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Chalandage fiscal - L’OCDE publie un projet de rapport révisé sur l’action 6 du plan d'action BEPS

25 mai 2015

Le 22 mai 2015, dans le cadre de son Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), l’OCDE a publié un projet de rapport révisé intitulé BEPS Action 6: Prevent Treaty Abuse  (le projet de convention de 2015), dans le but d’obtenir des commentaires à ce sujet. Sans être définitives, les propositions et les conclusions contenues dans le projet de convention de 2015 semblent indiquer quelles seront certaines des recommandations finales du projet BEPS concernant les modifications des conventions fiscales visant à empêcher le chalandage fiscal et d’autres formes perçues d’utilisation abusive des conventions fiscales.  Si elles sont adoptées, ces modifications pourraient limiter considérablement les avantages qu’offrent les conventions fiscales à bon nombre de sociétés, d’investisseurs et de fonds et entraîner une augmentation importante du nombre de différends en matière de fiscalité internationale.  Les commentaires sur le projet de convention de 2015 seront acceptés jusqu’au 17 juin 2015.

Voici les principales propositions et conclusions contenues dans le projet de convention de 2015 :

  • Une nouvelle règle « simplifiée » de limitation des avantages.

  • Une recommandation sur le droit des véhicules de placement collectif (VPC) aux avantages prévus par une convention.

  • D'autres travaux à mener pour préciser les cas où les avantages prévus par une convention devraient s’appliquer aux fonds autres que des VPC, comme les caisses de retraite, les fonds souverains, les sociétés de placement immobilier, les fonds de capital d’investissement et les fonds de couverture.

  • La poursuite de l’étude de la règle relative aux avantages dérivés et d’autres questions liées à la règle de limitation des avantages.

  • Des exemples de cas où les avantages prévus par une convention devraient être refusés au titre de la règle de l’objectif principal proposée.

  • Des exemples d’application de la « règle de l’objectif principal de l’entité relais » remplaçant la règle de limitation des avantages.

  • Le refus de certains avantages prévus par une convention à l'égard de revenus admissibles à un régime fiscal spécial.

  • La capacité d’annuler les avantages prévus par une convention suivant certaines révisions aux lois nationales.

  • D'autres travaux à mener sur les règles visant à refuser les avantages prévus par une convention lorsque l’établissement stable se trouve dans un pays tiers.

Contexte

Le Plan d’action BEPS, publié en juillet 2013, présentait 15 actions à l’égard du BEPS et fixait des échéances pour leur mise en œuvre. L’action 6 du Plan d’action BEPS consiste à élaborer des règles pour les conventions et de recommander des règles nationales pour prévenir l’octroi d’avantages prévus aux conventions dans des situations où cela est inapproprié. En septembre 2014, l’OCDE a publié un rapport sur l’action 6 (le rapport de 2014) recommandant que les pays du G20/de l’OCDE adoptent certaines mesures dans leurs conventions fiscales bilatérales pour contrer l’utilisation abusive des conventions fiscales, y compris une règle complète et détaillée sur la limitation des avantages ou une règle de l’objectif principal. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez le Bulletin d’Actualités Osler du 16 septembre 2014. Le rapport de 2014 présentait des modèles de règles de limitation des avantages et du critère de l’objectif principal ainsi qu’un projet de commentaire sur les règles, notant qu’il y avait consensus que, à titre de norme minimale, les pays devraient convenir de ce qui suit :

  1. inclure dans leurs conventions fiscales un énoncé explicite indiquant que leur intention commune n’est pas de créer des occasions de non-imposition ni de réduire l’imposition grâce à l’évasion fiscale ou à l’évitement fiscal, y compris grâce au chalandage fiscal;

  2. mettre en œuvre cette intention commune par une règle de limitation des avantages ou par un critère de l’objectif principal, ou la combinaison des deux, ou encore une seule de ces règles, mais avec une règle de limitation des avantages autonome devant être complétée par un mécanisme visant à contrer les entités relais.

