Passer au contenu

Un rapport du gouvernement indique une révision potentielle du contexte du travail et de l’emploi de l’Ontario

Auteur(s) : Sven Poysa, Allison Di Cesare, Josh Fineblit

8 septembre 2016

Les employeurs de l’Ontario pourraient bientôt devoir composer avec des modifications importantes aux lois relatives au travail. C’est la principale conclusion qui peut être tirée de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail — Rapport intérimaire des conseillers spéciaux publié dernièrement (le rapport intérimaire). Bien que le sujet au cœur des préoccupations de l’examen soit celui des « travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires », bon nombre de modifications potentielles auraient une incidence sur tous les employeurs et les employés assujettis à la réglementation provinciale de l’Ontario. L’examen porte exclusivement sur la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la LNE) et la Loi de 1995 sur les relations de travail (la LRT), et n’aborde pas d’autres lois visant la santé et la sécurité ou la discrimination.

Le rapport intérimaire recense quelque 50 questions soulevées et comprend plus de 225 propositions de modification. Les propositions sont souvent contradictoires, reflétant la grande diversité des opinions qui ont été présentées aux conseillers spéciaux chargés de l’examen. Pour la quasi-totalité des questions, le maintien du statu quo est présenté comme une option. D’un œil critique, dans l’ensemble, les propositions présentées à ce jour semblent provenir des syndicats et d’autres groupes de défense des employés.

Dans le présent bulletin d’Actualités, nous soulignons et abordons plus en détail sept groupes de propositions tirées du rapport intérimaire qui auraient de vastes répercussions pour les employeurs de l’Ontario :

  1. Revoir les catégories de personnes qui ne sont pas assujetties à la LNE et en vertu de quelles règles
  2. Modifier en profondeur les exigences de la LNE en ce qui concerne le licenciement
  3. Élargir la compétence du comité mixte sur la santé et la sécurité afin qu'il puisse traiter les questions relatives aux normes d'emploi
  4. Modifier les règles d'accréditation syndicale pour encourager la syndicalisation
  5. Réviser complètement la relation entre les franchiseurs, les franchisés et les employés des franchisés
  6. Éliminer la capacité d'un employeur à négocier directement avec un syndicat, en imposant la négociation sectorielle
  7. Plusieurs options pourraient être profitables aux employeurs

La date limite pour présenter ses propositions à l'égard de ces propositions est le 14 octobre 2016. On peut consulter le texte intégral du rapport, qui comporte plus de 225 propositions, ici.

1. Revoir les catégories de personnes qui ne sont pas assujetties à la LNE et en vertu de quelles règles

La LNE est une loi complexe qui comprend plus de 85 exemptions, exemptions partielles et règles spéciales qui limitent son application dans certains cas. Ces exemptions ne sont pas toutes revues dans le cadre du processus d’examen, bien que bon nombre de celles-ci le soient. Par conséquent, si votre entreprise bénéficie d’une exemption particulière en vertu de la LNE, vous devriez songer à faire ou à appuyer une proposition favorable au maintien de cette exemption.

Les exemptions de la LNE qui pourraient être éliminées ou modifiées comprennent les suivantes :

