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Nouveau durcissement des sanctions du Canada contre la Russie

Auteur(s) : Daniel Fombonne

23 septembre 2014

Le premier volet de sanctions économiques imposées par le gouvernement canadien en mars 2014 à la suite de l’intervention militaire russe en Crimée visait certains anciens représentants du gouvernement ukrainien et les membres de leur famille, en imposant un gel de leurs avoirs. Depuis, le gouvernement canadien a imposé des sanctions de plus en plus étendues et sévères visant des personnes et des entités russes additionnelles, et certains secteurs clés de l’économie de la Russie. Les plus récentes modifications mises en œuvre le 17 septembre 2014 s’ajoutent à un précédent train de sanctions entrées en vigueur le 24 juillet 2014, qui interdisaient aux personnes au Canada et aux Canadiens à l’étranger de conclure de nouvelles opérations de financement par emprunt et par actions avec certaines entités russes inscrites sur la liste.

Contexte

Le premier train de sanctions économiques imposées par le gouvernement canadien prévoyait un gel des avoirs visant certains anciens représentants du gouvernement ukrainien et, dans certains cas également, des membres de leur famille, et des personnes liées au gouvernement russe, en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Notre Bulletin d'Actualités Osler du 11 mars 2014 explique en détail ce premier train de sanctions.

Par la suite, d’autres sanctions économiques et interdictions de voyager ont été imposées à l’encontre de représentants russes et ukrainiens en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. La portée de la Loi sur les mesures économiques spéciales dépasse celle de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, puisqu’elle permet d’imposer des gels des avoirs et d’autres interdictions et restrictions économiques lorsqu’il y a transaction avec des personnes, des entités ou des États étrangers désignés. De plus, les personnes visées par les sanctions n’ont pas besoin d’être d’anciens représentants du gouvernement. Les sanctions peuvent être imposées sans qu’une demande soit déposée par un gouvernement étranger (ce qui est une exigence dans le cas des sanctions imposées en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus) et sans qu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ne soit nécessaire.

Obligations imposées aux Canadiens

Le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le « Règlement ») interdit à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger :

  • d’effectuer une opération portant sur un bien, où qu'il se trouve, détenu par une personne désignée ou en son nom;
  • de fournir des services financiers ou des services connexes, directement ou indirectement, à l’égard d'un bien susmentionné ou en faciliter la fourniture;
  • de mettre des marchandises à la disposition de personnes désignées;
  • de fournir des services financiers ou des services connexes à toute personne désignée, ou pour son bénéfice.

Le Règlement interdit également à toute personne au Canada et à tout Canadien à l’étranger de faire quoi que ce soit qui occasionne, facilite ou favorise la perpétration de tout acte interdit. Il y a un nombre limité d'exceptions prévu dans le Règlement.

Les Canadiens et les sociétés canadiennes sont donc tenus de faire preuve de diligence raisonnable, et de chercher, geler et divulguer à la GRC tout bien en leur possession ou sous leur contrôle qu'ils savent ou croient être directement ou indirectement contrôlé par une personne désignée ou par une entité contrôlée par une personne désignée.

Le Règlement dresse la liste de certaines catégories d’entités canadiennes qui doivent s’assurer d'être en règle de façon continue, y compris, notamment les banques étrangères autorisées, les coopératives de crédit, les sociétés d’assurances, les sociétés de fiducie et les sociétés de prêt. Cette obligation s’applique aussi aux entités qui se livrent au commerce des valeurs mobilières ou qui fournissent des services de gestion de portefeuille et de placement.

Élargissement récent des sanctions

Le 24 juillet 2014, le gouvernement canadien a étendu les sanctions afin d'inclure sept autres entités russes dans les secteurs des finances, de l’énergie et de l’armement, en plus d’imposer des restrictions à l’égard de tout nouveau financement par emprunt ou par actions pour certaines entités désignées aux termes des annexes 2 et 3 du Règlement.

