevé d’activités de fusions et acquisitions, attribuable en grande partie au fait que les sociétés disposent d’importantes liquidités, que les coûts de financement sont faibles et que l’économie américaine est solide. Dans une entrevue parue dans l’édition de 2017 de Mergers & Acquisitions: Annual Review, publiée par Financier Worldwide, Robert Yalden, associé d’Osler, coprésident national du groupe de pratique des fusions et acquisitions du cabinet et chef du secteur du droit des sociétés du bureau de Montréal, répond à des questions et se prononce sur ce sujet et sur d’autres tendances ayant une incidence sur ce qu’il appelle le dynamisme des marchés canadiens des fusions et acquisitions.

Plus particulièrement, M. Yalden analyse les répercussions de l’écart de valorisation sur les activités de fusions et acquisitions et donne son point de vue sur les niveaux d’endettement et de liquidités généraux disponibles pour le financement des fusions et acquisitions, y compris le rôle de plus en plus important que jouent les caisses de retraite canadiennes dans le capital d’investissement mondial. Il parle également de l’importance pour les acquéreurs étrangers d’obtenir des conseils d’experts juridiques locaux – spécialement pour les opérations qui sont examinées par le Bureau de la concurrence – et donne son opinion sur les moyens les plus efficaces de réduire le risque transactionnel au minimum. M. Yalden termine l’entrevue avec des conseils sur la façon de gérer avec succès le processus d’intégration postérieur à l’opération.

Le contenu de cette page est la traduction française de la version originale du Mergers & Acquisitions : Annual Review, 2017 [PDF], publiée par Financier Worldwide.

Revue annuelle : Fusions et acquisitions

Août 2017 -  CANADA
Robert Yalden, Osler


Q. Selon vous, quelles sont les grandes tendances qui ont façonné les fusions et acquisitions au Canada au cours des 12 derniers mois? Quels facteurs motivent la conclusion d’ententes dans le marché actuel?

YALDEN : Les bilans d’entreprises affichant une trésorerie abondante, de faibles coûts de financement et une économie américaine solide sont tous des facteurs qui ont contribué à la vitalité des fusions et acquisitions au Canada. Ces facteurs continuent de générer de l’activité dans les plus grandes entreprises, ainsi que des niveaux exceptionnels au sein des entreprises de moyenne envergure. L’an dernier, le nombre de fusions et acquisitions transfrontalières a fortement augmenté. Les sociétés canadiennes sont demeurées actives à l’échelle internationale, tout particulièrement aux États-Unis, où le Canada se trouvait en tête de liste pour le nombre d’ententes conclues par des pays étrangers en territoire américain. Les opérations canadiennes de fusions et d’acquisitions entre géants ont consisté en acquisitions de cibles étrangères dans une vaste gamme de secteurs, notamment les services financiers, l’énergie et la technologie. En outre, les caisses de retraite canadiennes sont demeurées actives en concluant d’importantes ententes à l’étranger, tout particulièrement dans les secteurs mondiaux des services publics et des infrastructures. Les offres publiques d’achat hostiles ont continué de faire partie de l’équation. De plus, l’activisme visant des opérations en vue de contrer des fusions et acquisitions appuyées par le conseil d’administration est devenu de plus en plus fréquent.


Q. Les opérations semblent-elles se concentrer dans des secteurs en particulier, ou cette vitalité semble-t-elle plutôt répartie dans plusieurs secteurs?

YALDEN : Les opérations de fusions et acquisitions au Canada sont conclues dans une vaste gamme de secteurs, mais les secteurs les plus touchés demeurent sensiblement les mêmes. Pour une cinquième année de suite, le secteur dans lequel il s’est conclu le plus d’ententes est l’immobilier. Cependant, si l’on regarde la valeur des opérations, le secteur de l’énergie est de loin celui qui domine, en raison notamment de plusieurs ententes de très grande envergure qui témoignent de l’engouement pour l’expansion stratégique aux États-Unis. Nous n’avons qu’à penser à l’acquisition, par Enbridge, de Spectra Energy pour 61 milliards de dollars canadiens, ainsi qu’à l’acquisition, par Transcanada Pipeline, de Columbia Pipeline pour 18,2 milliards de dollars canadiens. Un autre facteur qui a contribué à l’augmentation de l’activité est la vague de consolidations sur le marché intérieur de l’énergie au Canada. Le nombre d’opérations dans le secteur industriel a diminué au cours du dernier trimestre de 2016 après une année tout de même vigoureuse, durant laquelle plusieurs opérations importantes ont été conclues, notamment la fusion entre deux poids lourds des produits agricoles, soit Agrium et Potash Corporation of Saskatchewan, pour la somme de 24 milliards de dollars canadiens. Les secteurs de la technologie, des mines et de la consommation discrétionnaire ont également connu leur lot de fusions et acquisitions significatives.


