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La législation sur les changements climatiques passe à la vitesse supérieure

Auteur(s) : Elliot A. Smith, Paula Olexiuk, Rebecca Hall-McGuire

6 décembre 2016

La réglementation sur les changements climatiques est désormais une préoccupation de premier plan en matière de politique et de réglementation pour les gouvernements alors que la pression s’intensifie pour que les dirigeants mondiaux respectent les engagements qu’ils ont pris à la Conférence sur les changements climatiques de l’ONU tenue à Paris en décembre 2015. Les gouvernements provinciaux du Canada ont adopté diverses politiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tandis que le gouvernement fédéral a commencé à prendre des mesures pour positionner le Canada comme un chef de file mondial dans le domaine des changements climatiques en signant l’Accord de Paris et en introduisant, pour le carbone, un prix plancher national à la fin de 2016. À l’échelle provinciale, l’Ontario a dévoilé son nouveau programme de plafonnement et d’échange. En 2016, le gouvernement de l’Alberta a modifié ses politiques de façon importante en vue de mettre en œuvre son plan dynamique de lutte contre les changements climatiques dans le but d’assainir la réputation de la province en ce qui concerne le carbone. Le Québec a lancé sa nouvelle Politique énergétique 2030, la Nouvelle-Écosse a annoncé qu’elle mettrait en place un système de plafonnement et d’échange d’ici 2018 et la Colombie-Britannique a poursuivi son initiative de taxe sur le carbone.

Étant donné qu’en matière de gestion du carbone au Canada, il existe plusieurs types d’approches, notamment les systèmes de plafonnement et d’échange, les taxes sur le carbone et les mesures de réglementation directes, les grands émetteurs de gaz à effet de serre auront du mal à trouver l’approche la plus efficace et la plus économique devant leur permettre de respecter la réglementation en la matière, qui est variée et en constante évolution. Pour certains, cette réglementation constitue également une importante occasion d’entreprendre, par exemple, des initiatives de construction d’installations de production d’énergie renouvelable et de cogénération et de prendre des mesures d’efficacité opérationnelle soutenues par le marché ou le gouvernement.

Prix national du carbone

L’un des principaux défis liés à la mise en œuvre d’une politique nationale sur les changements climatiques est le fait que les initiatives dirigées par les provinces mises en place actuellement constituent des solutions différentes à ce problème. Par exemple, la Colombie-Britannique a adopté une taxe sur le carbone pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et l’Alberta est sur le point de le faire, alors que l’Ontario, le Québec et bientôt la Nouvelle-Écosse utilisent ou utiliseront un modèle de plafonnement et d’échange.

À la fin de 2016, le gouvernement fédéral a signé l’Accord de Paris, s’engageant par le fait même à réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada de 30 % sous le niveau de 2005 d’ici 2030, et il a annoncé son programme national de prix du carbone, qui obligera toutes les provinces et tous les territoires canadiens à adopter le prix du carbone d’ici 2018. Les provinces et territoires demeureront libres de choisir de mettre en œuvre une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d’échange, pourvu qu’ils répondent aux cibles minimales du fédéral relatives au prix et à la réduction des émissions. Les provinces et territoires qui n’auront pas mis en œuvre une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d’échange d’ici 2018 ou qui ne respectent pas les cibles minimales relatives au prix et à la réduction des émissions se verront imposer par le gouvernement fédéral un système de prix obligatoire. Les lignes directrices proposées actuellement exigent que le prix du carbone commence au moins à 10 $ la tonne en 2018 et augmente de 10 $ par année pour atteindre 50 $ la tonne en 2022.

Aucun détail n’a été publié jusqu’à maintenant au sujet de la façon dont le prix national du carbone sera mis en œuvre et de la façon dont le programme tiendra compte de la nature fondamentalement différente du système de plafonnement et d’échange et du modèle de taxe sur le carbone. De plus, le programme pourrait devoir subir un examen judiciaire, puisque la Saskatchewan a annoncé qu’elle envisageait la possibilité de contester sa constitutionnalité parce que la législation fédérale serait en réalité une taxe qui ne peut être imposée aux sociétés d’État de la Saskatchewan (comme SaskPower et SaskEnergy) parce que les gouvernements ne peuvent se faire mutuellement payer de l’impôt.

