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L’accord commercial transitoire post-Brexit – À quoi s’attendre après l’AECG?

Auteur(s) : Alan Kenigsberg, Danielle Chu, Chelsea Rubin

Le 18 janvier 2021

Notre dernier bulletin sur le commerce international traitait de l’élimination par les États-Unis des droits de douane sur l’aluminium canadien imposés en vertu de l’article 232 de la loi américaine. Dans ce bulletin sur le commerce international, nous examinons ce à quoi les parties qui s’engagent dans le commerce entre le Canada et le Royaume-Uni doivent s’attendre maintenant que le Brexit est officiellement entré en vigueur. Nous traiterons également de l’accord de transition entre le Canada et le Royaume-Uni, l’Accord de continuité commerciale entre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Canada.

Le Brexit est officiellement en vigueur depuis le 1er janvier 2021. L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Europe (AECG) a cessé de s’appliquer au Royaume-Uni lors du retrait de ce dernier de l’Union européenne (UE). Les gouvernements des deux pays ont signé un accord transitoire, qui restera en vigueur jusqu’à ce qu’un accord commercial bilatéral définitif puisse être conclu. Cet accord, ainsi qu’un protocole d’entente en vigueur jusqu’à ce que l’accord transitoire puisse être ratifié par les deux pays, maintient les conditions commerciales offertes au Canada et au Royaume-Uni au titre de l’AECG. Si les parties qui s’engagent dans le commerce entre le Canada et le Royaume-Uni peuvent s’attendre à une continuité, quelques changements mineurs se profilent toutefois à l’horizon.

L’accord et les mesures transitoires

Le 10 décembre 2020, les gouvernements du Canada et du Royaume-Uni ont signé un accord transitoire visant à maintenir le libre-échange – l’Accord de continuité commerciale entre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Canada (l’ACC) – que le gouvernement du Canada propose de mettre en œuvre au moyen d’une Loi portant mise en œuvre de l’Accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (projet de loi C-18). L’ACC n’est pas encore en vigueur – au moment où nous rédigeons ces lignes, le projet de loi C-18 n’a fait l’objet que d’une première lecture à la Chambre des communes. 

Dans l’intervalle, les gouvernements du Canada et du Royaume-Uni ont signé un protocole d’entente le 22 décembre 2020 pour assurer le maintien des échanges commerciaux. Ce protocole d’entente demeurera en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ACC.[1] Aux termes de l’ACC, le Royaume-Uni et le Canada s’engagent à entamer des négociations ultérieures au cours de l’année suivant l’entrée en vigueur de l’ACC en vue de conclure un nouvel accord bilatéral de libre-échange de vaste portée dans un délai de trois ans.[2] Ce délai peut être prolongé par les deux pays. L’accord bilatéral définitif sera soumis au même processus de ratification.

Différences par rapport à l’AECG

La mise en œuvre de l’AECG a marqué le début d’une relation commerciale privilégiée entre le Canada et l’UE. L’UE est le troisième partenaire commercial du Canada. De son côté, le Royaume-Uni arrive en cinquième place grâce au commerce bilatéral entre les deux pays qui se chiffrait en moyenne à 27,1 milliards de dollars par an entre 2017 à 2019. L’AECG a immédiatement supprimé 98 % des droits de douane sur les produits canadiens et, progressivement, il supprimera environ 99 % des droits de douane. L’AECG comporte par ailleurs d’autres avantages, notamment un meilleur accès pour les services, une certitude et une transparence accrues, la protection des investissements et de la propriété intellectuelle, ainsi que des possibilités pour le Canada sur les marchés publics de l’UE.

L’ACC témoigne de la volonté exprimée par les deux gouvernements de maintenir les droits et obligations entre eux énoncés dans l’AECG, après le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Le libellé du préambule de l’ACC et la réaffirmation du préambule de l’AECG l’illustrent. Bien que le texte final de l’accord n’ait toujours pas été ratifié, le texte actuel comprend la majorité des arrangements commerciaux prévus dans l’AECG, notamment la suppression de 98 % des droits tarifaires sur les produits canadiens exportés vers le Royaume-Uni, y compris des produits agricoles particuliers, et l’inclusion de dispositions en matière de travail, d’environnement, de coopération réglementaire et de règlement des différends. Des éléments essentiels de l’AECG sont devenus bilatéraux, notamment :

  • Le niveau actuel des réductions des droits de douane entre le Canada et le Royaume-Uni sera maintenu, si les conditions sont remplies. Les exportateurs canadiens pourront continuer de tirer profit des niveaux de préférence tarifaire de l’AECG pour leurs produits admissibles exportés au Royaume-Uni.
  • Les taux de droits de douane préférentiels établis par l’AECG continueront de s’appliquer au traitement tarifaire des marchandises admissibles exportées du Royaume-Uni au Canada.
  • Les dispositions de l’ACC en matière de règles d’origine comprennent les marchandises prévues à l’AECG, ce qui permettra aux fabricants canadiens et britanniques de s’approvisionner en matières originaires de l’UE. Les autres règles d’origine de l’AECG sont en grande partie reproduites dans l’ACC. Toutefois, les contingents d’origine de l’AECG ne seront pas directement reproduits dans l’ACC et en différeront probablement légèrement.[3]

