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L’Agence du revenu du Canada traitera les fonds amassés au moyen d’un « financement participatif » (crowdfunding) en tant que revenu tiré de l’exploitation d’une entreprise

Auteur(s) : Marc Richardson Arnould, Matthew T. Oliver

2 décembre 2013

Le 16 août 2013, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a publié une interprétation technique portant sur le traitement des fonds amassés au moyen d’un « financement participatif », et des frais connexes engagés à cet égard, par un contribuable en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada). L’ARC a récemment fait d’autres remarques sur cette question à la Table ronde fédérale tenue lors du Congrès 2013 de l’APFF.

Contexte

Le financement participatif est devenu une tendance de financement moderne, étant perçu par bon nombre d’entrepreneurs comme un substitut attrayant à des sources plus conventionnelles de financement, comme les institutions financières, les fondations, les investisseurs providentiels ou les investisseurs en capital de risque.

En règle générale, le financement participatif constitue un moyen novateur de recueillir des capitaux pour un projet. Essentiellement, ce mécanisme de financement permet de mettre en commun de petites contributions individuelles par l’intermédiaire de portails de financement participatif, qui mettent en relation les demandeurs de fonds et les fournisseurs de capital (c.‑à‑d. les contributeurs) au moyen d’Internet et des réseaux de médias sociaux. D’un point de vue purement commercial, l’intention est de donner aux entreprises la possibilité de réunir des capitaux de démarrage à un moindre coût.

Il existe quelques modèles de financement participatif, notamment le modèle sous forme de dons, le modèle sous forme de récompenses et le modèle sous forme d’investissements, qui sont décrits plus en détail dans notre bulletin Actualités Osler daté du 15 mai 2013.

Jusqu’à présent, le traitement fiscal des fonds amassés au moyen du financement participatif ainsi que des frais correspondants a été fort débattu au Canada et à l’étranger. L’interprétation technique de l’ARC et la déclaration que l’ARC a faite à la Table ronde fédérale tenue lors du Congrès 2013 de l’APFF permettent de mieux comprendre la position adoptée par l’ARC quant au traitement fiscal de tels fonds.

 

 

Interprétation technique de l’ARC

Le 16 août 2013, l’ARC a publié sa première interprétation technique du financement participatif.

Cette interprétation technique a été publiée en réponse à une question particulière présentée par un contribuable à l’égard d’un scénario dans lequel des fonds sont amassés auprès du public pour un projet visant à mettre au point un produit aux fins de sa mise en marché, notamment la production d’un enregistrement par un groupe musical. En contrepartie de sa contribution, le contributeur recevrait un cadeau incitatif comme un exemplaire du produit fini (p. ex., un enregistrement musical), ou un article promotionnel comme un chandail. Les contributeurs ne recevraient en échange aucune participation dans le projet. En fait, l’ARC a dû prendre position sur un modèle de financement sous forme de récompenses.

L’ARC a adopté la position selon laquelle les fonds qu’un contribuable amasse au moyen d’un tel financement participatif (ainsi que ce le coût déboursé par une entreprise pour offrir des cadeaux aux donateurs) pourraient généralement être déduits par le contribuable en tant que dépenses engagées en vue de tirer un revenu.

Table ronde fédérale tenue lors du Congrès 2013 de l’APFF

Plus récemment, l’ARC a eu à se prononcer sur une situation factuelle similaire présentée à la Table ronde fédérale lors du Congrès 2013 de l’APFF. Dans ce cas, pour chaque don de 25 $, la société offrait au contributeur un cadeau (c.‑à‑d. une récompense) d’une valeur de 10 $ (un exemplaire d’un album ayant un coût unitaire de 6 $ pour la société). La société payait les coûts associés à la plateforme de financement participatif (soit 4 % des fonds amassés) ainsi que les coûts associés à l’utilisation de Paypal (soit 3 % des fonds amassés), c’est‑à‑dire 1,75 $ au total.

Les trois questions suivantes ont été posées à l’ARC relativement au scénario décrit ci‑dessus :

  • Les 25 $ reçus par la société sont-ils i) imposables pour la société et ii) visés par l’alinéa 12(1)x) de la Loi de l’impôt?
  • Qu’est-ce qui constituerait une dépense pour la société : la somme de 10 $ ou uniquement la somme de 6 $?
  • La société pourrait-elle déduire le coût de 1,75 $ associé à la plateforme et à Paypal?

L’ARC n’a répondu que par des remarques d’ordre général et a en grande partie évité de donner des réponses spécifiques aux questions qui précèdent. Plus précisément, elle a répondu qu’en fonction de la forme exacte du financement participatif, les fonds amassés pourraient être traités comme un prêt, un apport de capital, un cadeau ou un revenu devant être inclus dans le calcul du revenu imposable, ou encore une combinaison de ceux‑ci. L’ARC était d’avis que dans les circonstances décrites ci‑dessus, la somme de 25 $ pourrait constituer un revenu tiré d’une entreprise. Elle a toutefois refusé de donner une réponse définitive en ce qui a trait au traitement fiscal des fonds amassés dans ce scénario sans avoir examiné de plus près les faits se rapportant au financement participatif en question.

Conclusion

La position adoptée par l’ARC dans l’interprétation technique dont il est question ci‑dessus éclaircit quelque peu ce qui constitue actuellement une zone fiscale grise. Les fonds qu’amasse un contribuable au moyen d’un financement participatif (sous forme de récompenses) constitueront probablement un revenu tiré d’une entreprise pour le contribuable. De même, l’ARC a expliqué qu’à son avis, les dépenses se rapportant à un tel financement participatif pourraient généralement être déduites par le contribuable au moment du calcul de son revenu imposable. Il faut noter que le contribuable a également demandé à l’ARC qu’elle commente l’application possible de la TPS/TVH dans les circonstances. Il sera intéressant de voir si la Direction de l’accise et des décisions de la TPS /TVH adoptera une position conforme à celle des Services de la direction des décisions de l’impôt et assujettira le financement participatif à la TPS/TVH.

A priori, la position de l’ARC pourrait avoir une incidence commerciale importante sur le financement participatif en tant que moyen de recueillir des capitaux. Contrairement à la dette ou aux sommes reçues en contrepartie de la souscription d’actions, les fonds amassés à l’aide du modèle de financement participatif sous forme de récompenses seraient imposables pour le récipiendaire. Cela dit, le fardeau fiscal associé au financement participatif pourrait être considérablement atténué par les dépenses considérables qu’engagerait probablement une société qui entreprend un tel financement.

En outre, le fait que l’ARC a précisé que les contributeurs visés par le scénario décrit ci‑dessus n’ont reçu aucune forme de participation dans le projet est de bon augure pour le modèle de financement participatif sous forme d’investissements. En fait, les déclarations faites par l’ARC à la Table ronde fédérale tenue lors du Congrès 2013 de l’APFF laissent clairement entrevoir que les fonds reçus dans le contexte d’un tel financement pourraient être traités comme un apport de capital.

Pour des renseignements sur ce sujet ou d’autres sujets, n’hésitez pas à communiquer avec Alain Fournier, Marc Richardson Arnould, Hugo-Pierre Gagnon ou Matthew Oliver.

 

Par Marc Richardson Arnould, Matthew Oliver