On s’attend à ce que d’autres détails sur le programme national soient publiés au début de 2017.

Le régime de plafonnement et d’échange de l’Ontario

En février 2016, le gouvernement de l’Ontario a dévoilé la Loi sur l’atténuation du changement climatique et une économie sobre en carbone. La Loi établit les fondements d’un système de plafonnement et d’échange en Ontario.

Le programme de plafonnement et d’échange introduit une limite (soit un plafond) sur le nombre de tonnes de gaz à effet de serre polluants pouvant être émis dans la province. Cette limite est abaissée chaque année pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre prévues dans la Loi. Certaines entités, particulièrement celles de secteurs dits « exposés à des échanges commerciaux » ou de secteurs à forte intensité d’émissions, reçoivent des allocations de quotas d’émissions gratuites. Si les émissions de gaz à effet de serre d’un participant dépassent son quota d’émissions gratuites ou s’il n’a pas de quota d’émissions gratuites, il doit acheter des quotas pour couvrir toutes ses émissions. À cette fin, les entités peuvent acheter ou vendre des quotas (donc procéder à des échanges). Si une entité a réduit ses émissions en deçà de son quota d’émissions gratuites, elle peut échanger son quota excédentaire à une entité qui a besoin d’autres crédits. Les crédits d’émissions peuvent aussi être achetés au cours d’enchères gouvernementales trimestrielles et le gouvernement investira le produit de ces enchères dans des projets visant à réduire les gaz à effet de serre.

Les installations qui produisent au moins 25 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, les fournisseurs de carburant qui vendent plus de 200 litres de carburant par année et les importateurs ou producteurs d’électricité qui sont reliés directement à un réseau de transport de gaz devaient s’inscrire au programme avant le 30 novembre 2016. Les installations qui produisent au moins 10 000 tonnes et moins de 25 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre peuvent choisir de participer au programme.

Les entités qui n’ont pas à déclarer leurs émissions peuvent choisir de participer au système d’enchère des quotas. Ces participants du marché seront surtout des particuliers, des organismes sans but lucratif et des sociétés sans obligations de conformité.

Le gouvernement de l’Ontario s’attend à ce que 82 % des émissions de gaz à effet de serre actuelles en Ontario soient couvertes par le programme de plafonnement et d’échange. Il estime également que le processus d’enchère générera 1,9 milliard de dollars par année, somme qui sera réinvestie dans des initiatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre globales en Ontario et à faciliter la transition vers une économie sobre en carbone. Le régime de plafonnement et d’échange devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2017.

Plan de lutte contre les changements climatiques de l’Alberta

En 2016, le gouvernement de l’Alberta a modifié ses politiques de façon importante en vue de mettre en œuvre le plan de lutte contre les changements climatiques annoncé par la première ministre Rachel Notley en novembre 2015, comprenant : 1) l’élimination graduelle réglementée de la production d’électricité au charbon, remplacée par la production d’énergie renouvelable; 2) un prix à l’échelle de l’économie pour les émissions de carbone; 3) un plafond sur les émissions annuelles de carbone générées par la production de sables bitumineux; 4) une stratégie de réduction du méthane. Le gouvernement de l’Alberta a également appuyé les recommandations de l’Alberta Electric System Operator (AESO) relativement au Renewable Electricity Program (le REP), un processus d’approvisionnement concurrentiel visant à sélectionner certains projets d’énergie renouvelable admissibles aux primes d’intéressement limitées du gouvernement.

1. Remplacement du charbon par une production d’énergie renouvelable

L’élimination graduelle du charbon comme source d’énergie et l’augmentation de la production d’électricité à partir de sources renouvelables présentent à la fois des occasions et des défis importants pour le secteur de l’électricité.