Le rapport de 2014 a été publié sous forme de projet plutôt qu'en version définitive, puisque l'OCDE a noté que des travaux plus poussés étaient requis sur certains sujets.

En novembre 2014, l’OCDE a publié le document de travail intitulé Follow-up work on BEPS Action 6: Preventing Treaty Abuse (le projet de convention de 2014), qui a fait le suivi sur les principaux éléments en suspens soulevés dans le rapport de 2014.  Consultez le Bulletin d’Actualités Osler sur les incidences du projet de convention de 2014 sur les VPC et les fonds autres que des VPC.  De nombreux contribuables et autres parties prenantes ont fait parvenir leurs commentaires à l’OCDE, autant sur le rapport de 2014 que sur le projet de convention de 2014.  Le Canada s’est engagé avec les autres pays du G20 à terminer les travaux sur le projet BEPS en 2015.

En sus des développements à l’OCDE sur les mesures visant à lutter contre l’utilisation abusive des conventions fiscales, le budget fédéral de 2014 du Canada avait proposé une règle nationale anti-chalandage fiscal qui aurait refusé les avantages découlant d’une convention dans certaines circonstances. Toutefois, après la tenue de consultations sur la règle nationale proposée, le Canada a annoncé, le 29 août 2014, qu’il attendrait plutôt la poursuite des travaux de l’OCDE et du G20 sur le projet BEPS. Le budget fédéral de 2015 du Canada a souligné que le maintien de la compétitivité du régime fiscal canadien demeurait la priorité du gouvernement et que toute action future menée par le gouvernement dans ce domaine viserait à renforcer la compétitivité fiscale du Canada, tout en restant fidèle à son engagement continu envers l’équité fiscale internationale.

Projet de convention de 2015

Le projet de convention de 2015 contient une nouvelle règle simplifiée proposée sur la limitation des avantages et, en abordant des sujets précis mentionnés dans le projet de convention de 2014, contient aussi des propositions et, dans certains cas, des conclusions, sur les principales questions en suspens mentionnées dans le rapport de 2014. 

Nouvelle règle simplifiée de limitation des avantages

La partie 1 du projet de convention de 2015 présente une règle « simplifiée » proposée de limitation des avantages. Les deux versions, détaillée et simplifiée, de la règle de limitation des avantages sont, de manière générale, calquées sur les dispositions relatives à la limitation des avantages déjà inscrites dans la plupart des conventions fiscales américaines et sont conçues pour refuser les avantages prévus par une convention fiscale lorsqu’une personne, qui est par ailleurs admissible à titre de résident d’un pays visé par la convention, n’a pas de lien suffisant avec ce pays, selon des critères objectifs (comme la propriété détenue en majorité par des résidents du pays ou un lien commercial suffisant avec le pays). La règle simplifiée de limitation des avantages reprend la plupart des principes de base de la règle détaillée, notamment une liste des « personnes admissibles » à tous les avantages découlant d’une convention et des possibilités d’accéder à certains avantages, dont une exception visant les entreprises exploitées activement, une exception visant les avantages dérivés et un allègement accordé à l’autorité compétente.  Au-delà de ces similitudes, on note d’importantes différences, qui sont présentées dans le tableau ci-dessous :

 

 

 

Règle détaillée de limitation des avantages

Règle simplifiée de limitation des avantages

 a)

Statut de personne admissible accordé aux entités cotées en bourse

Exigence que la catégorie principale d’actions soit négociée couramment sur une bourse reconnue pendant l’année d’imposition applicable

Exigence semblable, mais sans précision quant à la période

 

 

La bourse doit être située dans le pays de résidence de l’entité, ou le pays où la société a son siège de direction principal

La bourse doit être située dans l'un ou l'autre des États contractants ou être la bourse dont peuvent convenir les autorités compétentes

 b)

