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La Cour d'appel de l'Ontario aborde des questions importantes sur les recours collectifs en valeurs mobilières et renverse sa décision antérieure appliquant les délais de prescription

Auteur(s) : Laura Fric, Kevin O’Brien, Robert Carson

4 février 2014

Dans l'affaire Green c. CIBC, publiée le 3 février 2014, un banc de cinq juges de la Cour d’appel de l’Ontario spécialement convoqué à cet effet a abordé des questions importantes sur les recours collectifs en valeurs mobilières au Canada.

La Cour a indiqué que sa décision antérieure dans l'affaire Sharma c. Timminco était incorrecte et a, dans les faits, prolongé le délai de prescription pour les recours statutaires fondés sur la présentation inexacte des faits en matière de valeurs mobilières alléguée dans des recours collectifs. La Cour a aussi pris en considération le caractère certifiable des recours fondés sur la présentation inexacte des faits en common law et le critère relatif au bien-fondé dans le cadre de l'obtention d'une autorisation d’intenter une poursuite en vertu de la partie XXIII.1 de la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario.

Le délai de prescription en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières

La partie XXIII.1 de la Loi sur les valeurs mobilières établit une cause d'action statutaire en cas de présentation inexacte des faits ayant une incidence sur le prix des titres de l'émetteur sur le marché secondaire.

Dans sa décision de 2012 dans l'affaire Timminco, la Cour d'appel a indiqué que le délai de prescription en vertu de la partie XXIII.1 exige qu'un demandeur obtienne l'autorisation de poursuivre dans un délai de trois ans de la date à laquelle la présentation inexacte des faits alléguée a eu lieu, sinon, autrement la poursuite serait prescrite.1 La Cour suprême du Canada a refusé d'accorder l'autorisation d'en appeler de cette décision.2

Dans l'affaire Green c. CIBC, la Cour d'appel a rejeté l'interprétation qu'elle avait appliquée dans l'affaire Timminco.  La Cour a plutôt indiqué que le délai de prescription pour les recours collectifs sera suspendu une fois que le demandeur (i) invoque une cause d'action fondée sur  l'article 138.3 de la Loi sur les valeurs mobilières, et (ii) invoque l'intention de demander l’autorisation de poursuivre.

La Cour a également indiqué que, dans la mesure où il y a des préoccupations quant à la présentation par les demandeurs de demandes d'autorisation de poursuivre en temps opportun, ces préoccupations peuvent être réglées par les parties et les juges des recours collectifs, vraisemblablement au moyen de la gestion des causes.

Certification des recours fondés sur la présentation inexacte des faits en common law

La Cour d'appel a également examiné des questions importantes au sujet des recours en vertu de la common law dans un appel d’une décision du tribunal inférieur rendue par le juge Strathy (qui a depuis été nommé juge à la Cour d'appel) dans Green c. CIBC.3  Les recours en vertu de la common law peuvent être pertinents puisque, contrairement aux recours statutaires fondés sur la présentation inexacte des faits en valeurs mobilières, ils ne comportent pas de limites prescrites quant aux dommages.

La Cour d'appel a maintenu la décision du juge Strathy selon laquelle ni la « doctrine des fraudes relatives au cours du marché » ni « l'hypothèse de l'efficience du marché des capitaux » ne peuvent se substituer à la nécessité de prouver, sur une base individuelle, le fait qu'on se soit fié à  la présentation inexacte des faits dans les recours en common law.  La Cour a par conséquent confirmé que la question de la foi accordée à la présentation inexacte des faits ne pouvait être certifiée comme étant une question commune.

La Cour a jugé qu'il peut être approprié dans certaines circonstances de certifier d'autres questions communes relatives à des recours fondés sur la présentation inexacte des faits en common law parallèlement à des recours en vertu de la partie XXIII.1, si un recours collectif peut pouvait grandement contribuer à débattre de ces questions communes.

Il demeure toutefois incertain de quelle manière les questions individuelles liées à la foi accordée à la présentation inexacte des faits pourraient être efficacement ou réellement résolues pour les nombreux membres d'un groupe, même si l'on réussissait à faire la preuve des questions communes.

Critère de l'autorisation en vertu de la partie XXIII.1

La Cour d'appel a aussi considéré le critère de l'autorisation pour intenter un recours statutaire en vertu de l'article 138.8 de la Loisur les valeurs mobilières. La Cour a maintenu l'approche du juge Strathy dans l'affaire CIBC. Le juge Strathy avait indiqué que certains recours rencontraient le seuil requis pour l'autorisation, alors que ce n'était pas le cas pour d'autres. La Cour a confirmé que le critère de l'autorisation est plus exigeant que la « simple » possibilité de réussite : il exige une possibilité de réussite « raisonnable ».

La Cour a indiqué que le critère de l'autorisation serait le même que le critère de certification pour déterminer si un recours s’appuie sur une cause d'action, même s’il y a une différence cruciale en ce que le critère de l'autorisation n’est pas déterminé en fonction des faits tels qu'ils ont été allégués, mais en fonction du dossier de la preuve déposé par les parties pour la requête en autorisation.

Conclusion

Cette décision, tout comme d'autres décisions récentes de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel de l’Ontario, met l'accent sur l’objectif de promouvoir l'accès à la justice pour les demandeurs, et beaucoup moins sur l'équité envers les émetteurs et les autres parties touchées.

Il y a cependant, dans la décision, des aspects positifs pour les défendeurs. En maintenant l'approche du juge Strathy pour le critère de l'autorisation en vertu de la partie XXIII.1, la Cour d’appel a confirmé que l'étape de l'autorisation peut servir à restreindre ou à éliminer les recours non fondés à un stade précoce des procédures. Il est également important de souligner que la Cour a confirmé, pour les recours fondés sur la présentation inexacte des faits en common law, que l'hypothèse de l'efficience du marché des capitaux ne peut se substituer à la nécessité de prouver, sur une base individuelle, le fait qu'on se soit fié à  la présentation inexacte des faits.


1  2012 ONCA 107. Cette décision est examinée dans notre Actualité Osler datée du 23 février 2012.

2  Cette décision est examinée dans notre Actualité Osler datée du 2 août 2012.

3  2012 ONSC 3637. Cette décision est examinée dans notre Actualité Osler datée du 5 juillet 2012. 

 

Authored by Laura Fric, Kevin O’Brien, Robert Carson