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Mise à jour des règles canadiennes de divulgation obligatoire : projet de loi portant exécution et notes explicatives

Auteur(s) : Patrick Marley, Matias Milet, Ilana Ludwin, Oleg Chayka

Le 25 avril 2023

La Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, qui comprend les règles de divulgation obligatoire de l’impôt sur le revenu canadien, a été présentée au Parlement le 20 avril 2023 en tant que projet de loi C-47. Annoncées pour la première fois dans le budget 2021, les règles de divulgation obligatoire élargissent les règles existantes relatives aux opérations à déclarer et introduisent de nouvelles obligations de déclaration en ce qui concerne les « opérations à signaler » et les « traitements fiscaux incertains à déclarer ». Le non-respect des nouvelles règles entraîne une prorogation de la période normale de nouvelle cotisation et peut donner lieu à des pénalités importantes.

Comparativement à l’avant-projet de loi publié le 9 août 2022, le projet de loi C-47 apporte des modifications importantes aux règles relatives aux opérations à déclarer et aux opérations à signaler. Ces changements sont présentés ci-après. Pour plus de détails sur les versions précédentes des règles relatives aux opérations à déclarer, ainsi que sur les règles relatives aux opérations à signaler et aux traitements fiscaux incertains, veuillez consulter nos bulletins d’actualités Osler résumant les versions du 4 février 2022 et du 9 août 2022.

Règles relatives aux opérations à déclarer

Les règles relatives aux opérations à déclarer exigent des contribuables, des promoteurs et des conseillers fiscaux qu’ils fournissent des rapports détaillés sur les opérations qui présentent des caractéristiques que le gouvernement considère comme révélatrices d’opérations à des fins fiscales. Actuellement, les opérations doivent être déclarées à l’Agence du revenu du Canada (ARC) s’il s’agit d’« opérations d’évitement » (au sens de la règle générale anti-évitement) et si elles présentent au moins deux des trois marqueurs génériques relatifs aux honoraires conditionnels, à la protection de la confidentialité et à la protection contractuelle. Les règles révisées relatives aux opérations à déclarer utilisent une définition élargie d’« opération d’évitement », n’exigent la présence d’un seule des trois marqueurs pour que l’opération ou la série d’opérations soit déclarable, apportent un certain nombre de modifications aux marqueurs et augmentent considérablement les pénalités et autres conséquences défavorables en cas de défaut de déclaration. Chaque partie concernée doit produire cette déclaration; la déclaration d’une partie ne libère pas les autres parties de leurs obligations de déclaration. 

Pour qu’il y ait une opération à déclarer, il faut qu’il y ait une « opération d’évitement », ce que le projet de loi C-47 — qui demeure inchangé à cet égard par rapport à l’avant-projet de loi du 9 août 2022 — réoriente autour du critère de « l’un des principaux objets de conclure l’opération ».  Plus précisément, une opération d’évitement est désormais définie comme une opération si on peut raisonnablement considérer qu’un des principaux objectifs de l’opération, ou d’une série d’opérations dont l’opération fait partie, est d’obtenir un avantage fiscal. Il n’est pas nécessaire que l’obtention de l’avantage fiscal soit abusive pour qu’une opération réponde à la définition.

Par rapport à l’avant-projet de loi du 9 août 2022, les règles révisées du projet de loi C-47 reflètent des changements importants concernant le marqueur de protection contractuelle, le délai de production de la déclaration de renseignement requise, les pénalités et la disposition relative au secret professionnel de l’avocat. Les notes explicatives comprennent de nouveaux renseignements quant au marqueur relatif aux honoraires conditionnels qui reflètent les observations d’Osler et d’autres parties prenantes reçues par le gouvernement au cours des périodes de consultation pour la publication des projets précédents.

Le critère de protection contractuelle est modifié pour répondre aux préoccupations concernant les opérations de fusion et d’acquisition sans lien de dépendance, lorsque des indemnités fiscales font partie des conventions d’achat d’entreprise. En particulier, en plus de l’exemption existante pour l’assurance responsabilité professionnelle habituelle, la définition de la « protection contractuelle » inclut désormais la protection juridique faisant partie intégrante d’un contrat entre des personnes sans lien de dépendance dans le cadre d’un transfert d’entreprise direct ou indirect, lorsqu’il est raisonnable de considérer que l’assurance ou la protection en question :

  • vise à garantir que le prix d’achat tient compte de tout passif antérieur à la clôture de l’entreprise achetée, et
  • est obtenue principalement à des fins autres que l’obtention d’un avantage fiscal lié à l’opération ou à la série d’opérations.