Statut de personne admissible accordé aux filiales d'entités cotées en bourse

Exigence qu’au moins 50 % des droits de vote et de la valeur des actions (et de toute « catégorie d’actions disproportionnée ») de l’entité soient détenus directement ou indirectement par un maximum de cinq entités cotées en bourse satisfaisant au critère mentionné ci-dessus, et autre exigence possible que tout propriétaire intermédiaire soit résident de l’un des États contractants

Les personnes admissibles doivent posséder, directement ou indirectement, plus de 50 % des intérêts bénéficiaires de la personne (le critère de propriété indirecte)

Contrairement à la version détaillée de la règle de limitation des avantages, la version simplifiée englobe dans les propriétaires admissibles tous les types de personnes admissibles, et pas seulement les entités cotées en bourse

 c)

Statut de personne admissible accordé à d’autres entités

Les entités qui ne satisfont pas aux critères mentionnés aux points a) ou b) sous « Règle détaillée de limitation des avantages » peuvent être considérées comme des personnes admissibles si elles respectent un critère détaillé de propriété et d’érosion de la base d’imposition (ou qu’elles correspondent aux catégories décrites aux points d), e) ou f))

Le critère de propriété indirecte s’applique

Aucune catégorie de propriété ou d’érosion de la base d’imposition pour les personnes admissibles

 d)

Statut de personne admissible accordé aux organismes sans but lucratif (OSBL)

Espace réservé permettant aux États contractants d’insérer les types d’OSBL qui seront des personnes admissibles

Sujet non traité – sauf si l’OSBL émet des droits de bénéficiaire dont la propriété peut être évaluée selon le critère de propriété indirecte

 e)

Statut de personne admissible accordé aux caisses de retraite et à leurs véhicules de placement

Les entités exploitées exclusivement pour administrer ou fournir des prestations de retraite et qui appartiennent au moins à hauteur de 50 % à des particuliers résidents de l’un des États contractants, ainsi que leurs véhicules de placement, sont des personnes admissibles

Sujet non traité expressément, mais vraisemblablement évalué selon le critère de propriété indirecte

 f)

Statut de personne admissible accordé aux VPC

Facultatif : Les État contractants peuvent insérer des conditions pour que les VPC soient des personnes admissibles

Sujet non traité expressément, mais vraisemblablement évalué selon le critère de propriété indirecte

 g)

Critère de l'entreprise exploitée activement pour des personnes non admissibles

Critère détaillé selon lequel une personne non admissible peut obtenir certains avantages prévus par une convention si elle est engagée dans l’exploitation active d’une entreprise et qu’elle respecte certaines autres conditions.   Les activités des personnes rattachées sont attribuées au contribuable soumis au critère

Critère semblable, mais visant les personnes « exploitant une entreprise » (plutôt que les personnes « engagées dans l’exploitation active d’une entreprise »). Aucune attribution des activités des personnes rattachées

 h)

Avantages dérivés pour personnes non admissibles

Le rapport de 2014 prévoyait une exception encadrée visant les avantages dérivés lorsque :

  • le contribuable est une société;
  • au moins 95 % des droits de vote et de la valeur de ses actions sont détenus directement ou indirectement par un maximum de sept « bénéficiaires équivalents »;
  • un critère relatif à l’érosion de la base d’imposition selon lequel les paiements déductibles aux personnes autres que les bénéficiaires équivalents doivent rester sous un seuil donné

Les avantages dérivés s’appliquent à toutes les personnes autres que les particuliers (pas seulement les sociétés).  Le critère est respecté lorsque les bénéficiaires équivalents possèdent, directement ou indirectement, plus de 75 % des capitaux propres de la personne.  Contrairement à la règle détaillée de limitation des avantages, il n’y a pas d’exigence que tous les propriétaires intermédiaires (le cas échéant) soient des bénéficiaires équivalents.