Le 3 novembre 2016, le gouvernement de l’Alberta a adopté la loi intitulée Renewable Electricity Act, qui fixe l’objectif de produire 30 % de l’électricité totale générée chaque année en Alberta à l’aide de sources d’énergie renouvelable d’ici 2030, et il a annoncé le premier appel d’offres aux termes du REP. Le gouvernement de l’Alberta a l’intention d’ajouter une capacité de 5 000 mégawatts en électricité renouvelable d’ici 2030 par l’intermédiaire du REP, un processus d’approvisionnement concurrentiel qui sera administré par l’AESO, aux termes duquel la capacité initiale de 400 mégawatts d’électricité renouvelable sera obtenue à l’aide d’une demande de propositions concurrentielle en 2017 et les contrats pour les tranches ultérieures de capacité seront conclus simultanément au retrait des centrales électriques au charbon.

Le 10 novembre 2016, l’AESO a publié un résumé des principales dispositions du contrat de soutien pour les énergies renouvelables (CSÉR) que l’AESO conclura avec chaque soumissionnaire retenu. Les CSÉR prendront la forme d’un « contrat de couverture des fluctuations » d’une durée de 20 ans à partir de l’exploitation commerciale de l’installation visée. Aux termes d’un tel contrat, si le prix d’offre dépasse le prix du réseau commun d’énergie de l’Alberta, l’AESO verse la différence au soumissionnaire retenu et, si le prix d’offre est inférieur au prix du réseau commun de l’Alberta, le soumissionnaire verse la différence à l’AESO.

Le 24 novembre 2016, le gouvernement de l’Alberta a annoncé la conclusion d’un contrat avec Capital Power Corp., TransAlta Corp. et ATCO Ltd. prévoyant le versement à ces sociétés de 1,36 milliard de dollars au total sous forme de versements annuels de 97 millions de dollars par année de 2017 à 2030. Ces paiements constituent une compensation pour la fermeture hâtive de 6 des 18 centrales au charbon dont la fermeture était anticipée après 2030. Les 12 autres centrales au charbon de l’Alberta devraient être fermées ou converties au gaz naturel avant 2030.

2. Taxe sur le carbone

Le 24 mai 2016, le projet de loi 20 intitulé Climate Leadership Implementation Acta été présenté. Il proposait deux nouvelles lois, soit la Climate Leadership Act, qui met en place la taxe sur le carbone pour les habitants et les entreprises de l’Alberta, et la Energy Efficiency Alberta Act, qui crée une société d’État qui a pour mandat de concevoir et de livrer des systèmes d’énergie renouvelable et d’économie d’énergie.

La Climate Leadership Act impose une taxe sur le carbone aux consommateurs de tous les combustibles qui émettent du carbone dans la chaîne d’approvisionnement du carburant. Cette taxe est de 20 $ la tonne à compter de janvier 2017 et elle passera à 30 $ la tonne en janvier 2018. Le prix du carbone devrait avoir une incidence sur les émissions dans la province dans une proportion de 78 % à 90 %, soit la plus forte proportion au Canada. En vertu de la loi, le produit de la taxe sur le carbone ne peut être utilisé que pour ce qui suit : a) financer des initiatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre; b) soutenir la capacité de l’Alberta de s’adapter aux changements climatiques; c) offrir des rabais ou des ajustements sur la taxe sur le carbone aux consommateurs, aux entreprises et aux collectivités.

3. Plafonnement des émissions générées par l’exploitation des sables bitumineux

Le 1er novembre 2016, le gouvernement de l’Alberta a présenté la loi intitulée Oil Sands Emissions Limits Act, qui impose une limite aux émissions de gaz à effet de serre générées par l’exploitation des sables bitumineux à un maximum de 100 mégatonnes par année, avec des dispositions pour les mises à niveau et la cogénération. Cette limite s’applique aux sites in situ, aux sites d’extraction, aux usines de traitement, à la production primaire, à la récupération assistée et aux sites expérimentaux ainsi qu’aux immeubles, à l’équipement, aux structures et aux véhicules liés à ces sites. La Loi entrera en vigueur lorsqu’elle sera adoptée et proclamée en vigueur, mais elle n’imposera pas d’obligation aux producteurs de sables bitumineux tant qu’un système de réglementation n’aura pas été conçu et mis en œuvre.