Cette nouvelle exclusion des indemnités et des assurances dans les opérations de fusion et d’acquisition (ainsi que les notes explicatives qui l’accompagnent) restreint l’application du libellé du projet de loi du 9 août 2022, qui faisait craindre que la plupart des opérations de fusion et d’acquisition ordinaires ne deviennent assujetties à l’obligation de déclaration. Selon les notes explicatives, l’exclusion susmentionnée est censée s’appliquer aux déclarations, garanties et sûretés habituelles entre vendeurs et acheteurs sans lien de dépendance, ainsi qu’aux polices d’assurance habituelles en matière de déclaration et de garantie, obtenues dans le contexte commercial ordinaire des fusions et acquisitions afin de protéger les acheteurs des obligations antérieures à la clôture, comme les obligations fiscales. De telles garanties devraient généralement empêcher que le marqueur de protection contractuelle soit rempli.

Toutefois, les notes explicatives ajoutent que cette exception ne s’appliquerait pas à d’autres formes d’assurance ou de protection acquises pour couvrir des risques fiscaux identifiés, telles que les polices d’assurance de responsabilité fiscale en rapport avec des opérations d’évasion. 

Le projet de loi C-47 et les notes explicatives apportent également des précisions qui réduisent la portée du marqueur relatif aux honoraires conditionnels. On retrouve ce marqueur lorsqu’un conseiller fiscal ou un promoteur a droit à certains types d’honoraires liés au montant ou à la réalisation des avantages fiscaux découlant d’une opération ou d’une série d’opérations d’évitement, ou au nombre de participants à cette opération d’évitement ou de bénéficiaires de conseils concernant ces opérations ou séries d’opérations d’évitement.

Le projet de loi C-47 modifie le principe des honoraires conditionnels afin d’exclure les honoraires liés à la préparation des demandes de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE), même s’ils sont conditionnels à l’obtention d’avantages fiscaux résultant de ces demandes.

Bien que le projet de loi C-47 n’apporte pas d’autres modifications au principe des honoraires conditionnels, les notes explicatives précisent que les types d’accords d’honoraires suivants sont généralement exclus du champ d’application :

  • Pour les conseillers fiscaux : les « ententes de rémunération » et les ententes relatives aux frais de litige éventuels.
  • Pour les institutions financières : la perception d’honoraires standards :
    • aux fins de la création et de l’administration continue d’un compte financier, comme un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), ou un instrument financier, comme un placement lié à un fonds distinct, y compris lorsque les honoraires sont déterminés par rapport au montant de l’investissement;
    • lorsque les honoraires offerts à un client donné sont réduits selon le nombre de comptes financiers tenus par l’institution financière pour le client donné; ou
    • en tant qu’honoraires normaux par opération pour chaque opération de garantie dans le cadre d’un programme de vente de pertes fiscales de fin d’année administré par l’institution financière.

Le projet de loi C-47 prévoit un délai de 90 jours pour la production d’une déclaration de renseignements divulguant les opérations à déclarer, à compter du premier jour où une personne concernée est contractuellement obligée de conclure, ou conclut effectivement, l’opération à déclarer. Cela contraste avec les propositions du 9 août 2022, qui prévoyaient un délai de 45 jours seulement après l’événement déclencheur applicable.

Actuellement, toutes les personnes redevables d’une pénalité au titre d’une opération à déclarer sont solidairement responsables. Le projet de loi C-47 élimine cette responsabilité conjointe et solidaire. Aucune modification n’a été apportée à la disposition d’allégement selon laquelle la production d’une déclaration de renseignements ne constitue pas un aveu voulant que la RGAE s’applique à toute opération divulguée ou que cette opération fait partie d’une série d’opérations.

La dérogation au secret professionnel de l’avocat, qui s’applique « pour plus de certitude », prévoit actuellement que les avocats agissant comme conseillers fiscaux à l’égard d’une opération à déclarer ne sont pas tenus de divulguer les renseignements protégés par ce privilège. Cette exemption est modifiée pour prévoir de manière générale que les renseignements n’ont pas à être divulgués (que ce soit par un avocat ou un non-avocat) lorsqu’il est raisonnable de penser qu’ils sont protégés par le secret professionnel de l’avocat.

Comme indiqué dans l’énoncé économique de l’automne 2022, les règles modifiées s’appliqueront aux opérations à déclarer effectuées après la date de la sanction royale du projet de loi C-47. Cela ne signifie toutefois pas que toutes les opérations conclues avant cette date seront exemptées de déclaration. Le concept de série d’opérations joue un rôle important dans les règles relatives aux opérations à déclarer. Une opération à déclarer comprend non seulement une opération d’évitement, mais aussi chaque opération faisant partie d’une série d’opérations comprenant l’opération d’évitement. Les séries d’opérations qui chevauchent la date de la sanction royale peuvent donner lieu à des obligations de déclaration même si l’opération d’évitement concernée a eu lieu avant la sanction royale.