 


Comme la règle simplifiée de limitation des avantages semble avoir trouvé un appui au sein de l’OCDE comme option viable à une règle plus détaillée, le projet de convention de 2015 propose que, lorsque le modèle de convention fiscale de l’OCDE sera modifié de façon à inclure un nouvel article sur la limitation des avantages, le texte de la convention ne comprenne pas de véritable disposition de modèle de convention.  Le modèle de convention fiscale ne contiendra plutôt que des espaces entre crochets donnant une brève indication des types de dispositions relatives à la limitation des avantages que les États contractants pourraient adopter; les versions de ces dispositions approuvées par l’OCDE seront présentées dans les commentaires de l’OCDE accompagnant la convention (les commentaires de l’OCDE).  Cette démarche inhabituelle de « rédaction » d’un article entier d’un modèle de convention de l’OCDE reflète l’absence de consensus au sein des États membres de l’OCDE sur la conception et le niveau de détail appropriés de la clause relative à la limitation des avantages.

Questions soulevées dans le projet de convention de 2014

La partie 2 du projet de convention de 2015 présente le résultat des travaux de suivi de l’OCDE sur les questions soulevées dans le projet de convention de 2014, ainsi que de nouvelles propositions portant sur des régimes fiscaux spéciaux et des modifications aux lois nationales après la conclusion d’une convention. 

A.  Questions relatives à la limitation des avantages

1.  Véhicules de placement collectif : application de la limitation des avantages et droit aux avantages découlant d’une convention

Les VPC sont des fonds détenus par un grand nombre de porteurs, qui détiennent un portefeuille diversifié de titres et qui sont assujettis à la réglementation sur la protection des investisseurs dans le pays où ils sont établis. Dans un rapport publié en 2010 intitulé The Granting of Treaty Benefits with Respect to the Income of Collective Investment Vehicles (octroi d’avantages prévus par les conventions à l’égard des revenus de véhicules de placement collectif) (le rapport sur les VPC), l’OCDE a fourni plusieurs critères visant à éviter que les avantages prévus par les conventions soient refusés à des VPC dont le capital est largement réparti entre des investisseurs qui seraient eux-mêmes admissibles à des avantages équivalents.  Le rapport sur les VPC a été complété par le projet de Traité d’assistance et d’amélioration de la conformité (TRACE) de l’OCDE, qui vise à faciliter la certification aux payeurs de paiements pouvant faire l'objet de retenues (c.-à-d. les dividendes et les intérêts) du statut aux termes de la convention des véritables propriétaires, dans des situations où des chaînes d'intermédiaires (comme des courtiers et des agences de compensation et de dépôt) se trouvent entre le payeur et les véritables propriétaires. 

Le rapport de 2014 contenait une catégorie « personne admissible » facultative pour les VPC, que les pays étaient libres d’insérer ou non, selon ce qu’ils pensaient de la clarté du statut de personnes admissibles des VPC dans leur territoire de compétence.  Pour les pays qui souhaiteraient traiter expressément des VPC dans la règle de limitation des avantages, le rapport de 2014 offrait plusieurs choix de clauses de limitation des avantages qui reflétaient les clauses de résidence visant les VPC présentées dans le rapport sur les VPC. 

Depuis la publication du rapport de 2014, l’OCDE s’est penchée sur des solutions de rechange à l’égard des VPC et a étudié la faisabilité et la pertinence d’emprunter une démarche uniforme en ce qui a trait au droit aux avantages des VPC (que ce soit dans le cadre de la règle de limitation des avantages ou de manière plus générale), en tenant compte du projet TRACE.

