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Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada (Vidéo)

Auteur(s) : Adam Hirsh

Le 15 septembre 2023

En raison de la mondialisation accrue des opérations commerciales, les différends traversent fréquemment les frontières nationales, ce qui oblige les entreprises étrangères à s’adresser aux tribunaux canadiens pour exercer certains recours ou pour obtenir leur collaboration. Les procédures judiciaires canadiennes peuvent être complexes et comporter des considérations factuelles et juridiques de fond. Toutefois, les tribunaux canadiens ont tendance à faire preuve d’une plus grande souplesse et d’une plus grande volonté et à accepter les ordonnances interlocutoires, y compris les injonctions, émanant de territoires étrangers. Le droit dans ce domaine évolue.

Dans la vidéo présentée ci-dessous, Adam Hirsh, associé d’Osler, explique ce à quoi les parties étrangères peuvent s’attendre lorsqu’elles naviguent dans le système judiciaire canadien.


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Video transcript

ADAM : Bonjour, je m’appelle Adam Hirsh et je suis associé au sein du secteur du litige d’Osler.

Dans le contexte actuel de mondialisation accrue des opérations commerciales, les différends traversent fréquemment les frontières nationales, ce qui oblige les entreprises étrangères à s’adresser aux tribunaux canadiens pour exercer certains recours ou pour obtenir leur collaboration.

Il peut s’agir d’obliger un témoin résidant au Canada à témoigner dans le cadre d’une procédure à l’étranger, de plaider un différend international devant les tribunaux canadiens ou de collaborer avec les tribunaux canadiens pour faire exécuter un jugement rendu à l’étranger à l’encontre d’un défendeur canadien.

Aujourd’hui, je vais vous parler plus particulièrement de l’exécution des jugements étrangers et de l’évolution du droit en ce qui concerne les ordonnances interlocutoires.

En règle générale, un tribunal canadien exécutera un jugement étranger si le jugement remplit les trois critères suivants :

Premièrement, le jugement émane d’un tribunal compétent; deuxièmement, le jugement est valide et définitif; et troisièmement, le jugement est suffisamment précis.

Les tribunaux canadiens n’analysent généralement pas le bien-fondé du jugement rendu par le tribunal étranger; ils s’assurent uniquement de la présence de ces critères. Je n’aborderai pas ce sujet ici, mais, pour plus de précisions sur ce qu’est un tribunal « compétent », vous pouvez consulter mon article intitulé « Exécution d’un jugement d’un territoire étranger au Canada », disponible sur Osler.com.

En 2006, dans l’affaire Pro Swing, la Cour suprême du Canada a élargi la définition d’un jugement étranger « suffisamment précis ». Auparavant, les tribunaux canadiens n’exécutaient que les jugements portant sur une somme d’argent déterminée. Après l’affaire Pro Swing, ils exécutent désormais un éventail plus large de jugements étrangers, y compris les jugements déclaratoires, les ordonnances d’exécution en nature et les injonctions permanentes (qui sont des ordonnances restreignant ou interdisant de manière permanente certaines actions d’un défendeur).

Cela nous amène au dernier critère à remplir : le jugement doit être « valide et définitif ». Avant Pro Swing, le droit canadien était clair sur le fait que les recours interlocutoires – les ordonnances des tribunaux qui interviennent pendant que la procédure étrangère est en cours – ne pouvaient pas être exécutés au Canada, car ils ne sont pas « définitifs ». Toutefois, le droit dans ce domaine évolue.

Les injonctions interlocutoires étant un outil très puissant dans les différends commerciaux, cela vaut la peine d’examiner la jurisprudence canadienne récente qui a ouvert la voie à l’exécution des injonctions interlocutoires étrangères.

En 2006, dans l’affaire Cavell, la Cour d’appel de l’Ontario a estimé qu’une ordonnance interlocutoire étrangère (mais pas une injonction) pouvait être exécutée au Canada. La Cour d’appel a examiné les raisons pour lesquelles les tribunaux canadiens exigent que l’ordonnance étrangère soit définitive :

  • Premièrement, le caractère définitif garantit que le tribunal de destination connaît précisément ce qu’il exécute;
  • Deuxièmement, le caractère définitif élimine le risque d’une injustice qui pourrait survenir si l’ordonnance étrangère était modifiée ultérieurement en une ordonnance étrangère future;
  • Troisièmement, le caractère définitif élimine le risque de miner la confiance du public dans le système judiciaire, si un tribunal de destination devait exécuter une ordonnance étrangère qui aurait été modifiée par la suite.

Dans l’affaire Cavell, la Cour d’appel a estimé que chacun de ces critères était rempli et que, par conséquent, l’ordonnance étrangère pouvait être exécutée, même s’il s’agissait d’une ordonnance interlocutoire.

En 2014, dans l’affaire Oesterlund, la Cour supérieure de l’Ontario a exécuté une injonction interlocutoire accordée en Floride dans une affaire de divorce où des actifs importants étaient disputés.

Plus récemment, en 2021, dans l’affaire Pelletier, la Cour d’appel de l’Alberta a exécuté une ordonnance de gel interlocutoire (un type d’injonction interlocutoire) des îles Caïmans à l’encontre des défendeurs.

Les défendeurs ont expressément fait valoir que l’ordonnance ne devait pas être exécutée, car elle n’était pas définitive. La Cour d’appel a estimé que le principe du caractère définitif n’était pas « tout blanc ou tout noir ». Bien que la procédure de faillite dans les îles Caïmans ait été en cours, l’ordonnance de gel elle-même était définitive, contenait des conditions claires et précises et avait une portée limitée.

Ces trois affaires montrent que les tribunaux canadiens ont tendance à faire preuve d’une plus grande souplesse et d’une plus grande volonté et à accepter les ordonnances interlocutoires, y compris des injonctions, émanant de territoires étrangers; toutefois, il convient de souligner que le droit dans ce domaine continue d’évoluer.

Si une injonction interlocutoire est requise à l’encontre d’un défendeur canadien, l’option la plus sûre et la plus fiable reste d’entamer une nouvelle procédure au Canada en vue d’obtenir une injonction. Toutefois, si un tribunal étranger a déjà ordonné une injonction, les faits récents indiquent qu’il peut être possible de faire exécuter cette injonction par un tribunal canadien.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet ou sur d’autres questions relatives à l’exécution des jugements étrangers, n’hésitez pas à communiquer avec moi ou d’autres membres du secteur du litige d’Osler.