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Règlement des différends et principales améliorations apportées aux règles sur les marchés publics dans l'ALEC

Auteur(s) : Corinne Xu, Taylor Schappert

8 mai 2017

Notre dernier dossier Commerce international a traité de l’incidence des tarifs douaniers visant le bois d’œuvre résineux sur les sociétés canadiennes et de l’enquête de l’administration Trump et d’une enquête similaire portant respectivement sur l’impact des importations d’acier et d’aluminium sur la sécurité nationale, menées en recourant à un processus rarement utilisé. Dans plusieurs articles du présent dossier, nous discutons des marchés publics et du règlement des différends aux termes de l’Accord de libre-échange canadien, de la solution de rechange consistant à recourir aux traités bilatéraux d’investissement pour protéger les investissements de manière à éviter toute revendication d’immunité absolue comme moyen de défense, qui a été le fondement du rejet unanime par un tribunal américain d’une réclamation relative à une expropriation, et du dépôt par Boeing d’une demande d’enquête sur les pratiques commerciales de Bombardier

Principales améliorations apportées aux règles sur les marchés publics dans l'ALEC

Par Riyaz Dattu, Peter Glossop, Taylor Schappert et Corinne Xu

L’un des avantages que les entreprises canadiennes devraient attendre de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), qui entre en vigueur le 1er juillet 2017, est l’élargissement des possibilités d’affaires avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, particulièrement dans le cas des petites et moyennes entreprises. Les principales améliorations apportées aux règles sur les marchés publics dans l’ALEC, par rapport à celles de l’Accord sur le commerce intérieur (l’ACI) qu’il remplace, sont présentées ci-dessous : 

  1. Accès élargi aux marchés publics : l’ALEC augmentera le nombre d’entités du gouvernement fédéral et des gouvernements infranationaux qui seront liées par les engagements et les règles régissant les marchés publics.
  2. Portails électroniques : à l’heure actuelle, le processus relatif aux marchés publics à l’échelon infranational se déroule presque exclusivement hors ligne. En faisant entrer le processus d’approvisionnement dans l’ère numérique, on s’attend à ce que les PME canadiennes aient un accès accru et un fardeau allégé lorsqu’elles feront concurrence pour des marchés publics, dans le cadre d’un processus qui, par le passé, favorisait les grandes entreprises en mesure d’affecter les importantes ressources nécessaires pour remplir les longs dossiers d’appel d’offres. À cet égard, les dispositions de l’ALEC sur les marchés publics s’harmoniseront avec celles de l’Accord économique et commercial global (AEGC) entre le Canada et l’Union européenne, qui exige la création d’un portail électronique destiné à servir d’unique point d’accès aux appels d’offres des gouvernements du Canada et de l’Union européenne.
  3. Maintien de la compétitivité face aux nouveaux venus du marché de l’UE : actuellement, les entreprises canadiennes, de quelque province que ce soit, n’ont pas le même accès aux marchés publics d’une autre province que les entreprises de cette province. Aux termes de l’AECG, tous les marchés publics du Canada seront accessibles aux entreprises de l’UE au moyen d’un portail électronique. La mise en œuvre de l’AECG désavantagerait donc les entreprises canadiennes répondant à un appel d’offres d’une autre province. Le portail électronique réglera donc la question de l’accès des entreprises canadiennes aux appels d’offres pour des marchés publics à la grandeur du Canada, ce qui placera les entreprises canadiennes et de l’Union européenne sur un pied d'égalité.
  4. Mobilité professionnelle : l’ALEC accroîtra la capacité de membres de professions réglementées, tels les ingénieurs et les architectes, à répondre aux appels d’offres de marchés publics à l'échelle du pays. Plus particulièrement, l’ALEC promet de supprimer ou d’atténuer les obstacles commerciaux qui restreignent la mobilité de travailleurs accrédités et les empêchent ainsi de travailler dans différents territoires du Canada.
  5. Secteur de l’énergie : Pour la première fois, des règles ouvertes pour les marchés publics seront mises en place grâce à l'ALEC dans le secteur de l’énergie, qui devrait générer pour plus de 4,7 milliards de dollars par année de nouvelles occasions en matière de marchés publics.

