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Ce que les prêteurs garantis doivent savoir lorsqu’ils prennent un gage sur des actions d’une société à responsabilité illimitée en Alberta ou en Colombie-Britannique

Auteur(s) : Martha Martindale, Matthew Di Prata, Sarah Muboyayi

Le 15 novembre 2023

Le présent article donne une vue d’ensemble des principaux points qui intéresseront les prêteurs qui font affaire avec une société à responsabilité illimitée (SRI) constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique ou de l’Alberta. Nous attirons également l’attention sur des questions que les prêteurs garantis et les agents de garantie devraient se poser avant d’accepter des actions d’une SRI en gage.

Qu’est-ce qu’une SRI?

Une SRI est un type de personne morale créé aux termes de certaines lois sur les sociétés au Canada. La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse sont les seules provinces qui offrent actuellement un régime de SRI.

À l’instar d’une société par actions, une SRI est généralement une personne morale distincte et a la capacité de contracter, de posséder des biens et d’assumer des responsabilités et des obligations. À la différence, toutefois, d’une société par actions, les responsabilités qu’elle assume sont imputées aux actionnaires. Les prêteurs garantis qui prennent un gage sur des actions d’une SRI doivent donc déterminer si les actes qu’ils posent en qualité de prêteur garanti aux termes d’un contrat de mise en gage d’actions et la possession de ces actions qui s’accompagne d’un pouvoir de transfert d’actions peuvent faire d’eux des « actionnaires » et ils doivent être au fait de toute responsabilité qui pourrait en découler.

Approche générale à l’égard de la mise en gage d’actions d’une SRI

Le prêteur qui prend un gage sur des actions d’une SRI doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour réduire la probabilité 1) qu’il soit considéré comme un actionnaire du seul fait qu’il détient un gage et 2) qu’il soit automatiquement réputé être un actionnaire sans poser d’acte clair et conscient avant de devenir actionnaire (c.-à-d. que le prêteur doit avoir la possibilité de soupeser les risques et les avantages de devenir actionnaire avant d’assumer une responsabilité correspondante).

Un prêteur doit tenter d’atteindre le premier objectif en limitant les droits que lui confère le gage jusqu’à ce qu’il exerce ses recours à la suite d’un manquement et il doit éviter de se placer dans une position qui lui donne le droit de s’inscrire en tant qu’actionnaire dans les registres de la SRI. Pour atteindre le deuxième objectif, le prêteur doit établir des procédures claires dans le cadre desquelles il est tenu d’accomplir un acte positif avant que de nouveaux droits prennent naissance, après quoi le prêteur deviendrait un actionnaire inscrit.

Responsabilité des actionnaires en Alberta et en Colombie-Britannique

La responsabilité des actionnaires est généralement plus importante en Alberta qu’en Colombie-Britannique. En Alberta, la responsabilité des actionnaires naît au moment où une SRI contracte l’obligation, alors qu’en Colombie-Britannique, la responsabilité prend naissance uniquement s’il y a liquidation ou dissolution.

Alberta

En vertu du paragraphe 15.2(1) de la Business Corporations Act de l’Alberta (ABCA), la responsabilité de chaque actionnaire d’une SRI constituée dans cette province relativement à « une dette, un acte ou un manquement » est « illimitée et solidaire ». Par conséquent, la responsabilité d’un actionnaire ne se limite pas à son investissement dans la SRI, mais correspond plutôt au montant total de l’obligation de la SRI. Il est à noter qu’il existe quelques exceptions mineures aux responsabilités imposées par la loi en vertu du paragraphe 15.2(1).[1] Toutefois, ces exceptions ne tiendraient pas compte des obligations contractuelles découlant de la création d’une dette ou d’une garantie.

Les anciens actionnaires sont responsables des dettes, des actes et des manquements même lorsqu’ils ont cessé de détenir des actions dans la SRI, sauf si a) deux ans se sont écoulés depuis la date à laquelle ils ont cessé de détenir des actions dans la SRI, sous réserve de toute immunité découlant de la Limitation Act (p. ex., celle visant les personnes handicapées, les erreurs, les retards et les délais préjudiciables, etc.)[2] ou b) la dette, l’acte ou le manquement de la SRI n’existait pas au moment où ils ont cessé d’être actionnaires de la SRI.[3]

Colombie-Britannique

En vertu de l’article 51.3 de la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique (BCBCA), les actionnaires actuels et passés d’une SRI sont solidairement tenus de contribuer 1) à l’actif de la SRI du début de sa liquidation jusqu’à sa dissolution et 2) au paiement direct à ses créanciers après la dissolution. Par conséquent, en Colombie-Britannique, la responsabilité des actionnaires se limite dans le temps à la liquidation ou à la dissolution de la SRI, tandis qu’en Alberta, la responsabilité naît dès que la SRI contracte l’obligation.

Les anciens actionnaires ne seront pas tenus responsables à moins qu’un tribunal ne juge que les actionnaires actuels ne sont pas en mesure de rembourser les dettes de la SRI.[4] Dans pareil cas, un ancien actionnaire ne sera toujours pas tenu responsable a) si la dette de la SRI prend naissance après qu’il a cessé d’être actionnaire, b) si, dans le cas d’une liquidation, il a cessé d’être actionnaire un an ou plus avant le début de la liquidation ou c) si, dans le cas d’une dissolution, il a cessé d’être actionnaire un an ou plus avant le début de la dissolution.[5]

Ce qu’il faut à éviter lorsqu’on prend un gage

Lorsqu’il prend un gage sur les actions d’une SRI, le prêteur ne doit pas acquérir de droits normalement associés à la propriété d’actions. Il doit, plus particulièrement, éviter d’obtenir des droits de vote ou de dividende avant l’exécution de ses recours à la suite d’un manquement.

Toutefois, un prêteur doit supposer que, lorsqu’il entreprend de faire valoir ses droits d’exécution à l’égard des actions données en gage (autrement que par un transfert direct des actions) ou agit d’une quelconque manière en qualité d’actionnaire de la SRI ou tente de faire valoir les droits qui incombent à un actionnaire de la SRI, il se peut qu’il soit réputé être un « actionnaire » et, de ce fait, tenu responsable. Par conséquent, un prêteur doit recevoir un avis d’inexécution avant d’aller de l’avant et avoir la possibilité de soupeser les avantages et les risques que présente le fait d’être considéré potentiellement comme un actionnaire.

Voici des exemples de ce qu’un prêteur ne doit pas faire en ce qui concerne la mise en gage d’actions d’une SRI :

  • demander que les actions données en gage soient inscrites à son nom ou à celui de son mandataire
  • se présenter aux autres comme actionnaire d’une SRI
  • recevoir des dividendes ou d’autres biens d’une SRI du fait qu’il détient des actions mises en gage
  • agir à titre d’actionnaire de la SRI ou faire valoir ou tenter de faire valoir les droits d’un actionnaire, y compris la présence aux assemblées d’actionnaires ou l’exercice des droits de vote

N’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe si vous avez des questions sur ce qui précède ou si vous souhaitez en discuter plus en détail.


[1] Voir la Business Corporations Act (Alberta), par. 38(4), 146(7) ou 227(4).

[2] Business Corporations Act (Alberta), par. 15.2(2).

[3] Business Corporations Act (Alberta), par. 15.2(3).

[4] Business Corporations Act (Colombie-Britannique), par. 51.3(2).

[5] Business Corporations Act (Colombie-Britannique), al. 51.3(2)a) à 51.3(2)c).