Le projet de convention de 2015 conclut qu’il n’est pas nécessaire d’apporter d’autres modifications au rapport de 2014 pour traiter de la question du droit des VPC aux avantages prévus par une convention, puisque le rapport de 2014 traitait de l’application de la règle de limitation des avantages aux VPC d’une manière qui reflétait les conclusions du rapport sur les VPC, qui avait recueilli l’appui général du public.  Il s’agit moins d’une conclusion sur une démarche uniforme qu’une adhésion au principe général selon lequel les revenus de VPC devraient être admissibles aux avantages prévus par une convention lorsque ces revenus donneraient droit à des avantages semblables s’ils étaient reçus directement par les investisseurs des VPC; c’est aussi un témoignage de l’appui en faveur des diverses options fournies par le rapport sur les VPC et le rapport de 2014 aux États contractants pour mettre en œuvre ce principe général.  L’OCDE note que la mise en place des recommandations du projet TRACE par les pays est importante pour l’application pratique de ces options.  

2.  Fonds autres que des VPC : application de la règle de limitation des avantages et droit aux avantages découlant d’une convention

Les organismes autres que les VPC comprennent un vaste éventail de fonds, y compris les caisses de retraite et les fonds souverains (et les filiales des sociétés de placement des deux), les sociétés de placement immobilier, les fonds de capital d’investissement et les fonds de couverture.  L’OCDE n’a pas encore tranché les questions liées au droit des organismes autres que les VPC aux avantages découlant d’une convention.  On peut lire les commentaires suivants dans le projet de convention de 2015 :

  • Un renvoi au rapport de 2008 de l’OCDE sur le droit des sociétés de placement immobilier aux avantages découlant d’une convention devrait être ajouté aux commentaires de l’OCDE à l’intention des États contractants qui s’interrogent sur la façon d’aborder les questions du pays de résidence aux fins d’une convention et de la limitation des avantages dans le cas de fonds à capital largement réparti.(Le rapport de 2008 sur les sociétés de placement immobilier avait approuvé de manière générale le traitement des sociétés de placement immobilier en tant que résidents aux fins d’une convention, même si elles ne payaient pas d’impôt dans leur pays de résidence parce que leurs revenus étaient distribués et imposés entre les mains de leurs investisseurs.Le rapport donne très peu d’indications sur l’effet de la propriété étrangère des sociétés de placement immobilier sur leur droit aux avantages prévus par une convention.)

  • Il serait utile de préciser dans le modèle de convention de l’OCDE que les caisses de retraite (imposables et exonérées d’impôt) sont des résidentes des États contractants.

  • L’OCDE reconnaît l’importance économique des fonds autres que des VPC et la nécessité de s’assurer que ces fonds ont accès aux avantages prévus par une convention, s’il y a lieu; c’est pourquoi les travaux devraient se poursuivre pour trouver des solutions aux problèmes d’accès aux avantages découlant d’une convention pour les fonds autres que des VPC.

  • Ces travaux devront toutefois aborder deux préoccupations générales qu’ont les gouvernements à propos de l’octroi des avantages découlant d’une convention à des organismes autres que les VPC : le recours possible à ces organismes dans le but de fournir les avantages prévus par une convention à des investisseurs qui n’y ont eux-mêmes pas droit, et le report possible par les investisseurs de la comptabilisation des revenus à l’égard desquels les avantages ont été accordés.

3.  Commentaire sur la disposition d’allégement discrétionnaire de la règle de limitation des avantages

La règle de limitation des avantages présentée dans le rapport de 2014 comprend une disposition qui accorde à l’autorité compétente d’un État contractant la discrétion d’octroyer les avantages prévus par une convention dans certaines situations où un résident d’un État contractant n’aurait pas droit à ces avantages au titre de la règle de limitation des avantages (la disposition d’allégement discrétionnaire).  Le projet de convention de 2015 note un certain nombre de commentaires du public sur la rédaction et l’administration de la disposition d’allégement discrétionnaire, qui auraient précisé son application et circonscrit sa portée.  Dans l’ensemble, le projet de convention de 2015 reporte l’examen de ces propositions à une date ultérieure. 

Le projet de convention de 2015 propose certaines modifications limitées aux commentaires proposés de l’OCDE sur la disposition d’allégement discrétionnaire, notamment :

  • La propriété d’un résident d’un pays visé par une convention par un résident d’un pays tiers, qui (si les revenus avaient été gagnés directement) aurait eu droit à des avantages semblables ou supérieurs à ceux prévus par la convention, ne suffira pas à donner droit à l’allégement discrétionnaire.

