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La Cour supérieure de justice de l’Ontario maintient l’obligation de consulter

Auteur(s) : Thomas Isaac, Heather Weberg

5 septembre 2014

Wabauskang First Nation c. Minister of Northern Development and Mines et al., 2014 ONSC 4424 (la décision) portait sur une décision prise par le directeur de la réhabilitation minière (le directeur) d'accuser réception du plan de fermeture de la production présenté par Rubicon Minerals Corporation (Rubicon). La Première Nation de Wabauskang (PNW) avait déposé une demande de contrôle judiciaire réclamant la suspension de la décision du directeur, au motif que l’Ontario avait manqué à son obligation de consulter en déléguant de façon inappropriée cette obligation à Rubicon. La Cour supérieure de justice de l’Ontario (la Cour) a rejeté la demande de la PNW.

Dans la décision, la Cour a fait une observation importante qui confirme les orientations antérieures découlant de nombreuses affaires à l’échelle canadienne, estimant que, s’il y avait eu délégation inappropriée ou manquement à l’obligation de consulter, le recours aurait été contre l’Ontario, et non contre Rubicon.

Résumé des faits

Les ancêtres de la PNW ont conclu le Traité no 3 avec le Canada en 1873. Aujourd’hui, quelque 350 membres de la PNW résident dans une réserve située dans le nord-ouest de l’Ontario. Le projet aurifère Phoenix proposé par Rubicon (le projet) concerne des terres privées situées dans le territoire traditionnel de la PNW et de la Première Nation du Lac Seul, ainsi que dans la Région 1 de Métis Nation of Ontario. Rubicon a entamé des consultations avec la PNW sur le projet en 2008, et ces consultations ont continué en 2009 et 2010, tandis que Rubicon poursuivait ses activités d’exploration.

Le 17 février 2011, pour faire avancer la mise en valeur du projet, Rubicon a déposé son plan de fermeture de la production initial auprès du ministère du Développement du Nord et des Mines (le Ministère). Rubicon a énoncé son engagement à maintenir une consultation permanente avec la PNW et le plan de fermeture de la production indiquait que Rubicon agissait suivant les directives du directeur. Estimant que le plan de fermeture de la production ne tenait pas compte de ses intérêts, droits et titres, la PNW s’y est formellement opposée. Devant les réserves exprimées par le directeur concernant le caractère adéquat de la consultation, Rubicon a retiré son plan de fermeture de la production. Le 17 octobre 2011, Rubicon a redéposé un plan de fermeture de la production révisé qui abordait chacune des préoccupations soulevées par la PNW. Le directeur a accusé réception du plan de fermeture de la production révisé le 2 décembre 2011. Plus d’un an plus tard, le 20 décembre 2012, la PNW déposait une demande de suspension de la décision du directeur.

Décision

La Cour s’est appuyée sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) pour proposer que l’Ontario seul avait une obligation de consulter et, s’il y avait lieu, d’accommoder la PNW, et que l’Ontario pouvait déléguer à Rubicon uniquement certains aspects procéduraux de la consultation. À l’appui de cette proposition, la Cour a cité Nation haïda, au par. 53 :  

          

La Couronne demeure seule légalement responsable des conséquences de ses actes et de ses rapports avec des tiers qui ont une incidence sur des intérêts autochtones. Elle peut déléguer certains aspects procéduraux de la consultation à des acteurs industriels qui proposent des activités d’exploitation; cela n’est pas rare en matière d’évaluations environnementales. [...] Cependant, la responsabilité juridique en ce qui a trait à la consultation et à l’accommodement incombe en dernier ressort à la Couronne. Le respect du principe de l’honneur de la Couronne ne peut être délégué.

 

Pendant la période visée, l’Ontario a proposé à plusieurs reprises de consulter directement la PNW, mais cette dernière a insisté pour négocier seule avec Rubicon. Malgré le manque de coopération de la PNW, les éléments de preuve ont indiqué que le personnel du Ministère était resté régulièrement en contact avec les représentants de la PNW et de Rubicon, et qu’il tenait le directeur automatiquement informé. De plus, les décideurs étaient constamment à la table des négociations. La Cour a fait remarquer qu’il y avait déjà eu beaucoup de mise en valeur et d’exploitation minière à cet endroit dans le passé, et qu’il fallait considérer l’obligation de consulter dans ce contexte.

La Cour a estimé que le processus suivi par l’Ontario pour évaluer la revendication réelle ou potentielle de la PNW, ainsi que l’évaluation faite par l’Ontario concernant le projet, étaient raisonnables. Même si la PNW s’est appuyée sur ses droits ancestraux prima facie aux termes du Traité no 3 pour justifier sa demande, la PNW n’a pas fait d’observations sur la façon dont l’Ontario avait manqué à son obligation de consulter relativement à ces droits issus d’un traité.

L’Ontario avait effectivement délégué des pouvoirs à Rubicon, mais uniquement sur des questions procédurales liées aux droits issus d’un traité invoqués et reconnus, notamment en encourageant Rubicon à participer à l’élaboration du plan de travail et du budget, en favorisant des communications fructueuses et en veillant à ce que la PNW reçoive un soutien financier suffisant pour demander conseil à des consultants professionnels. L’Ontario a reconnu que la responsabilité finale lui incombait de s’assurer qu’une consultation appropriée était menée et a assumé cette responsabilité de différentes façons. Les éléments de preuve ont indiqué que le processus suivi par l’Ontario pour évaluer les revendications potentielles des Autochtones était raisonnable et que l’Ontario n’avait pas délégué de façon inappropriée ses obligations de consultation et d’accommodement à Rubicon. La Cour a ensuite fait une observation importante, à savoir que, s’il y avait eu délégation inappropriée ou manquement à l’obligation de consulter et d’accommoder, le recours aurait alors été contre l’Ontario, et non contre Rubicon.

 

Authored by: Thomas Isaac, Heather Weberg