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Décision relative aux pensions de la Cour d'appel de l’Ontario dans l’affaire Indalex

11 août 2015

À la suite de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Sun Indalex Finance, LLC c. Syndicat des métallos, [2013] 1 R.C.S. 271 (Indalex), les créanciers et leurs conseillers ont suivi de près la jurisprudence concernant la portée de cette décision.

Le vendredi 7 août 2015, la Cour d'appel de l’Ontario a rendu la décision très attendue dans l’affaire Grant Forest Products Inc. c. La Banque Toronto-Dominion. Tel que plus amplement décrit ci-dessous, cette décision restreint nettement certaines des interprétations plus larges de l’affaire Indaly. Les titulaires de privilèges antérieurs au début de l’instance qui pourraient craindre contrairement aux financeurs de débiteurs-exploitants, de ne pas être susceptibles de bénéficier de l’application de la prépondérance fédérale dans le cadre d’une instance en vertu de la LACC de manière à avoir priorité de rang par rapport à une fiducie réputée (ou à une fiducie réputée en cas de liquidation) par suite de la liquidation d’un régime de pension à prestations déterminées (RPPD) pourront être rassurés par les positions clairement énoncées par la Cour d'appel selon lesquelles :

  • la liquidation d’un RPPD décrétée après que l'ordonnance initiale en vertu de la LACC ait été prononcée n’aura pas pour effet de donner priorité à une fiducie réputée en cas de liquidation sur les privilèges antérieurs au début de l’instance (autrement dit, seuls les cas où il y a ordonnance de liquider un RPPD avant cette date pourraient être source de préoccupations); et
  • la prérogative du tribunal de lever la suspension des procédures en vertu de la LACC afin de permettre un dépôt en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (Canada) (la « LFI ») demeure et il n’est pas inapproprié ni de mauvaise foi pour un créancier de demander une telle suspension, même si le but visé est d’inverser les priorités par l’application de la doctrine de la prépondérance fédérale.

Résumé

À la suite d’une requête de mise en faillite en vertu de la LFI, Grand Forest Products inc. et certaines des sociétés affiliées ont obtenu la protection prévue par la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la LCAA) et la suspension de la procédure sous la LFI. Après des efforts infructueux pour permettre à l’entreprise de continuer son exploitation, les sociétés ont entamé un processus de liquidation. Or, il n’y avait pas d’arrangement de financement de débiteur exploitant. Après avoir vendu les actifs et payé les prêteurs détenant des privilèges de premier rang, les fonds restants étaient insuffisants pour satisfaire aux réclamations des prêteurs détenant des privilèges de deuxième rang et celles relatives à deux RPPD. Le surintendant des institutions financières de l’Ontario (le Surintendant) a ordonné que ceux‑ci soient liquidés avant que la liquidation des actifs soit menée à terme et après que l’ordonnance en vertu de la LACC ait été prononcée.

Le juge saisi de la demande de protection en vertu de la LACC, à la demande du détenteur du privilège de second rang (qui a cherché à se substituer à la partie ayant à l’origine déposé la requête de la LFI ou à obtenir une suspension des procédures afin de lui permettre de déposer une requête initiale de mise en faillite des sociétés) a ordonné que les sociétés débitrices soient mises en faillite au terme du processus de liquidation et a déterminé que, selon l’ordre de priorité de rang mis en place par la LFI, les titulaires d’un privilège de second rang avaient priorité, dans le cadre de la liquidation des RPPD, sur les fiducies réputées en cas de liquidation.

Le Surintendant a interjeté appel, en se fondant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Indalex. Le Surintendant s’est appuyé sur les articles 57(3) et 57(4) de la Loi sur les régimes de retraite (Ontario) et sur l’article 30(7) de la Loi sur les sûretés mobilières (Ontario) pour affirmer que la fiducie réputée en cas de liquidation avait un rang prioritaire. Les conseillers juridiques des représentants des employés actifs et retraités de US Steel Canada inc. sont intervenus dans la procédure d’appel pour avancer l’argument que la décision relative à l’affaire Indalex donnait un rang prioritaire à la fiducie réputée en cas de liquidation par rapport à tous les autres créanciers garantis, puisque les prestations de pension sont une forme de rémunération différée au titre des services rendus par les employés et que le juge saisi de la demande de protection en vertu de la LACC s’est à tort plié à la volonté du prêteur, qui leur a fait craindre que leur crédit serait restreint si les créanciers n’avaient pas un rang prioritaire.