  • entrepreneurs indépendants. Actuellement, les entrepreneurs indépendants ne sont pas considérés comme des employés en vertu de la LNE. Par conséquent, ils n’ont pas droit à une indemnité de vacances, à une rémunération des heures supplémentaires ni à une indemnité de cessation d’emploi. Le rapport intérimaire comporte plusieurs propositions qui visent à étendre la portée de la LNE aux entrepreneurs. Une telle proposition se traduirait par l’adoption d’une disposition visant les « entrepreneurs dépendants » qui ferait en sorte que les normes de la LNE s’appliqueraient aux entrepreneurs en situation de dépendance économique à l’égard de la société à laquelle ils fournissent des services;
  • professionnels en technologie de l'information. Il s’agit d’une importante exemption pour bon nombre d’employeurs de l’Ontario, car elle soustrait les « professionnels en technologie de l’information » à toutes les règles relatives aux heures de travail et à la rémunération des heures supplémentaires. Un « professionnel en technologie de l’information » est défini dans le Règlement 285/01 pris en application de la LNE de manière à inclure les employés qui, par l’application objective de connaissances spécialisées et d’un jugement professionnel, étudient, analysent, conçoivent, élaborent, mettent en œuvre, exploitent ou gèrent des systèmes d’information axés sur les technologies informatiques et les technologies connexes. Le rapport intérimaire comporte plusieurs options qui limiteraient la portée de cette exemption ou l’élimineraient complètement;
  • pharmaciens. À l’instar de nombreux autres professionnels, les pharmaciens font actuellement l’objet d’une exemption des exigences de la LNE relativement aux heures de travail, à la rémunération des heures supplémentaires, aux jours fériés, aux vacances et au salaire minimum. Le rapport intérimaire contient des propositions qui visent à réduire la portée de l’exemption relative aux pharmaciens, mais indique que des exemptions similaires concernant les dentistes, les ingénieurs, les avocats, les médecins et chirurgiens ainsi que les experts-comptables ne sont pas actuellement prises en considération dans le cadre du processus d’examen; 
  • gestionnaires et superviseurs. Actuellement, les employés dont le travail est principalement caractérisé par des tâches de gestion ou de supervision peuvent être admissibles à des exemptions des règles qui régissent les heures de travail et la rémunération des heures supplémentaires. Les conseillers spéciaux ne semblent pas songer à éliminer complètement cette exemption, mais plusieurs propositions circonscriraient la définition des gestionnaires et des superviseurs afin d’en restreindre l’application;
  • concierges, employés d'immeuble et préposés à l'entretien d'un immeuble. Cette exemption s’applique aux employés qui habitent dans l’immeuble ou le complexe immobilier où ils travaillent. Elle permet aux employeurs d’éviter de satisfaire à certaines exigences relativement aux heures de travail, à la rémunération des heures supplémentaires, aux jours fériés et au salaire minimum. Le rapport intérimaire présente la suppression de cette exemption comme une option;
  • exemption relative aux étudiants en ce qui concerne la « règle des trois heures ». En vertu de l’article 5(7) du Règlement 285/01, lorsqu’un employé qui travaille régulièrement plus de trois heures par jour est tenu de se présenter au travail, mais travaille moins de trois heures, il doit toucher au moins le salaire minimum de trois heures. La règle ne s’applique actuellement pas aux étudiants, mais l’élimination de cette exemption est une option présentée dans le rapport intérimaire.

Les conseillers spéciaux ont indiqué qu’ils ne croient pas que les « règles spéciales selon le secteur » (SIR) créées après 2005 — y compris les exemptions relatives à l’exploitation minière et à l’exploration minière, à la construction automobile et aux services ambulanciers — devraient être revues à cette étape, car elles ont été approuvées conformément à un cadre stratégique au titre duquel une consultation appropriée auprès des intervenants touchés a été menée.

Les conseillers spéciaux indiquent également que beaucoup d’autres exemptions de la LNE ne devraient être modifiées que dans le cadre d’un examen distinct, ultérieurement. Ces exemptions comprennent celles relatives aux employés d’hôpitaux, les experts-comptables et les employés de l’industrie de l’accueil. Les conseillers spéciaux recherchent des propositions sur la manière d’exécuter un processus d’examen efficace de ces exemptions ainsi que de toute nouvelle exemption qui pourrait être proposée à l’avenir.

2. Modifier en profondeur les exigences de la LNE en ce qui concerne le licenciement

De nombreuses propositions contenues dans le rapport intérimaire traitent des droits des employés au moment du licenciement. Par exemple, le rapport intérimaire propose de modifier la LNE de manière à :

  • offrir aux employés la protection de « motif valable ». Ainsi, les employés pourraient contester leur licenciement et être réintégrés ou dédommagés si un arbitre indépendant détermine que leur licenciement n’était pas fondé sur un motif valable. Cela représente un changement radical de l’état actuel de la common law, qui autorise le licenciement sans motif valable, moyennant un préavis ou un dédommagement approprié;
  • exiger que les employeurs fournissent un préavis de licenciement, ou une indemnité tenant lieu de préavis, même dans les cas où l’employé compte moins de trois mois de service;
  • hausser le plafond de 26 semaines relatif à l’indemnité de cessation d’emploi et le plafond de huit semaines relatif au préavis de licenciement (ou indemnité tenant lieu de préavis) prescrits par la LNE;
  • augmenter le nombre d’employés ayant droit à l’indemnité de cessation d’emploi. À l’heure actuelle, un employé n’a droit à une indemnité de cessation d’emploi que s’il a travaillé pour l’employeur pendant cinq ans ou plus et si son employeur a) a un volume de paie de 2,5 millions de dollars; ou b) a mis fin à l’emploi de 50 personnes ou plus parce que l’entreprise ou certaines de ses parties ont fermé.

