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Sixième ronde de l’ALENA : les chances que l’ALENA soit conservé augmentent

Le 31 janvier 2018

Dans notre bulletin sur le commerce international précédent, nous avons abordé la conclusion d’une entente sur les « éléments clés » d’un accord par les onze pays du PTP et la mise en plan d’un plan de rechange en cas d’échec des renégociations de l’ALENA. Dans ce bulletin sur le commerce international, nous discutons des lents progrès réalisés pendant la sixième ronde de négociations de l’ALENA.

La sixième ronde de renégociations de l’ALENA a eu lieu à Montréal du 21 au 29 janvier 2018 avec la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, le secrétaire à l’Économie du Mexique, Ildefonso Guajardo Villarreal, et l’ambassadeur et représentant au Commerce des États-Unis, Robert Lighthizer. Ceux-ci ont tenu une conférence de presse le dernier jour afin de discuter des progrès réalisés pendant les pourparlers. Les trois représentants ont annoncé la conclusion du nouveau chapitre sur la lutte contre la corruption et les avancées sur d’autres fronts, mais ont indiqué qu’ils étaient loin d’avoir conclu un accord définitif.

La sixième ronde de négociations a été un « moment critique » pour les renégociations de l’ALENA, en particulier après les négociations tendues des deux dernières rondes qui semblaient suggérer que les parties se trouvaient dans une impasse. Le fait que le Canada ait contesté les droits antidumping et compensateurs des É.-U., auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 20 décembre 2017, en demandant la tenue de consultations avec les États-Unis, mentionnant le non-respect systématique des règles de l’OMC dans les procédures de recours commerciaux des É.-U. contre les exportations canadiennes et celles d’autres pays, a aussi mené à l’exacerbation des tensions dans cette ronde. Dans la dernière conférence de presse de la ronde, l’ambassadeur M. Lighthize a fait référence à la plainte déposée par le Canada, la qualifiant d’attaque importante contre toutes les lois commerciales américaines, et a affirmé qu’elle renforçait les inquiétudes des É.-U. à l’égard des organismes de règlement des différends commerciaux étrangers. Néanmoins, les groupes industriels et les délégations des organismes gouvernementaux des trois pays ont tous participé à cette ronde de négociation, essayant de faire progresser les pourparlers afin que le processus reste animé et sur la bonne voie, avec un certain succès. Nous avons résumé quelques-uns des sujets qui ont retenu l’attention dans la sixième ronde :

  1. En ce qui concerne les règles d’origines relatives aux automobiles et aux pièces d’automobiles, le Canada a formulé une proposition afin de répliquer à celle des É.-U. portant sur les exigences relatives aux règles d’origine pour les véhicules : le pourcentage du contenu provenant des pays de l’ALENA passerait à 85 % et celui du contenu provenant des É.-U. à 50 %. La proposition du Canada prévoyait un crédit fondé sur l’investissement dans la région de l’ALENA lié à la recherche et au développement et à la fabrication de produits à base d’acier et d’aluminium provenant des pays de l’ALENA. Cette proposition était appuyée par de nombreuses personnes dans l’industrie de l’automobile, et les négociateurs américains ont auparavant indiqué qu’ils étaient ouverts à l’idée que cela se concrétise dans une proposition plus élaborée. L’ambassadeur M. Lighthizer a toutefois par la suite indiqué qu’il était peu probable que les É.-U. appuient la contre-proposition telle qu’elle est présentée, soutenant que la proposition du Canada réduirait en fait la quantité de contenu provenant des pays de l’ALENA.
  2. Une contre-proposition a aussi été formulée par les É.-U. à l’égard du chapitre 11, qui traite du mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État, voulant qu’il devienne optionnel. Le Canada et le Mexique ont proposé d’exclure complètement les É.-U. du chapitre 11 (c.-à-d. sans adhésion), ce qui empêcherait les investisseurs canadiens et mexicains de poursuivre le gouvernement américain conformément à un mécanisme d’arbitrage investisseur-État, mais qui empêcherait également les investisseurs situés aux É.-U. d’engager des poursuites contre le Canada et le Mexique.
  3. En réponse à la « disposition de temporisation » proposée par les É.-U., qui mettrait automatiquement fin à l’ALENA dans cinq ans sauf s’il est explicitement renouvelé par les parties, il est dit que le Canada a proposé un examen semi-périodique du traité qui révélerait des recommandations sur la façon dont l’accord pourrait être amélioré, proposition semblable à celle formulée par le Mexique dans les rondes précédentes.  

Bien que certains progrès aient été réalisés, avec la lenteur à laquelle les pourparlers se poursuivent, la négociation ne pourra être conclue à la fin du mois de mars 2018. Pour conclure, l’ambassadeur M. Lighthizer a fait part de son impatience vis-à-vis du rythme actuel des négociations, affirmant que la population des trois pays mérite que les négociations avancent plus rapidement.

Des sujets controversés semblent ne pas avoir été abordés au cours de la sixième ronde. Le système laitier canadien, le droit du travail mexicain et l’accès aux marchés publics des É.-U. sont des exemples de sujets qui ne semblent pas avoir été traités en détail lors de cette ronde. Selon les progrès limités qui ont été réalisés, après la prochaine ronde qui devrait commencer le 26 février à Mexico, d’autres rondes de négociations seront vraisemblablement nécessaires avant de conclure un accord définitif.

Par conséquent, l’échéance fixée à la fin de mars ne sera sans aucun doute pas respectée. Le président de la House Ways & Means Committee des É.-U., Kevin Brady (R-TX), et le secrétaire à l’Économie du Mexique, Ildefonso Guajardo, ont récemment sous-estimé l’échéance fixée en mars. Le président Trump a aussi exprimé sa volonté de poursuivre les négociations après le mois de mars et jusqu’à l’été 2018, mentionnant que l’élection mexicaine en juillet rendrait probablement la conclusion d’un accord difficile.

Manifestement, il reste encore beaucoup de travail à faire. Toutefois, puisque toutes les parties sont actuellement prêtes à rester à la table et que des progrès sur certains sujets importants ont été réalisés, les chances qu’un ALENA renégocié se concrétise sont meilleures qu’avant le début de la sixième ronde de pourparlers.

Néanmoins, la prudence, dans la planification des affaires, exige que les entreprises fournissent un plan d’urgence en évaluant d’abord l’incidence qu’aurait la non-conclusion d’un accord définitif pour un ALENA modifié, puis en examinant les moyens d’atténuation des incidences économiques préjudiciables, qui peuvent comprendre la diversification des échanges en fonction de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et du nouvel Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Les sociétés faisant appel public à l’épargne devraient également envisager de revoir leur divulgation des risques pour intégrer une discussion sur l’incidence d’un échec des négociations de l’ALENA et le retrait subséquent des É.-U. de l’ALENA.