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Garants, soyez à l’affût : Responsabilité potentielle sans défaut de l’emprunteur

Auteur(s) : Elizabeth Mpermperacis, Madeleine Blouin

Le 28 septembre 2021

Si vous garantissez un prêt, vous êtes responsable du remboursement de la dette seulement si l’emprunteur, en tant que débiteur principal, est officiellement en défaut, n’est-ce pas? Les garants ont généralement pu se fier à ce principe, mais une récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario arrive à une conclusion différente. Dans le jugement Madison Joe Holdings Inc. c. Mill Street & Co. Inc. (Madison), la Cour a statué que les garants peuvent être responsables des dettes et obligations d’un emprunteur, même si l’emprunteur lui-même n’a pas manqué à ses obligations selon les conditions des documents de prêt.

D’une certaine façon, l’affaire Madison est une mise en garde pour les rédacteurs, mais elle invite les parties au prêt et les prêteurs à examiner attentivement leurs documents pour s’assurer qu’ils reflètent les véritables intentions des parties en matière de recours des garants et de droits intercréanciers.

Faits

En 2014, Mill Street a accepté d’acheter une entreprise nommée All Source à Madison Joe Holdings Inc. (MJH). Mill Street a acheté la première tranche de 50 % d’All Source au moyen, entre autres, de deux billets à ordre accordés par le vendeur à MJH. En 2016, Mill Street a acquis la participation restante de 50 % dans All Source. À cette époque, Mill Street devait encore des paiements à MJH en rapport avec le premier achat. Pour restructurer la dette, les billets à ordre existants ont été éteints et All Source en a signé deux nouveaux à leur place. Les nouveaux billets étaient garantis par Mill Street et ses deux directeurs, Noah et Roy Murad.

Dans le cadre du deuxième achat de 50 %, All Source a conclu un accord de prêt avec la Banque TD. En outre, la Banque TD, All Source et MJH ont conclu une convention de subordination. Cette dernière interdisait à All Source d’effectuer des paiements à MJH en vertu des billets si ces paiements devaient entraîner le non-respect par All Source des engagements financiers énoncés dans l’accord de prêt conclu avec la Banque TD. Après l’exécution des nouveaux billets, All Source a effectué les paiements d’intérêts mensuels requis, mais n’a pas payé le principal et les intérêts impayés à leur date d’échéance en raison des restrictions de la convention de subordination. MJH a intenté une action contre All Source en tant que débiteur principal, et Mill Street, Noah et Roy en tant que garants.

Motifs de la juge saisie de la requête

La juge saisie de la requête a conclu que même si la convention de subordination avait empêché All Source de faire des paiements à MJH en raison de sa situation financière, elle ne protégeait pas les garants de leurs obligations en vertu des billets. Les billets font écho à la convention de subordination, prévoyant qu’il s’agissait d’un « cas de défaut » si All Source omettait d’effectuer des paiements à l’échéance, à moins que All Source n’en soit empêchée par le refus de la Banque TD de donner le consentement requis pour ces paiements. La garantie, par contre, ne faisait pas référence à une exemption liée à la convention de subordination et indiquait plutôt que les garants devraient de l’argent à MJH « en raison du défaut de [All Source] d’effectuer les paiements dus en vertu des [billets] conformément à leurs conditions… ».

Même si All Source n’était pas en défaut de paiement du principal selon les billets, le défaut de paiement du principal a techniquement eu lieu lorsque All Source n’a pas payé. Les garants ont donc été jugés responsables envers MJH pour tout ce que All Source n’a pas pu payer.

La décision de la Cour d’appel de l’Ontario

La majorité de la Cour était d’accord avec la juge saisie de la requête et a conclu que l’incapacité d’All Source à payer MJH en raison des restrictions financières de la convention de subordination pouvait être considérée comme un défaut de paiement qui déclenchait la capacité d’appeler ou d’appliquer les garanties. La décision s’est appuyée sur la référence au « défaut » plutôt qu’au « cas de défaut » comme élément déclencheur des garanties. L’argument de l’appelant selon lequel le non-paiement n’équivalait pas à un défaut a été rejeté, et la Cour a rappelé que les garanties doivent être lues de manière à donner effet à l’intention apparente des parties, afin d’offrir une protection équitable au créancier.

Principaux points à retenir…

… Pour les garants

Les garants doivent s’assurer qu’ils savent si leurs paiements de garantie sont limités ou non. Les principaux points à retenir pour les garants et leurs avocats-conseils sont les suivants :

  • Veillez à faire correspondre le libellé des garanties à toute exemption accordée à l’emprunteur dans le contrat de prêt sous-jacent.
  • Envisagez de demander à être partie ou au moins inclus dans la négociation de toute convention entre créanciers.
  • Tenez compte de la « règle de la protection équitable » selon laquelle les tribunaux interprètent toujours une garantie de manière à ce que la protection ou la sécurité qu’elle offre à un créancier soit réelle plutôt qu’illusoire.

… Pour les prêteurs

Bien que cette affaire semble être un avertissement direct aux garants concernant la responsabilité potentielle au-delà de ce qui peut être attendu, il y a quelques considérations à prendre en compte pour les prêteurs subordonnés et principaux :

  • Examinez si les restrictions proposées aux paiements de garantie dans les documents sous-jacents ou dans la convention entre créanciers elle-même porteraient atteinte aux droits intercréanciers des prêteurs.
  • Même dans le cas de garanties standard à recours complet, consultez un avocat-conseil pour connaître les limitations potentielles de votre recours contre les garants.

Toutes les parties et leurs avocats-conseils doivent examiner attentivement leurs intérêts et la manière de gérer les risques éventuels. L’issue de l’affaire Madison est un exemple de l’importance d’une rédaction soignée, d’un examen attentif des intentions des parties et de la compréhension de la situation dans son ensemble lorsqu’il s’agit d’équilibrer les intérêts dans des structures de prêt multipartites.