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Mise en œuvre par le Canada de mesures de sauvegarde provisoires sur certaines importations d’acier

Auteur(s) : Shalu Atwal

Le 17 octobre 2018

Dans notre dernier bulletin sur le commerce international, nous avons parlé de l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC), notamment des changements et des nouveautés et de l’incidence de l’AEUMC sur le commerce transfrontalier. Dans le présent bulletin sur le commerce international, nous abordons le sujet des mesures de sauvegarde provisoires que le Canada mettra en œuvre la semaine prochaine sur certaines importations d’acier et de la possibilité de l’application de mesures de sauvegarde à long terme.

Le 11 octobre, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il imposerait des mesures de sauvegarde provisoires à compter du 25 octobre 2018 sur les importations de sept produits d’acier et a également ordonné au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) de mener une enquête visant à déterminer si des mesures de sauvegarde à plus long terme sont nécessaires.

Nature des mesures provisoires

Les mesures de sauvegarde provisoires demeureront en vigueur durant 200 jours, à savoir du 25 octobre 2018 au 13 mai 2018.

Les produits concernés par les mesures de sauvegarde comprennent les suivants :

  • les tôles lourdes;
  • les barres d’armature pour béton;
  • les produits tubulaires pour le secteur de l’énergie;
  • les tôles minces laminées à chaud;
  • l’acier prépeint;
  • les fils en acier inoxydable;
  • le fil machine.

De plus amples renseignements du ministère des Finances concernant ces mesures de sauvegarde et une description plus détaillée des produits visés sont disponibles ici.

L’imposition des mesures de sauvegarde provisoires se fera au moyen d’un contingent tarifaire, assorti d’une surtaxe de 25 % sur les importations dépassant une quantité définie (volume contingentaire).

Le seuil contingentaire dépendra du volume moyen de marchandises assujetties aux mesures de sauvegarde qui a été importé au cours de périodes sélectionnées en 2015-2016, en 2016-2017 et en 2017-2018. Une limite additionnelle sera également imposée sur la part du contingent total qui peut être remplie par les producteurs d’un seul pays pour chaque catégorie de produits d’acier. Cette limite correspond à la part la plus élevée provenant d’un seul pays en fonction des volumes d’importation historiques de ce produit.

L’importation de marchandises assujetties aux mesures de sauvegarde sans application de la surtaxe de 25 % exige la délivrance d’un permis par Affaires mondiales Canada pour chaque expédition, sous réserve du respect du seuil contingentaire applicable. Ce permis ne peut être demandé qu’à compter du cinquième jour précédant l’arrivée de marchandises au Canada et expire 14 jours après sa délivrance.

Certains pays seront exclus des mesures de sauvegarde, notamment les États-Unis, le Mexique, le Chili et Israël ainsi que les pays aux économies considérées comme en voie de développement. Le Vietnam, malgré son statut de pays en développement, jouira d’une exemption pour six catégories de produits d’acier, ses exportations de barres d’armature étant assujetties aux mesures de sauvegardes.

Il ne faut pas confondre les mesures de sauvegarde avec les contre-mesures tarifaires imposées par le Canada sur les produits d’acier et d’aluminium et d’autres produits provenant des États-Unis en réponse à l’imposition par ce pays de tarifs sur l’acier et l’aluminium canadiens pour des motifs de « sécurité nationale ».

Exigences relatives à l’imposition de mesures de sauvegarde

L’application de mesures de sauvegarde provisoires et à long terme est permise en vertu des droits du Canada comme membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En particulier, dans des situations exceptionnelles, les membres de l’OMC peuvent imposer des mesures globales de sauvegarde pour protéger leur industrie nationale. Ces mesures peuvent être prises à l’encontre d’importations autrement effectuées dans des conditions loyales et, à ce titre, constituent une procédure suivie même en l’absence de preuves de dumping ou de subventions.

L’imposition de mesures de sauvegarde dans le cadre de l’OMC exige la production de preuves démontrant que le volume des importations de produits assujetties à de telles mesures continuera probablement d’augmenter autrement au point de causer ou de menacer de causer un « préjudice grave » aux producteurs nationaux. Il s’agit d’une exigence beaucoup plus élevée que dans les cas commerciaux où, pour imposer des droits antidumping ou compensatoires, il faut démontrer l’existence ou la menace d’un « préjudice important ».

Bien que le gouvernement du Canada puisse appliquer des mesures de sauvegarde sur la base d’une décision préliminaire, pour continuer à les imposer au-delà de la période provisoire, il doit conduire une enquête de sauvegarde visant à recueillir le point de vue des importateurs, des exportateurs, des producteurs étrangers et des producteurs nationaux.

Examen des mesures de sauvegarde à long terme par le Tribunal

Au Canada, les enquêtes destinées à vérifier la nécessité d’appliquer des mesures de sauvegarde à long terme relèvent du mandat du Tribunal.

Si, au terme de son enquête, le Tribunal juge nécessaire le recours à des mesures de sauvegarde à long terme pour protéger l’industrie canadienne, le gouvernement du Canada peut alors imposer des mesures de sauvegarde durant trois années additionnelles maximum au-delà de la période provisoire. L’enquête du Tribunal débouche sur la production d’un rapport recommandant un taux de surtaxe et un montant contingentaire pour chaque catégorie de produits, de même qu’une période de maintien en vigueur des mesures de sauvegarde. Les participants à ce processus peuvent, par conséquent, faire des propositions en vue de déterminer si des mesures à long terme sont nécessaires et, le cas échéant, durant combien de temps, et proposer des mesures appropriées sous la forme d’une surtaxe et de contingents pour chaque catégorie de produits. À ce titre, contrairement à une enquête sur l’imposition de droits antidumping ou compensatoires, la procédure d’enquête du Tribunal offre à ses participants beaucoup plus de souplesse pour façonner les résultats du rapport recommandant des solutions, notamment en suggérant des exemptions pour certains produits non offerts par les producteurs canadiens.

Ci-dessous figure un aperçu de l’échéancier établi pour la prochaine enquête du Tribunal :

  • dépôt par les parties intéressées d’un avis de participation auprès du Tribunal d’ici le 29 octobre 2018;
  • obligation pour les sociétés participant à la production nationale, l’importation ou l’exportation des produits faisant l’objet de l’enquête de remplir, au plus tard le 31 octobre 2018, un questionnaire qui sera versé au dossier;
  • dépôt des observations écrites jusqu’au 6 décembre 2018;
  • tenue d’audiences publiques en janvier 2019;
  • publication par le Tribunal d’un rapport contenant des recommandations le 3 avril 2019.

Le calendrier complet de l’enquête du Tribunal est disponible ici.

Comme l’échéance du dépôt de l’avis de participation arrive dans moins de deux semaines, il sera important pour les sociétés qui utilisent les sept produits faisant l’objet de l’enquête de déterminer si leur participation à cette enquête servira leurs intérêts commerciaux. D’après notre expérience, tout avis de participation déposé en retard peut être rejeté, alors que le maintien d’une participation minimale pour surveiller la procédure ou le retrait complet plus tard d’un participant de la procédure n’est pas rare.

Les mesures de sauvegarde auront une incidence sur tous les utilisateurs de ces produits au Canada, qu’ils les importent ou se les procurent chez des producteurs nationaux. On peut s’attendre à ce que l’imposition d’une surtaxe fasse augmenter le prix de ces produits au Canada. Par ailleurs, le système de contingentement pourrait provoquer des pénuries inattendues (particulièrement pour les produits spécialisés), créant ainsi des difficultés financières et de production pour les sociétés qui dépendent de ces produits comme intrants pour leurs activités.