4. Programme de réduction du méthane

La stratégie de réduction du méthane vise à réduire les émissions de méthane des activités liées au pétrole et au gaz naturel de 45 % d’ici 2025 de la façon suivante : 1) l’application de nouvelles normes de conception relatives aux émissions pour les nouvelles installations en Alberta; 2) l’amélioration de la mesure et de la déclaration des émissions de méthane ainsi que des exigences en matière de détection et de réparation des fuites; 3) l’élaboration d’une initiative conjointe de réduction du méthane et de vérification pour les installations existantes, le tout étant appuyé par des normes réglementées qui entrent en vigueur en 2020 afin d’assurer l’atteinte de l’objectif en 2025. Le gouvernement de l’Alberta s’est engagé à verser plus de 70 millions de dollars pour atteindre l’objectif de réduction du méthane et pour financer le développement de la technologie de réduction des émissions de méthane. Les projets de réduction du méthane proposés seront choisis dans le cadre d’un processus concurrentiel et ils seront admissibles à un financement pouvant atteindre 5 millions de dollars.

La Politique énergétique 2030 du Québec

En avril 2016, le gouvernement du Québec a annoncé sa Politique énergétique 2030, qui fixe des objectifs très ambitieux : l’élimination de l’utilisation du charbon thermique, la réduction de 40 % de la quantité de produits pétroliers consommés et la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % par rapport au niveau de 1990.

La Politique énergétique 2030 compte quatre objectifs principaux :
1) la décarbonisation du Québec; 2) la réduction de la consommation d’énergie et l’amélioration de l’efficacité de la production; 3) le maintien de l’utilisation responsable des ressources naturelles du Québec; 4) l’innovation et le développement de l’économie verte du Québec.

Des débats sont toujours en cours à propos des détails sur la façon dont ces objectifs et les cibles seront atteints. Cependant, il est évident que le programme de plafonnement et d’échange existant du Québec jouera un rôle de premier plan. Contrairement aux initiatives politiques antérieures, l’incidence de la Politique énergétique 2030 ne se fera pas uniquement sentir dans le secteur de l’énergie du Québec.

Le projet de régime de plafonnement et d’échange de la Nouvelle-Écosse

Le 21 novembre 2016, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral ont annoncé conjointement que la Nouvelle-Écosse mettrait en place un régime de plafonnement et d’échange, qui entrera en vigueur en 2018. La Nouvelle-Écosse fixera pour la province une cible égale ou supérieure à la cible de réduction des émissions du Canada de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral ont également conclu un accord de principe permettant à la province de conserver ses centrales électriques alimentées au charbon après la date limite de 2030 imposée par le fédéral. Dans le cadre de l’accord, la Nouvelle-Écosse devra atteindre des objectifs de réduction des émissions plus élevés ailleurs pour obtenir une réduction équivalente à la fermeture de toutes les centrales au charbon d’ici 2030. Aucune date limite n’a été fixée pour l’instant pour la fermeture des centrales au charbon restantes de la Nouvelle-Écosse.

Conclusion

Les divers règlements sur les changements climatiques adoptés partout au Canada présentent à la fois des occasions et des défis importants. Le niveau sans précédent d’investissement du gouvernement dans les solutions de réduction des émissions de carbone, y compris l’énergie renouvelable, la diminution de la dépendance au charbon et l’augmentation de l’efficacité énergétique, offrira de nouvelles occasions de développement et d’investissement. Par ailleurs, les nouvelles taxes associées à la réglementation du carbone obligeront les entreprises qui émettent beaucoup de carbone ou consomment beaucoup d’énergie à trouver des stratégies leur permettant de réduire au minimum les coûts liés à la conformité et de rester concurrentielles. Étant donné que la réglementation du carbone au pays continue d’évoluer, les entreprises devront se tenir au courant des changements pour profiter des occasions qui s’offrent à elles et réduire les coûts potentiels.