Q. Quelles tendances observez-vous en ce qui a trait aux évaluations et aux ratios associés aux opérations? Y a-t-il souvent un écart entre le prix attendu par les acheteurs et par les vendeurs?

YALDEN : Les fonds de capital-investissement nord-américains qui acquièrent de grandes sociétés et des sociétés dont la marge de profit est supérieure à la moyenne acceptent des ratios plus élevés. Même si aucun signe imminent de correction n’a été observé, il est difficile de dire pendant combien de temps pourront se maintenir les ratios actuels. Les ratios liés au cours sont conformes aux moyennes à long terme pour des sociétés qui se situent dans la fourchette des 10 à 25 millions de dollars, soit 5,7 fois le BAIIA. Cependant, les ratios moyens de 9,0 fois le BAIIA pour les sociétés dans la fourchette des 50 à 250 millions de dollars demeurent beaucoup plus élevés que la moyenne à long terme, qui se situe à 7,8 fois le BAIIA. À certains moments, des écarts d’évaluation surviennent et ont une incidence sur le nombre d’ententes conclues. Par exemple, la baisse des fusions et acquisitions parmi les entreprises de moyenne envergure au Canada en 2015 peut s’expliquer par des écarts d’évaluation. Ceux-ci étaient en partie attribuables aux attentes exagérées des vendeurs, lesquelles étaient stimulées par la diffusion à grande échelle de renseignements sur de lucratives fusions et acquisitions. De plus, les secteurs assujettis à un grand niveau de spéculation, comme la technologie et les sciences de la vie, ont également dû composer avec des écarts d’évaluation.


Q. Comment décririez-vous les niveaux généraux de liquidité aux fins du financement de fusions et d’acquisitions? Dans quelle mesure les titres de créance sont-ils disponibles pour soutenir les fusions et acquisitions?

YALDEN : Les caisses de retraite canadiennes et les divisions de prêts non traditionnels des fonds de capital-investissement mondiaux sont demeurées des sources importantes de capital en 2016 et au début de 2017. Fait important à mentionner : les caisses de retraite canadiennes sont devenues le plus gros joueur du Canada en ce qui concerne le placement privé de titres à l’échelle mondiale et l’investissement direct dans des actifs liés aux infrastructures et à l’immobilier. Il est également intéressant de noter que le volume de fusions et d’acquisitions de sociétés étrangères conclues par des sociétés canadiennes augmente, tout comme la participation de courtiers en valeurs mobilières étrangers qui financent des opérations d’acquéreurs canadiens. En 2016, les courtiers en valeurs mobilières étrangers comptaient pour quatre des cinq plus importants cabinets de services-conseils en fusions et acquisitions au Canada. En général, les marchés canadiens du crédit ont maintenu une certaine vitalité en raison de la faiblesse des taux d’intérêt, tout particulièrement pour les émetteurs de titres de créance de la catégorie investissement. Ainsi, l’accès au financement d’acquisitions est généralement facile. En outre, les marchés canadiens organisés des actions et des titres de créance demeurent des sources de financement fiables pour les grandes fusions et acquisitions.


Q. Quelles mesures un acheteur devrait-il prendre pour atténuer le risque lié à une opération? Un contrôle diligent approfondi est-il indispensable?