  • Les demandes d’allégement discrétionnaire devraient être traitées dans les meilleurs délais.

  • En autant que l’autorité compétente ait exercé sa discrétion pour traiter la demande d’allègement conformément aux exigences de la disposition d’allégement discrétionnaire, on ne peut pas considérer que la décision de l’autorité compétente est une action qui entraîne une imposition non conforme aux dispositions de la convention pertinente.

La troisième modification ci-dessus semble avoir pour but d’empêcher un contribuable d’invoquer la « procédure amiable » prévue à l’article 25 à la suite d’un refus d’allègement au titre de la disposition d’allégement discrétionnaire. Cela paraît quelque peu injuste, car la procédure amiable de l’article 25 met généralement à contribution les deux autorités compétentes, alors que l’autorité compétente du pays de résidence pourrait ne pas avoir participé à la demande d’allègement refusée au titre de la disposition d’allégement discrétionnaire.

4.  Exigence que chaque propriétaire intermédiaire soit un résident de l’un des États contractants

Il y a deux cas dans la règle de limitation des avantages contenue dans le rapport de 2014 où la propriété indirecte d’une entité par certaines personnes peut permettre à l’entité d’obtenir le statut de « personne admissible » ou de profiter de l’exception visant les avantages dérivés, mais seulement si chaque propriétaire intermédiaire dans la chaîne de propriétaires respecte certaines conditions liées au pays de résidence aux fins de la convention.  Dans chaque cas, la condition applicable aux propriétaires intermédiaires était présentée entre crochets, car certains États estimaient que ces exigences supplémentaires étaient trop restrictives.

Bien que l’OCDE ait reçu des commentaires du public suggérant de retirer ou d’alléger les conditions applicables aux propriétaires intermédiaires, l’OCDE estime que ces dispositions sont nécessaires pour empêcher l’octroi d’avantages découlant d’une convention à des structures ayant des intermédiaires domiciliés dans des paradis fiscaux.   

5.  Questions liées à la disposition relative aux avantages dérivés

La règle de limitation des avantages présentée dans le rapport de 2014 comportait une disposition détaillée relative aux avantages dérivés décrite dans le tableau ci-dessus, selon laquelle une personne non admissible aurait généralement droit à certains avantages prévus par une convention lorsqu’elle est détenue par un nombre restreint d’investisseurs qui ont droit à des avantages semblables ou supérieurs.  La disposition relative aux avantages dérivés a été mise entre crochets, parce que l’OCDE s’inquiétait de l’utilisation abusive possible des conventions fiscales. 

Le projet de convention de 2015 fournit le détail d’un grand nombre de commentaires du public qui, s’ils sont appliqués, simplifieraient le respect de la disposition relative aux avantages dérivés.  Le projet de convention de 2015 ne répond pour ainsi dire pas à ces commentaires et propose plutôt deux nouvelles dispositions provenant des États-Unis (et intégrées aux modifications proposées à la convention type américaine publiée récemment), qui visent à dissiper les préoccupations des autorités fiscales concernant les avantages dérivés et l’utilisation abusive des conventions fiscales.  Les deux propositions, qui demeurent à l’examen, portent sur de nouvelles dispositions de convention qui :

  • refuseraient les avantages prévus par une convention lorsque les intérêts ou les redevances, et les revenus non traités expressément dans la convention pertinente (autres revenus), sont gagnés par un résident assujetti au « régime fiscal spécial » d’un pays de résidence en vertu duquel les revenus sont imposés à un taux d’imposition très bas, voire nul;

  • autoriseraient un État contractant à mettre fin aux dispositions d’une convention bilatérale concernant les intérêts, les dividendes, les redevances et d’autres revenus dans certains cas lorsque l’autre État contractant modifie ses lois de façon à exempter d’impôt ses sociétés ou ses particuliers à l’égard de pratiquement tous les revenus de provenance étrangère.