3. Élargir la compétence du comité mixte sur la santé et la sécurité afin qu'il puisse traiter les questions relatives aux normes d'emploi

L’une des rares conclusions tirées par les conseillers spéciaux est qu’« il existe un grave problème avec l’application des dispositions de la LNE. » En effet, ils consacrent plus de 40 pages du rapport intérimaire aux problèmes liés à l’application et à l’administration de la LNE. Bien que certaines propositions traitent principalement des processus gouvernementaux (comme l’adoption par le ministère du Travail de systèmes qui priorisent les plaintes et assurent la tenue d’enquêtes en conséquence), d’autres sont susceptibles d’ébranler sérieusement les pratiques existantes en matière de ressources humaines et d’imposer de nouvelles charges considérables aux employeurs.

L’une de ces propositions est la création d’un « comité de la LNE », qui serait un élargissement du comité mixte sur la santé et la sécurité imposé par la Loi sur la santé et la sécurité au travail à tous les milieux de travail où évoluent régulièrement 20 travailleurs ou plus. Aux termes de la proposition, si elle était adoptée, les employeurs pourraient devoir procéder à une autovérification de la conformité à la LNE et rencontrer le comité de la LNE pour en examiner les résultats. Elle obligerait aussi, vraisemblablement, les employeurs à former les membres du comité de la LNE (ou, dans les petits milieux de travail, les représentants de la LNE) sur les complexités de la LNE. Aux termes du « modèle amélioré » proposé, les comités ou les représentants de la LNE auraient l’obligation permanente de surveiller et de promouvoir la conformité à la LNE, et seraient autorisés à examiner les plaintes et auraient accès aux renseignements d’emploi nécessaires de l’employeur.

4. Modifier les règles d'accréditation syndicale pour encourager la syndicalisation

Le rapport intérimaire comporte plusieurs propositions de modification de la LRT, qui faciliteraient la tâche aux syndicats en ce qui concerne l’accréditation de nouvelles unités de négociation, notamment :

  • revenir au processus d'accréditation fondée sur les cartes d'adhésion, qui est associé à des taux supérieurs de syndicalisation. Selon ce système, qui était en vigueur de 1950 à 1995, les syndicats obtenaient l’accréditation si une certaine proportion d’employés de l’unité de négociation proposée avait signé une carte d’adhésion. En 1995, l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion a été éliminée et remplacée par le modèle de vote obligatoire. Aux termes de ce modèle, la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) tient un vote au scrutin secret et l’accréditation est obtenue si la majorité des suffrages exprimés sont pour la syndicalisation. Selon une recherche commandée dans le cadre de l’examen, les études révèlent de façon systématique que le modèle de vote en vigueur est associé à une réduction statistiquement considérable du nombre de demandes et des taux d’accréditation. En fait, les conseillers spéciaux remarquent que les syndicats favorisent fortement l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion, tandis que les employeurs privilégient nettement le modèle de vote au scrutin secret;
  • exiger des employeurs qu'ils fournissent aux syndicats les listes d'employés, avec ou sans coordonnées, dès que les syndicats atteignent un certain seuil d’appui. Ainsi, les syndicats pourraient plus facilement déterminer les nouvelles unités de négociation potentielles et obtenir l’appui de 40 % qui est nécessaire pour demander à la CRTO de tenir un vote d’accréditation selon le modèle actuel de vote au scrutin secret;
  • tenir des votes d'accréditation à l'extérieur des lieux de travail. Les employeurs font valoir que la tenue du vote à l’extérieur des lieux fait pencher la balance en faveur des syndicats, puisqu’un syndicat verrait à ce que ses sympathisants se rendent sur les lieux du vote, tandis que les antisyndicalistes seraient moins enclins à s’y rendre. 

Le rapport intérimaire comprend également plusieurs propositions qui donneraient aux syndicats plus de pouvoir de négociation pendant le processus de négociation, notamment une proposition interdisant le recours à des travailleurs de remplacement pendant une grève.

5. Réviser complètement la relation entre les franchiseurs, les franchisés et les employés des franchisés

Le rapport intérimaire propose de modifier la LRT et la LNE afin d’imposer aux franchiseurs des devoirs supplémentaires liés à l’emploi, notamment :