La Cour d’appel a pris la décision unanime de rejeter l’appel.

Motifs

Le juge saisi de la demande de protection en vertu de la LACC a souligné dans sa décision que (loin de pousser les créanciers qui se sentent menacés par les fiducies réputées en cas de liquidation à précipiter la faillite) la procédure de la LACC offre les plus grands avantages à toutes les parties prenantes, puisque le fait de céder certains actifs dans une perspective de poursuite de l’exploitation permettait de préserver de nombreux emplois et préservait les intérêts d’un grand nombre de gens; tandis qu’avec une faillite immédiate, les créanciers risquaient de ne pas récupérer autant et certaines pertes d’emploi auraient été à prévoir. Le juge en est arrivé à la conclusion qu’une fiducie réputée en cas de liquidation ne saurait avoir préséance que lorsqu’une liquidation ordonnée est exigée avant que l’entreprise ne devienne insolvable, mais non lorsqu’une liquidation est ordonnée après l’ordonnance initiale dans le cadre de la procédure en vertu de la LACC. Il s’est également servi de l’affaire Indalex pour étayer la proposition que les dispositions en matière de régimes de retraite au plan provincial/légal prévalent avant que l’entreprise ne devienne insolvable, bien qu’à partir du moment où les lois fédérales sont invoquées, le régime d’insolvabilité est celui qui s’applique.

Le juge a également fait remarquer que la décision de mettre fin à la procédure en vertu de la LACC et d’accepter une requête de mise en faillite est de nature discrétionnaire. Pour trancher la question, il s’agit de déterminer s’il est juste et raisonnable, en tenant compte des intérêts de tous les créanciers, de procéder en privilégiant les intérêts des créanciers se réclamant d’un ordre prioritaire en vertu de la LFI. Aucune preuve de mauvaise foi de la part des créanciers de deuxième rang dans le cadre de leur demande de suspension d’ordonnance n’a été établie.

Le juge a en particulier noté que la Cour suprême, dans le cadre de l’affaire Indalex, avait restreint les obligations de la fiducie réputée en cas de liquidation à celles contractées avant la faillite et a rejeté l’argument selon lequel les demandes de mise en faillite étaient en contradiction par rapport à la décision dans l’affaire Indalex.

La Cour d’appel a confirmé que la décision de suspendre l’ordonnance autorisant une mise en faillite est de nature discrétionnaire et a réfuté qu’il y ait eu erreur de principe ou que la manière dont le juge saisi de la demande de protection en vertu de la LACC a usé de son jugement était déraisonnable, dans la mesure où la liquidation avait été menée à terme et que le produit des ventes avait en majeure partie été distribué. Il en a résulté qu’aucune réorganisation ou restructuration n’a été nécessaire. La Cour d’appel a de nouveau confirmé qu’un créancier a le droit de présenter une requête de mise en faillite dans le but d’inverser les priorités et qu’à partir du moment où une ordonnance de faillite a été prononcée, l’ordre de priorité défini par la LFI l’emporte sur celui du régime provincial.

La Cour d’appel n’a pas diminué la portée de la conclusion générale dans l’affaire Indalex selon laquelle un déficit de liquidation d’un RDPD en Ontario donne naissance à une fiducie réputée de rang prioritaire à, à l’extérieur du mécanisme de faillite, des privilèges grevés de sûretés sur certaines garanties. Il n’en demeure pas moins que la Cour d’appel a fait une distinction quant aux faits et aux questions soulevées dans le cas de l’affaire Indalex, puisqu’il n’y avait pas eu dans ce cas de liquidation d’un RDPD avant que la procédure en vertu de la LACC ait été entamée et que la LFI n’a joué aucun rôle dans l’affaire Indalex, sachant que dans le cas de cette affaire, une requête de mise en faillite avait été déposée avant le début de la procédure en vertu de la LACC.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Kevin Morley.