6.  Précisions sur la disposition visant les « entreprises exploitées activement »

Le projet de convention de 2015 mentionne de nombreux commentaires du public exigeant des précisions sur certains concepts et conditions énoncés dans la disposition de la règle de limitation des avantages qui permet à une entité qui n’est pas une « personne admissible » d'obtenir néanmoins certains avantages prévus par une convention lorsque cette entité (ou ses personnes rattachées) est engagée dans l’exploitation active d’une entreprise (l’exception visant les entreprises exploitées activement).  Certains commentaires concernaient l’inadmissibilité à l’exception visant les entreprises exploitées activement de certaines entités engagées dans l’exploitation active d’une société de placement. En réponse aux nombreux commentaires reçus sur l’exception visant les entreprises exploitées activement, le projet de convention de 2015 se contente d’exprimer son accord sur le fait que les commentaires de l’OCDE concernant la disposition visant les « entreprises exploitées activement » devraient préciser le concept d’« entreprise », afin de traiter les situations où, par exemple, la même société exercerait à la fois des activités de financement et de fabrication. 

7.   Autres questions liées à la règle de limitation des avantages

Le projet de convention de 2015 aborde également diverses autres questions, dont l’interaction d’une règle de limitation des avantages avec les lois de l’UE (laissant entendre que des solutions de rechange pourraient être offertes pour tenir compte des lois de l’UE sans exiger d’exceptions précises visant l’UE), les dispositions relatives aux « sociétés à double cotation » (sujet qui sera examiné plus en profondeur par l’OCDE), les questions de délais (qui peuvent généralement être réglées par les autorités compétentes) et les conditions d’application de la règle de limitation des avantages aux entités cotées en bourse (accompagnées de suggestions de critères d’admissibilité au statut de « bourse reconnue »). 

B.   Questions relatives à la règle de l’objectif principal 

De manière générale, la règle de l’objectif principal proposée dans le rapport de 2014 refuserait les avantages prévus par une convention lorsqu’il est raisonnable de penser que l’un des objectifs principaux d’un accord ou d’une opération est d’obtenir un avantage découlant d’une convention, à moins qu’il ne soit établi que l’obtention dudit avantage est conforme à l’objet des dispositions de la convention pertinente.  Le projet de convention de 2015 continue de privilégier une démarche très générale à l’égard de la règle proposée de l’objectif principal, qui, combinée à l’interprétation de cette règle proposée par l’OCDE, s’apparente à ce qu’on pourrait qualifier de  « critère d'apparence », qui accorderait aux autorités fiscales une grande discrétion pour contester l’admissibilité aux avantages découlant d’une convention.  Si les modifications proposées sont adoptées, on peut très certainement s’attendre à une hausse notable des différends en matière de fiscalité internationale.

Voici les principales recommandations du projet de convention de 2015 concernant la règle de l’objectif principal :

  • Préciser qu’une personne peut avoir pour « objectif principal » d’obtenir des avantages aux termes d’une convention particulière, peu importe si elle obtient aussi des avantages découlant d’une autre convention ou d’une loi nationale;

  • Les pays pourraient vouloir appliquer la règle de l’objectif principal en suivant un processus semblable à celui concernant les règles générales anti-abus, qui comprend le recours interne aux hauts responsables de l’administration ou un examen par un comité consultatif (comme la démarche suivie au Canada par le comité de la DGAE, qui traite des cas où l’Agence du revenu du Canada devrait appliquer la disposition générale anti-évitement canadienne);

  • Une majorité de pays se sont dits en faveur de l’application d’une règle de l’objectif principal assujettie à des clauses d’arbitrage, mais la question sera étudiée plus en profondeur dans le cadre de l'action 14 du projet BEPS sur le règlement des différends;