Règlement des différends aux termes de l’ALEC

Par Riyaz DattuPeter GlossopTaylor Schappert et Corinne Xu

La procédure de règlement des différends figurant actuellement dans l’Accord sur le commerce intérieur de 1995 (l’ACI) a été critiquée par les parties prenantes du fait qu’elle est [traduction] « lente, compliquée, coûteuse et... qu’elle n’est pas respectée par tous les gouvernements ». [1] Aux termes de l’ACI, les différends ne peuvent être entendus que par un groupe spécial, une fois que tous les processus de consultation et de médiation ont été épuisés. Les groupes spéciaux peuvent rendre des décisions sur la question de savoir si une partie a mis en œuvre une mesure contraire à l’Accord, et faire des recommandations visant la conformité. Cependant, la principale méthode de mise en application en cas non-conformité est une sanction pécuniaire pouvant atteindre 5 millions de dollars dans le cas des provinces les plus grandes, et calculée au prorata de la taille de la population, dans le cas des provinces et des territoires de plus petite taille. Les étapes procédurales séquentielles requises par le processus de règlement des différends de l’ACI, pour imposer une ordonnance de sanction pécuniaire en cas de non-conformité, sont longues et coûteuses.

L’un des objectifs de l’Accord de libre-échange canadien (l’ALEC), qui entrera en vigueur le 1er juillet 2017, est de remplacer la procédure de règlement des différends de l’ACI en vue d’éliminer les inefficiences et d’assurer la conformité des parties aux règles intérieures sur le libre-échange au Canada. L’ALEC vise à réduire les coûts associés à la procédure de règlement des différends en habilitant des groupes spéciaux à rejeter des procédures de façon sommaire s’ils jugent qu’elles sont frivoles, vexatoires ou qu’elles constituent un recours abusif.

L’ALEC prévoit une hausse des sanctions pécuniaires, qui pourront atteindre 10 millions de dollars, et qui seront calculées au prorata de la population, dans le cas des provinces et territoires de plus petite taille.  Il est important de souligner que, tout comme le prévoit l’ACI, les sanctions pécuniaires aux termes de l’ALEC ne constitueront pas une indemnisation versée aux demandeurs. Le montant de la pénalité sera plutôt déposé dans un fonds destiné au développement et à la promotion du commerce intérieur au Canada.

L’ALEC, en plus d’habiliter les gouvernements à soumettre des différends à des groupes spéciaux, comporte aussi un mécanisme de présentation de plaintes d’une entreprise à l'encontre d'un gouvernement, en vertu duquel les plaignants peuvent déposer des plaintes contre les obstacles au commerce à l’échelle du Canada. Une personne ne peut intenter une procédure de règlement des différends aux termes de l’ALEC qu’après avoir déposé une demande écrite auprès de son gouvernement provincial pour qu'il soumette le différend en son nom, et qu’elle a été avisée du fait que le gouvernement a refusé d’y donner suite.

Ce que l’ALEC comporte de nouveau, c’est la Table de conciliation et de coopération en matière de réglementation (TCCR), qui éliminera les obstacles réglementaires au commerce interprovincial. Tous les ordres de gouvernement pourront déposer des plaintes auprès de la TCCR afin de demander que les obstacles particuliers au commerce soient examinés et révisés. Les gouvernements en cause procéderont alors à la négociation d’une entente de conciliation visant à atténuer ou à supprimer l’obstacle au commerce. Cependant, le processus relatif à la TCCR est assujetti à un mécanisme de retrait.

Dans l’ensemble, comme pour bien d’autres parties de l’ALEC, les améliorations apportées aux dispositions en matière de règlement des différends sont à tout le moins négligeables. Le Canada a mis en œuvre des règles beaucoup plus efficaces dans ses traités internationaux, en ce qui concerne le règlement des différends.  Même l'augmentation des sanctions pécuniaires semble sans importance, si l’on tient compte de l’inflation. La sanction pécuniaire maximale, aux termes de l’ALEC, est seulement de 10 millions de dollars dans le cas des provinces les plus grandes, alors que la pénalité maximale de 5 millions de dollars, aux termes de l’ACI, vient d'une entente qui a plus de vingt ans.

 


[1] Robert Knox, Canada’s Agreement on Internal Trade: It Can Work If We Want It To (Mai 2001), p. 3.