Les sanctions révisées interdisent à toute personne au Canada ou à tout Canadien à l’étranger d’effectuer une transaction portant sur un emprunt, une obligation ou une débenture dont la durée dépasse 90 jours, de fournir un tel emprunt, obligation ou débenture ou d’effectuer une autre opération portant sur un tel emprunt, obligation ou débenture, si la transaction, la fourniture ou l’autre opération a trait aux personnes désignées dont le nom est inscrit sur la liste établie aux annexes 2 ou 3, à ses biens ou à ses droits ou intérêts sur ces biens. Il est également interdit aux personnes au Canada ou aux Canadiens à l’étranger d’effectuer une transaction relative à une mise de fonds faite par le biais de la transaction d’actions en échange d’une participation, de fournir une telle mise de fonds ou d’effectuer une autre opération concernant une telle mise de fonds, si la transaction, la fourniture ou l’autre opération a trait aux personnes désignées dont le nom est inscrit sur la liste établie à l’annexe 2, à ses biens ou à ses droits ou intérêts sur ces biens. Ces sanctions s’appliquent de façon prospective aux obligations ou aux débentures émises à la date d’inscription de la personne désignée sur la liste du Règlement.

Quatorze personnes et six entités ont par la suite été ajoutées à la liste de personnes désignées le 6 août 2014.

Le 17 septembre 2014, le gouvernement canadien a ajouté à la liste du Règlement quatre hauts fonctionnaires des forces armées russes et cinq entités engagées dans la fabrication de matériel militaire (Usine de machines Mitischinskii OAO, Usine de machines JSC Kalinin), les systèmes de contrôle d’armement (Institut de recherches scientifiques V. Tikhomirov pour la conception d’instruments), la fabrication de systèmes de défense aérienne (Entreprise de production et de recherche OJSC Dolgoprudny) et le développement de systèmes de missiles et de radars (Institut de recherches scientifiques marines de radioélectronique « Altair »). Fait à noter, le gouvernement a également ajouté le nom de Sberbank, le plus important prêteur russe, à l’annexe 2, soit la liste des personnes désignées qui sont assujetties aux restrictions relatives au financement par emprunt ou par actions mentionnées ci-dessus.

Les modifications de septembre ont aussi resserré les restrictions touchant les emprunts décrites ci-dessus en interdisant aux entités de l’annexe 2 de recevoir tout prêt ou d’émettre toute obligation ou débenture ayant une échéance de plus de 30 jours, plutôt que 90 jours. La date d’échéance d’au moins 90 jours reste en vigueur pour les entités de l’annexe 3, le producteur de gaz naturel OAO Novatek étant la seule entité à y figurer en ce moment.

On peut s’attendre à ce que d’autres sanctions soient appliquées à l’encontre de la Russie, à moins que la crise actuelle ne se résorbe en Ukraine.

Les récentes modifications ont également retiré, par ailleurs, deux banques russes (Expobank et Rosenergobank1) qui avaient été ajoutées dans le Règlement à titre de personnes désignées le 28 avril 2014. Le gouvernement canadien a jugé que ces banques n’étaient pas liées à l’intervention russe en Ukraine. Les personnes et les entreprises peuvent maintenant faire affaire avec ces deux entités.

Obligations de conformité et réduction du risque

Les entreprises et les ressortissants canadiens qui exercent des activités à l’étranger peuvent réduire le risque de non-conformité en examinant attentivement leurs activités commerciales et en surveillant toute opération susceptible d’être visée par le Règlement. Il est essentiel que toutes les entreprises canadiennes qui exercent des activités à l’étranger mettent en place des programmes de conformité des échanges et des procédures de contrôle, et qu’elles continuent de se tenir au courant de l’évolution de la réglementation.

Le gouvernement canadien semble de plus en plus désireux d’appliquer ses sanctions économiques même lorsque la violation pourrait avoir été commise par inadvertance. En avril 2014, l’entreprise albertaine Lee Specialties Ltd. (« Lee ») a été accusée d’avoir enfreint la Loi sur les mesures économiques spéciales en tentant d’exporter des marchandises contrôlées d’une valeur de 15 $ vers la République islamique d’Iran. L’entreprise a plaidé coupable et la transaction pénale exigeait que Lee paye une amende de 90 000 $. Pour obtenir plus de détails sur cette condamnation, consultez notre bulletin d'Actualités Osler du 17 avril 2014.

Si vous avez des questions, nous vous invitons à communiquer avec l’un des membres du groupe Droit du commerce international et de l’investissement d’Osler


1 Osler a agi comme conseiller juridique dans le cadre de la demande de retrait de la liste déposée par Rosenergobank.