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Modifications importantes à la Loi sur la concurrence du Canada dont les répercussions seront profondes

Auteur(s) : Shuli Rodal, Michelle Lally, Kaeleigh Kuzma, Zach Rudge

Le 29 novembre 2023

Les entreprises en prennent note. La Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023 [PDF] (projet de loi portant exécution du budget), déposée au Parlement le 28 novembre, propose d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence du Canada (la Loi) qui, si elles sont mises en œuvre, auront des conséquences profondes pour les entreprises, telles que l’intensification des activités d’application de la loi par le commissaire de la concurrence (le commissaire) et les parties privées, ainsi que le risque accru de sanctions pécuniaires et de dommages-intérêts supplémentaires importants.

Propositions

Les changements fondamentaux proposés dans le projet de loi portant exécution du budget sont notamment les suivants :

  • Pour la première fois, les accords conclus entre concurrents qui ne sont pas visés par les dispositions pénales de la Loi et qui ne sont assujettis qu’à la disposition d’examen au civil prévue à l’article 90.1 de la Loi (p. ex., les collaborations entre concurrents) pourront faire l’objet de sanctions pécuniaires et de mesures correctives possibles, ainsi que d’actions privées (avec permission). À l’heure actuelle, l’article 90.1 ne prévoit aucun droit d’action privé et les recours sont de nature injonctive. Parmi les conséquences possibles qui ont été considérablement accrues, mentionnons :
    • les ordonnances obligeant à se départir d’éléments d’actif ou d’actions qui constituent des mesures raisonnables et nécessaires pour enrayer les effets de l’accord
    • une sanction administrative pécuniaire (SAP) d’un montant n’excédant pas le plus élevé des montants suivants : a) 10 000 000 $ (ou 15 000 000 $ dans le cas d’une ordonnance subséquente) et b) trois fois la valeur du bénéfice tiré de l’accord ou, si ce montant ne peut être déterminé raisonnablement, 3 % des revenus bruts annuels globaux de la personne
    • les actions privées (avec permission) et les dommages-intérêts accordés à des parties privées correspondant à la valeur du bénéfice tiré du comportement

Des modifications distinctes contenues dans le projet de loi C-56 proposent d’étendre les dispositions de l’article 90.1 pour inclure les accords verticaux (c.-à-d. les accords entre non-concurrents). Si ces propositions sont adoptées, les sanctions, recours et droits d’action privés susmentionnés pourraient s’appliquer à un large éventail d’accords commerciaux.

  • Pour la première fois, les parties privées (avec permission) pourront demander une forme de dédommagement en vertu des dispositions de la Loi portant sur les pratiques commerciales pouvant faire l’objet d’un examen au civil (refus de vendre, exclusivité, ventes liées, abus de position dominante pour le maintien des prix et article 90.1).
    • Les dommages-intérêts se définissent comme « une somme — ne pouvant excéder la valeur du bénéfice tiré du comportement visé par l’ordonnance — devant être répartie, de la manière [que le Tribunal] estime indiquée, entre le demandeur et toute autre personne touchée par le comportement ».
    • Le critère pour permettre à une partie privée d’intenter une action privée a été élargi de sorte que le Tribunal de la concurrence (le Tribunal) peut accorder à une partie privée la permission de présenter une telle demande s’il a des raisons de croire que l’auteur de la demande est directement et sensiblement gêné dans tout ou une partie de son entreprise en raison de l’existence de l’un ou l’autre des comportements qui pourrait faire l’objet d’une ordonnance en vertu de l’un de ces articles ou s’il est convaincu que cela servirait l’intérêt public.
  • Pour la première fois, les parties privées, y compris les consommateurs (avec permission fondée sur la norme de l’intérêt public) pourront demander des ordonnances au Tribunal en vertu des dispositions de la Loi qui concernent les pratiques commerciales trompeuses, pour lesquelles les pénalités comprennent des sanctions administratives pécuniaires (décrites ci-dessus), des ordonnances d’interdiction et des ordonnances de restitution.
    • Une disposition explicite sur l’écoblanchiment sera également ajoutée. Elle précisera qu’une indication sous la forme d’une déclaration ou d’une garantie visant les avantages d’un produit pour la protection de l’environnement ou l’atténuation des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques, qui ne se fonde pas sur une épreuve suffisante et appropriée, est trompeuse aux fins des dispositions sur les pratiques commerciales trompeuses.
  • Le fardeau de la preuve pour prouver qu’une fusion dépasse le seuil anticoncurrentiel sera modifié, et les fusions sans préavis pourront être contestées dans un délai plus long après la clôture.
    • L’interdiction actuelle imposée au Tribunal de déterminer qu’une fusion est susceptible d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence en se fondant uniquement sur des preuves de concentration ou de parts de marché sera éliminée. Au lieu de cela, les effets de la variation de la concentration ou des parts de marché entraînés ou vraisemblablement entraînés par la fusion ont été ajoutés comme facteur explicite dont le Tribunal doit tenir compte.
    • Le commissaire pourra contester, dans les trois ans suivant la clôture, les fusions qui n’auront pas fait l’objet d’un avis obligatoire ou pour lesquelles une demande de certificat de décision préalable (CDP) n’aura pas été déposée (il s’agit d’une augmentation par rapport au délai actuel d’un an suivant la clôture au cours de laquelle le commissaire peut contester une transaction). Cela pourrait créer un incitatif à présenter une demande de CDP avant la clôture d’une transaction qui n’est pas assujettie au régime de préavis obligatoire.
  • L’introduction d’un nouveau régime interdisant les « représailles », avec des SAP importantes pour les particuliers ou les sociétés qui se livrent à de telles pratiques.
    • Les représailles se définissent comme toutes mesures prises par une personne « pour pénaliser, punir, discipliner, harceler ou désavantager une autre personne » en raison des communications de celle-ci avec le commissaire ou de sa coopération (ou de son intention de coopérer) dans une enquête ou une procédure.
    • Sur demande présentée à un tribunal fédéral ou provincial par le commissaire ou une partie concernée, le tribunal peut rendre une ordonnance d’interdiction et imposer des SAP importantes (décrites ci-dessus) à quiconque se livre à des représailles.
  • La création d’un nouveau régime de certificats pour les accords et les arrangements conclus dans le « but de protéger l’environnement ».
    • Si le commissaire est convaincu que l’accord n’aura vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, il délivre un certificat qui sera ensuite enregistré auprès du Tribunal. L’accord sera ainsi à l’abri de l’application des dispositions de la Loi relatives au complot criminel et à la collaboration de concurrents.

Ces propositions s’ajoutent aux modifications à la Loi demandées par le projet de loi C-56 et seront touchées par celles-ci, ce qui inclut l’élimination de la défense des gains en efficience, l’ajout d’un pouvoir officiel de conduire des études de marché et, comme il a été déjà mentionné, un élargissement important de l’article 90.1. (Veuillez consulter le bulletin d’Osler précédent sur le projet de loi C-56 pour obtenir des observations supplémentaires). La possibilité d’apporter d’autres modifications au projet de loi C-56 a également été soulevée, notamment des changements au critère d’établissement d’un abus de position dominante.

Prochaines étapes

Le projet de loi d’exécution du budget suit le processus législatif. Le projet de loi C-56 est actuellement à l’étude au comité permanent des finances. Nous ferons une mise à jour plus complète sur les modifications une fois que le projet de loi C-56 et le projet de loi d’exécution du budget seront terminés et auront été adoptés par le Sénat.