  • l'adoption d'une nouvelle disposition dans la LRT visant un employeur connexe, selon laquelle un franchiseur et un franchisé pourraient être déclarés employeurs connexes à l’égard de tous les travailleurs du franchisé. Ainsi, les franchiseurs pourraient être obligés de mener des négociations collectives à l’égard des travailleurs sur lesquels ils n’exercent pas une surveillance quotidienne, et pourraient se voir imposer les obligations contenues dans une convention collective, y compris une responsabilité conjointe en cas de défaut de paiement d’un franchisé à l’égard de ses travailleurs. Les personnes qui s’intéressent au sujet peuvent consulter un récent bulletin d’Actualités d’Osler où l’on y fait l’analyse du risque pour un franchiseur d’être déclaré employeur connexe en vertu de la loi actuellement en vigueur;
  • l'adoption d'un nouveau modèle pour la syndicalisation des franchises, qui permettrait aux employés d’une franchise de se syndiquer et de négocier une première convention collective et qui permettrait ensuite à d’autres franchises du même franchiseur d’être régis par les modalités de cette convention;
  • la modification de la LNE de manière à rendre les franchiseurs responsables du non-respect des normes du travail de leurs franchisés. Cette modification pourrait inciter les franchiseurs à exercer un contrôle accru sur les activités de leurs franchisés, ce qui augmenterait le risque pour les franchiseurs d’être reconnus comme employeurs réels des travailleurs des franchisés.

Selon le rapport intérimaire, les groupes d’employeurs-franchiseurs ont présenté des propositions qui s’opposent fortement à ces modifications, puisqu’elles perturberaient les structures commerciales existantes et pourraient mettre en péril tout le système de franchise.

6. Éliminer la capacité d'un employeur à négocier directement avec un syndicat, en imposant la négociation sectorielle

La « négociation sectorielle » ou « négociation multipartite » constituerait un changement radical par rapport au statu quo. Par défaut, sauf dans le cas de l’industrie de la construction, la négociation collective a lieu entre un seul employeur et un groupe constitué des employés de celui-ci (souvent dans un lieu de travail particulier), tandis que la négociation sectorielle vise plusieurs employeurs ayant des employés dans différents lieux de travail négociant une seule convention collective avec un seul syndicat.

Le rapport intérimaire propose huit modèles de négociation sectorielle. Certains modèles ne s’appliqueraient qu’à des industries particulières (p. ex. les secteurs des travaux domestiques, de l’agriculture, des artistes). D’autres auraient des ramifications beaucoup plus larges. L’un de ces modèles permettrait l’accréditation et la négociation multipartite d’un secteur et d’une zone géographique. Par exemple, les conseillers spéciaux proposent que tous les hôtels de Windsor ou tous les restaurants à service rapide de North Bay puissent être accrédités comme unités de négociation et négocier une convention collective cadre sur une base multipartiste et sectorielle.

7. Plusieurs options pourraient être profitables aux employeurs

Bien que la majorité des suggestions contenues dans le rapport intérimaire semblent provenir des défenseurs des employés et des syndicats, plusieurs propositions pourraient réduire les coûts et accroître la flexibilité des employeurs. Ces propositions respectent l’esprit de l’un des principes directeurs de l’examen, soit de créer un environnement favorable aux activités commerciales. Voici des exemples de proposition favorables aux employeurs :

  • demander à un employé de donner à l’employeur un préavis écrit de deux semaines pour mettre fin à la relation de travail, ce qui donnerait aux employeurs un délai pour trouver un employé de remplacement;
  • élargir la portée des exemptions de la LNE actuelles afin d’inclure les employés qui touchent un salaire supérieur à un certain montant. Le rapport intérimaire ne précise pas le rôle que le salaire pourrait jouer dans une exemption de la LNE refondue, et les conseillers spéciaux semblent ouverts aux propositions à ce sujet. Une option serait d’adopter des exemptions similaires à celles que l’on trouve dans la loi fédérale américaine, intitulée Fair Labor Standards Act, applicables à l’égard de certains membres du personnel de direction et du personnel administratif en ce qui concerne les exigences liées au salaire minimum et à la rémunération des heures supplémentaires et qui sont fondées sur une vérification du « salaire plus fonctions ».

Comment soumettre une proposition

Des observations sur les propositions contenues dans le rapport intérimaire, ou sur toute nouvelle proposition, peuvent être présentées au ministère du Travail, par télécopieur, par la poste ou par courrier électronique (CWR.SpecialAdvisors@ontario.ca). Des renseignements supplémentaires sur la manière de présenter des observations sont fournis ici.

Une mise en garde concernant les observations – le Ministère s'est réservé le droit d'afficher en ligne ou de publier autrement les observations et les commentaires dans le cadre du processus de consultation publique. Par conséquent, quiconque souhaite présenter ses observations doit accepter qu'elles soient publiées, et ne devrait pas fournir des renseignements qui permettraient d'établir l'identité d'un tiers.

Si vous souhaitez soumettre des observations, veuillez communiquer avec Jason Hanson, Sven Poysa ou Allison Di Cesare.

Rappel : nous affichons souvent des articles pouvant présenter un intérêt pour la collectivité des ressources humaines et des relations du travail sur notre blogue : www.riskandcrisismanagement.com/