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Une décision de la Cour d’appel du Québec constitue une importante victoire pour les franchiseurs

Auteur(s) : Éric Préfontaine, Jennifer Dolman, Gillian S.G. Scott

3 juin 2014

Dans ce qui représente une victoire pour les franchiseurs, la Cour d’appel du Québec a confirmé l’application de la doctrine de l’indivisibilité contractuelle dans un contexte de franchisage, accordant d’importants dommages pour perte de redevances à la suite du bris de contrats de franchise.

Contexte

Le 25 avril 2014, la Cour d’appel du Québec a rendu sa décision dans l’affaire Les billards Dooly’s inc. c. Les entreprises Prébour ltée, 2014 QCCA 842. Le franchiseur, Les billards Dooly’s inc. (Dooly’s) a intenté l’action sous-jacente sur la base que le franchisé, Les entreprises Prébour ltée (Prébour), avait violé une série d’ententes visant l’ouverture de deux franchises Dooly’s. Les ententes incluaient deux offres d’achat de franchises, deux contrats de franchise et une entente de partenariat (les ententes initiales). Conformément aux ententes initiales, Prébour a entrepris de convertir un établissement de Hull en franchise Dooly’s pour une période d’essai d’un an, et d’ouvrir une nouvelle franchise Dooly’s dans le secteur de Gatineau pour une période de dix ans (ensemble, les franchises Dooly’s). En raison de circonstances externes, Prébour a été incapable d’ouvrir les franchises Dooly’s avant la date convenue et les parties ont conclu une nouvelle entente le 23 novembre 2004 (le protocole) pour réaffirmer l’intention des parties de poursuivre l’ouverture planifiée des franchises Dooly’s. Des progrès ont été réalisés par la suite pour l’ouverture des franchises Dooly’s, mais en avril 2005, Prébour a tenté de mettre fin à sa relation avec Dooly’s. Le 26 juillet 2005, Dooly’s a intenté une action en dommages-intérêts en vertu des ententes initiales et du protocole, incluant une réclamation pour la totalité des redevances impayées.

Jugement

La Cour supérieure a jugé que les contrats de franchise conclus dans le cadre des ententes initiales avaient été résiliés le 30 avril 2004 et le 1er octobre 2004, pour les secteurs de Gatineau et de Hull respectivement, à la lumière des clauses fixant une date butoir pour l’ouverture des salons de billard. Cependant, elle a accordé des dommages-intérêts à Dooly’s pour les frais de franchise impayés et un montant pour la valeur des biens dont Dooly’s aurait été copropriétaire en vertu des ententes initiales. Dooly’s a interjeté appel, en partie sur la base que les ententes initiales dans leur ensemble, avec le protocole, régissaient les relations entre les parties et que Dooly’s avait droit aux bénéfices perdus en raison du défaut de Prébour d’ouvrir les franchises Dooly’s. Prébour a interjeté un appel incident, contestant les dommages-intérêts accordés à l’égard de la valeur des actifs achetés en commun.

La Cour d’appel a accueilli en partie l’appel de Dooly’s. Infirmant la décision de la Cour supérieure à l’égard de la résiliation automatique des ententes initiales, la Cour d’appel a indiqué que les ententes initiales demeuraient exécutoires et qu'en vertu du protocole, Prébour devait donc à Dooly’s une année de redevances pour l’une des franchises de Dooly’s et dix années de redevances pour la deuxième, en plus d’une partie des frais de franchise accordés par la Cour supérieure. Il est intéressant de noter que bien que la Cour d’appel était disposée à accorder un montant plus élevé, elle a limité les dommages-intérêts accordés à 250 000 $ puisque Dooly’s avait limité sa réclamation à ce montant dans son mémoire d’appel. L’appel incident de Prébour est devenu sans objet puisque la Cour d’appel a calculé les dommages-intérêts en fonction du protocole uniquement.

Aspects clés et répercussions

En parvenant à la conclusion que des redevances était payables à Dooly’s, la Cour d’appel a appliqué la doctrine de l’indivisibilité contractuelle – une doctrine rarement appliquée au Québec. Cette doctrine veut que lorsqu’un contrat est conclu dans le cadre d’une série de contrats connexes, pour déterminer l’intention commune des parties, la Cour ne peut pas tenir compte du contrat séparément, mais doit en tenir compte dans le contexte de l’ensemble des contrats connexes. En appliquant cette doctrine, la Cour d’appel a indiqué que les ententes initiales et le protocole étaient clairement liés et complémentaires, ayant été conclus dans le but d’ouvrir les franchises Dooly’s, et qu’ils doivent par conséquent être pris en compte ensemble. La Cour d’appel a ensuite examiné la conduite des parties après la conclusion des ententes initiales et a conclu que leur volonté de prolonger les dates butoirs bien après les dates initialement convenues pour l’ouverture des franchises Dooly’s reflétait l’intention de continuer de travailler ensemble d’une façon plus souple sans s’en tenir à des échéanciers formels. Les contrats de franchise dans les ententes initiales ont donc été considérés en vigueur, malgré le fait que les parties n’aient pas respecté les échéances prévues pour l’ouverture, et il a été jugé que des redevances étaient par conséquent dues pour les périodes convenues dans le protocole, soit dix années pour l’une des franchises Dooly’s et une année pour l’autre. Il s’agit d’une importante victoire pour les franchiseurs au Québec, puisqu'ils ont rarement obtenu des victoires de cette envergure.

 

Rédigé par Éric Préfontaine, Gillian S.G. Scott, Jennifer Dolman, Kerianne Wilson