En attendant l’entrée en vigueur de l’ACC, le protocole d’entente régira les relations commerciales entre les deux pays. Le protocole d’entente comprend des dispositions relatives aux traitements tarifaires préférentiels, aux contingents tarifaires, aux règles d’origine et aux obstacles techniques au commerce, notamment pour les produits pharmaceutiques et les télécommunications.[4] Le traitement tarifaire préférentiel pour les marchandises expédiées entre le Royaume-Uni et le Canada sera maintenu tant que le protocole d’entente sera en vigueur. Les contingents tarifaires s’appliqueront à partir du 1er janvier 2021.

Bien que l’ACC ne comporte pas de disposition prévoyant un nouvel accès au marché pour le système canadien relatif aux produits soumis à la gestion de l’offre (par exemple, le marché canadien des produits laitiers ou du fromage), il fait référence à l’intégration d’un accord entre les gouvernements intitulé « CT de l’OMC pour le fromage – Accès transitoire du Royaume-Uni à la réserve de l’Union européenne ». Cette mesure est intégrée dans l’ACC en lieu et place des contingents tarifaires existants pour le fromage[5]. En vertu du protocole d’entente et de l’ACC, les exportations de fromage du Royaume-Uni vers le Canada pourront se poursuivre au titre de la réserve de l’Union européenne dans le cadre du CT de l’OMC du Canada pour le fromage jusqu’au 31 décembre 2023. 

Le protocole d’entente n’inclut pas de disposition concernant :

  • les services et les investissements, y compris la prestation de services au Canada, la reconnaissance des qualifications professionnelles, les services financiers et les investissements;
  • la propriété intellectuelle, y compris les indications géographiques;
  • des règlements; ou
  • l’approvisionnement.

L’ACC devrait s’appliquer à ces domaines une fois qu’il sera en vigueur.[6]

Points importants pour les entreprises

Les relations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni demeurent en grande partie inchangées depuis le 1er janvier 2021. Le protocole d’entente a été conclu en vue de maintenir le statu quo dans les relations commerciales en attendant l’entrée en vigueur de l’ACC. Les gouvernements des deux pays devraient entamer les négociations dans le but de conclure un nouvel accord bilatéral en 2021. Il est important de noter que, bien que les parties aient convenu de tenter de parvenir à un accord bilatéral dans un délai d’un à trois ans, elles peuvent néanmoins choisir de prolonger ce délai. Les entreprises canadiennes pourront profiter d’un environnement commercial stable dans le cadre du protocole d’entente, puis de l’ACC une fois celui-ci ratifié, jusqu’à ce qu’un accord commercial bilatéral soit signé et ratifié, ce qui prendra probablement quelques années. Dans l’intervalle, les entreprises canadiennes devraient examiner de près leurs chaînes d’approvisionnement et leurs stratégies d’investissement avec le Royaume-Uni et déterminer comment l’ACC orientera leurs décisions commerciales.


[1] « Le Canada annonce des mesures visant à assurer la stabilité du commerce des marchandises entre le Canada et le Royaume-Uni », Affaires mondiales Canada, 22 décembre 2020, en ligne : https://www.canada.ca/fr/affaires-mondiales/nouvelles/2020/12/le-canada-annonce-des-mesures-visant-a-assurer-la-stabilite-du-commerce-des-marchandises-entre-le-canada-et-le-royaume-uni.html

[2] « Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni (ACC Canada–Royaume-Uni) – Accord de continuité commerciale », Affaires mondiales Canada, en date du 9 décembre 2020, en ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cuktca-acccru/agreement_trade_continuity-accord_continuite_commerciale.aspx?lang=fra

[3] « Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni (ACC Canada–Royaume-Uni) – Résumé », Affaires mondiales Canada, en date du 9 décembre 2020, en ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cuktca-acccru/summary-resume.aspx?lang=fra.

[4] « Guidance : Trade with Canada from 1 January 2021 », gouvernement du Royaume-Uni, 10 décembre 2020 (mis à jour le 23 décembre 2020), en ligne, en anglais seulement : https://www.gov.uk/guidance/summary-of-the-uk-canada-trade-continuity-agreement

[5] « Accord de continuité commerciale Canada–Royaume-Uni (ACC Canada–Royaume-Uni) – Accord de continuité commerciale », à l’Article VI, Affaires mondiales Canada, en date du 9 décembre 2020, en ligne : https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cuktca-acccru/agreement_trade_continuity-accord_continuite_commerciale.aspx?lang=fra.

[6]« Guidance : Trade with Canada from 1 January 2021 », gouvernement du Royaume-Uni, 10 décembre 2020 (mis à jour le 23 décembre 2020), en ligne, en anglais seulement : https://www.gov.uk/guidance/summary-of-the-uk-canada-trade-continuity-agreement