YALDEN : L’un des moyens les plus efficaces dont disposent les acquéreurs pour atténuer le risque lié à une opération consiste à agir de façon stratégique en ce qui a trait à la sélection de l’équipe interne qui dirigera l’opération. Les conseillers externes tirent des renseignements précieux de la perspective des membres de l’équipe de l’acquéreur qui disposent d’une expérience approfondie du secteur d’activité et qui comprennent suffisamment bien les activités de la société ciblée pour déterminer les défis qu’elle doit relever. Grâce à cette perspective, les conseillers externes sont mieux outillés pour repérer et gérer les risques liés à l’opération, car ils peuvent ainsi s’assurer de l’orientation adéquate du contrôle diligent et concevoir des structures d’opération qui tiennent compte de ces risques. Indemnisations, déclarations et garanties et dispositions d’entiercement sont, bien sûr, des outils habituels utilisés dans l’établissement de contrats en vue de gérer le risque. Toutefois, au cours des dernières années, les parties aux ententes canadiennes ont commencé à avoir recours à l’assurance des déclarations et des garanties – tout particulièrement lorsqu’un fonds de capital-investissement soumet une offre dans le cadre d’un processus d’enchère – pour rassurer le négociant que le produit de la vente ne fera pas l’objet d’une reprise.


Q. À quel point la connaissance du marché local est-elle importante pour la conclusion d’ententes?

YALDEN : Il est toujours important de demander conseil à des experts juridiques locaux afin de bien comprendre les pratiques relatives aux modalités des ententes. Il est toutefois crucial d’obtenir ces conseils dans le cadre d’opérations qui sont soumises au processus d’examen des fusions. Au Canada, un préavis de fusion doit être respecté. Conformément à ce régime, le Bureau de la concurrence doit approuver les opérations dont le montant est supérieur aux seuils établis. De plus, le Canada dispose d’un processus d’examen obligatoire en vertu de la Loi sur Investissement Canada à l’égard de certaines opérations d’envergure qui confèrent à des entreprises étrangères le contrôle d’entreprises canadiennes. Il est donc important pour les acquéreurs étrangers de songer aux stratégies à employer avec les différents organismes gouvernementaux qui s’intéresseront aux conséquences de l’opération sur des régions ou des secteurs particuliers au Canada. La compréhension du fonctionnement du marché local et les considérations politiques peuvent véritablement déterminer si une entente sera conclue ou non, en particulier lorsque la cible des intérêts étrangers est un fleuron du pays.


Q. Quels conseils donnez-vous aux acheteurs sur la planification de l’intégration après la conclusion de l’entente? à quel point ce processus est-il important pour générer de la valeur par la suite?

YALDEN : La conception et la mise en place d’un plan d’intégration sont essentielles à la réussite d’une opération. Les négociateurs doivent avoir une vision claire du résultat final du processus d’intégration. Dès le départ, la nomination d’une équipe qui se consacre à la gestion du processus d’intégration peut réellement être bénéfique. Dans le cas de fusions et d’acquisitions de grande envergure, le conseil d’administration établit généralement un sous-comité responsable de ce processus. Comme l’intégration présente son lot de défis à l’échelle de l’organisation (de la création de synergies à la transition de la main-d’œuvre, en passant par la fidélisation des clients et la fusion des cultures d’entreprise), il est primordial que des spécialistes fonctionnels prennent part à la fusion des deux entreprises. Sans aucun doute, l’harmonisation des stratégies d’acquisition et d’intégration vient compliquer les négociations à un moment où les parties veulent à tout prix conclure l’opération. Cependant, les parties doivent absolument tenir compte des défis liés à l’intégration dès le départ, lorsqu’elles évaluent comment répartir le risque lié à l’opération ainsi que les obligations de chacune d’elles dans le cadre du processus menant à la conclusion de l’opération.


M. Yalden est cochef du groupe national des fusions et des acquisitions d’Osler et chef du secteur du droit des sociétés du bureau de Montréal d’Osler. Il pratique le droit depuis plus de 25 ans et a été reconnu à maintes reprises comme l’un des avocats en droit des affaires de premier plan au Canada. M. Yalden conseille des équipes de direction et des conseils d’administration dans le cadre d’un large éventail d’opérations de fusion et acquisition, y compris des acquisitions d’entreprise non sollicitées et amicales, des mandats de comités spéciaux, des opérations de transformation en société fermée et des alliances stratégiques. De plus, il agit à titre de conseiller en ce qui a trait aux opérations de financement au moyen de placements publics et privés de titres, à la gouvernance d’entreprise (y compris pour un certain nombre de sociétés d’État) et aux questions d’ordre général liées aux sociétés ouvertes.