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Nous voulions des modifications aux régimes de retraite, mais l’âge d’admissibilité à la SV n’en faisait pas partie

Auteur(s) : Jill Wagman

19 mars 2016

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré cette semaine que le prochain budget fédéral infirmerait la décision du gouvernement précédent de relever progressivement l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse de 65 à 67 ans d’ici 2029. À notre avis, l’âge d’admissibilité à la SV devrait augmenter au-delà de 65 ans.

Le Programme de la sécurité de la vieillesse du Canada existe depuis 1952 et fait partie intégrante de notre système de retraite. Les trois piliers de ce système sont la SV et le Supplément de revenu garanti, des programmes soutenus par le gouvernement sans égard aux antécédents professionnels et conçus pour aider tous les Canadiens à maintenir un niveau de vie de base à la retraite, le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ), des régimes obligatoires financés par le gouvernement, et l’épargne des particuliers, y compris les régimes d’employeur comme les régimes de pension agréés et les REER collectifs. Contrairement au RPC, qui est financé par les cotisations des employés et des employeurs, la SV est un régime de retraite par répartition, essentiellement financé par les contribuables, car payé à même les recettes générales du gouvernement. C’est une pension liée aux ressources, qui est récupérée lorsque le revenu d’un retraité augmente.

Ramener à 65 ans l’âge d’admissibilité à la SV constitue un pas en arrière. Au moment de la création des systèmes de retraite modernes, l’espérance de vie n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. À l’époque où la Loi sur la sécurité de la vieillesse a été adoptée, l’âge d’admissibilité était de 70 ans, et l’on prévoyait que les Canadiens de cet âge vivraient en moyenne encore onze ans. En 1967, l’âge d’admissibilité a été abaissé à 65 ans, et l’horizon de paiement prévu était de 15 ans. Aujourd’hui, l’espérance de vie moyenne d’un Canadien de 65 ans dépasse 20 ans, soit un tiers de plus que la période de paiement prévue en 1967. Si l’âge d’admissibilité ne change pas, la période de paiement continuera d’augmenter à mesure que l’espérance de vie s’allongera. Certes, l’accroissement de l’espérance de vie est un signe de progrès, mais cela coûte cher sur le plan des régimes de retraite.

Non seulement les gens vivent plus longtemps, mais il y a aussi moins de contribuables qui travaillent pour financer ces prestations. En 2015, près d’un Canadien sur six était âgé de plus de 65 ans. Selon les projections les plus récentes de Statistique Canada, plus d’un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans d’ici 2036.

L’argument invoqué par M. Trudeau selon lequel l’augmentation de l’âge d’admissibilité à la SV est une solution simpliste est déphasé par rapport à ce que l’on voit dans d’autres pays. Certains ont instauré une hausse progressive de l’âge général de la retraite. D’après le plus récent rapport Pensions Outlook Report de l’OCDE, retarder le passage à la retraite à mesure que l’espérance de vie augmente constitue la meilleure approche pour relever les défis auxquels font face les régimes publics de retraite par répartition. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas ont tous mis en place des plans pour faire passer l’âge général de la retraite de 65 à 67 ans d’ici 2028. Le Canada devrait emboîter le pas. En plus d’influer sur l’accessibilité de la SV, l’âge d’admissibilité établit sans doute aussi un « point d’ancrage » de l’âge de la retraite. À mesure que l’espérance de vie s’accroît et que la population vieillit, peut-être est-il approprié et souhaitable que les gens continuent de travailler après 65 ans.

Nous attendons avec impatience le dépôt du budget fédéral la semaine prochaine. Nous aimerions beaucoup que des modifications soient apportées aux régimes de retraite, par exemple des changements fiscaux visant à garantir des règles du jeu équitables pour les régimes à prestations déterminées et les régimes à cotisations déterminées, des changements fiscaux pour ouvrir la voie à des modèles de régimes novateurs comme les régimes à prestation cible, ou des changements visant à faciliter la mise en place de régimes à prestation cible par les employeurs sous réglementation fédérale. Toutefois, ce changement à l’âge d’admissibilité à la SV ne fait pas partie des modifications souhaitées.


Jana Steele est associée au sein du groupe des régimes de retraite d’Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l. Jill Wagman est actuaire et associé gestionnaire chez Eckler Ltd.

Cet article a paru à l’origine dans The Globe and Mail le 19 mars 2016.