Les opérations à déclarer doivent être divulguées à l’ARC sous la forme, de la manière et dans les délais prescrits. Le non-respect de l’obligation de déclaration dans les délais impartis peut donner lieu à une pénalité importante qui, dans certaines situations, peut atteindre 25 % du montant de l’avantage fiscal concerné.

Règles relatives aux opérations à signaler et aux traitements fiscaux incertains à déclarer

Le projet de loi C-47 introduit également de nouvelles exigences de divulgation obligatoire à l’égard des « opérations à signaler » et des « traitements fiscaux incertains à déclarer » qui ont été proposées dans les propositions législatives publiées le 4 février 2022 et le 9 août 2022. Ces exigences sont assorties de pénalités importantes, semblables à celles prévues pour les opérations à déclarer.

Les nouvelles règles relatives aux opérations à signaler visent des types précis d’opérations présentant un intérêt pour le gouvernement et désignées par le ministre du Revenu national avec l’accord du ministre des Finances. En 2022, le gouvernement a publié une liste préliminaire d’opérations (ou de séries d’opérations) susceptibles d’être désignées comme des opérations à signaler. Toutes les opérations ou séries d’opérations qui sont « sensiblement semblables » à une opération ou série d’opérations désignées s’inscrivent également dans le champ d’application d’une opération à signaler. (Notre bulletin d’actualités d’Osler résumant le projet du 4 février 2022 contient de plus amples détails à propos de la liste préliminaire d’opérations à signaler).

La défense de « diligence raisonnable » pour les opérations à signaler a été revue en profondeur par rapport au projet d’août 2022. Ce projet prévoyait auparavant une protection contre l’imposition d’une pénalité à toute personne tenue de déclarer une opération à signaler. Cette défense a été entièrement supprimée en ce qui concerne les pénalités. Toutefois, les personnes qui obtiennent ou s’attendent à obtenir un avantage fiscal d’une opération à signaler, et les personnes qui concluent de telles opérations au profit d’une telle personne, ne devront pas produire de déclaration de renseignements si elles ont fait preuve, pour déterminer si l’opération visée constitue une opération à signaler, du degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. Les notes explicatives précisent que ces personnes peuvent faire preuve du niveau de diligence requis en interrogeant leurs conseillers fiscaux sur les obligations de déclaration pouvant découler d’une opération. Si leurs conseillers fiscaux les informent qu’il n’existe pas de telles obligations de déclaration, ils auront rempli leurs obligations de diligence raisonnable.

L’ancienne exemption pour les banques, les compagnies d’assurance et les coopératives de crédit agissant comme conseillers fiscaux ou promoteurs (à moins qu’elles ne soient « vraisemblablement censées savoir » qu’il s’agit d’une opération à signaler) est maintenant supprimée. Toutefois, toute personne agissant comme conseiller fiscal ou promoteur n’est pas tenue de produire une déclaration de renseignements, à moins qu’elle ne soit « vraisemblablement censée savoir » que l’opération doit être signalée.

Bien que les règles relatives aux trois parties des règles de divulgation obligatoire comprennent des dispositions d’exonération selon lesquelles la production d’une déclaration de renseignements ne constitue pas un aveu, la disposition d’exonération relative aux opérations à signaler est la plus restrictive. Les règles relatives aux opérations à signaler prévoient que la production d’une déclaration de renseignements ne constitue pas un aveu qu’une opération fait partie d’une série d’opérations. Les règles relatives aux opérations à déclarer et au traitement fiscal incertain à déclarer prévoient en outre que la production d’une déclaration de renseignements ne constitue pas une reconnaissance de l’application de la RGAE et que la production d’une déclaration de renseignements ne constitue pas un aveu du fait que le traitement fiscal n’est pas conforme à la LIR ou à ses règlements.

Plusieurs changements apportés aux opérations à déclarer par rapport au projet de loi du 9 août 2022 sont également apportés aux opérations à signaler, à savoir : la suppression de la disposition relative à la responsabilité solidaire, la révision de l’exemption relative au secret professionnel de l’avocat, la prolongation du délai pour les obligations de déclaration, qui passe de 45 à 90 jours et la confirmation que les nouvelles règles entreront en vigueur à la date de la sanction royale.

Enfin, aucun changement législatif significatif n’a été apporté aux « traitements fiscaux incertains à déclarer » ou aux notes explicatives par rapport à celles publiées le 9 août 2022. Ces règles s’appliqueront aux années d’imposition commençant après 2022, à l’exception de la disposition relative à la pénalité, qui ne s’applique qu’aux années d’imposition commençant après la date de la sanction royale du projet de loi C-47.