  • Un certain nombre de pays ont demandé une plus grande cohérence dans les explications du critère de l’objectif utilisé dans la règle de l’allégement discrétionnaire de la limitation des avantages et la règle de l’objectif principal.Certains ont fait remarquer que l’exception discrétionnaire de la règle de limitation des avantages avait une portée plus étroite; d’autres ont indiqué qu’aucune harmonisation n’était nécessaire (puisque ces pays n’appuient pas du tout l’inclusion d’une règle de l’objectif principal);

  • Un certain nombre de pays se sont dits en faveur d’une règle d’allégement discrétionnaire de la règle de l’objectif principal, tandis que d’autres ont fait remarquer que, dans leur système judiciaire, il serait impossible d’accorder la discrétion requise à l’autorité compétente;

  • Le commentaire portera surtout sur les principes généraux de l’application de la règle de l’objectif principal visant à lutter contre le recours aux sociétés relais pour remplacer la règle de limitation des avantages, en donnant divers exemples, procurant une certaine souplesse aux pays quant à l’élaboration de ces règles (y compris dans le cadre d’une convention ou d’une loi nationale).Les exemples comprendront ceux utilisés dans un échange de lettres entre les États-Unis et le Royaume-Uni;

D’autres exemples ont été fournis pour « préciser » les situations où la règle de l’objectif principal devrait s’appliquer.Malheureusement, ces exemples mettent en évidence l’incertitude inhérente à une règle qui oblige le contribuable à prouver qu’il n’a pas pour objectif principal d’obtenir un avantage fiscal précis, alors que la fiscalité sera toujours à tout le moins un des facteurs considérés dans à peu près n’importe quelle opération.Dans l’un des exemples, la conclusion suppose qu’une entreprise est une « véritable entreprise » utilisant de « véritables actifs » et assumant de « véritables risques », sans donner d’indications sur ce qui serait considéré comme une entreprise, des actifs ou des risques qui ne seraient pas « véritables ».

C.   Autres questions

Voici les principales « autres questions » abordées dans le projet de convention de 2015 :

  • Règles décisives - l’application de la règle décisive d’une convention (qui aborde la question du pays de résidence d’une personne qui serait autrement résidente de deux États contractants) sera clarifiée pour confirmer qu’une personne peut toujours être « résidente » d’un pays pour certaines raisons fiscales (comme pour déterminer si les salaires sont versés par un résident au titre de la convention) même si elle n’a pas droit autrement aux avantages prévus à la convention fiscale (comme lorsque les autorités compétentes ne peuvent s’entendre sur la résidence au titre de la convention).Il a également été convenu que les autorités compétentes devraient être encouragées à traiter « dans les meilleurs délais » les questions relatives au pays de résidence aux fins d’une convention;

  • Règle sur l’établissement stable dans un pays tiers- Il faudrait revoir la règle proposée sur le refus des avantages découlant d’une convention à un établissement stable situé dans un pays tiers.Le rapport de 2014 avait proposé une disposition anti-abus qui pourrait être intégrée aux conventions fiscales, afin d’éviter qu’un pays soit obligé d’accorder les avantages d’une convention alors que les revenus gagnés par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un pays tiers sont a) exonérés d’impôt dans le pays de résidence, et b) imposés dans le pays où se situe l’établissement stable à un taux 60 % inférieur au taux qui s’appliquerait dans le pays de résidence (si aucune exemption pour pays de résidence ne s’appliquait).La règle proposée contenait des exemptions relatives aux revenus tirés d’une entreprise exploitée activement par l’intermédiaire de l’établissement stable ou composés de redevances liées à l’utilisation d’actifs incorporels produits ou fabriqués à l’établissement stable.Le projet de convention de 2015 fait deux modifications à la règle proposée : i) le critère des 60 % mentionné ci-dessus comparera le taux d’imposition effectif dans le pays où est situé l’établissement stable avec le taux général applicable aux sociétés dans le pays de résidence; et ii) à cause de la préoccupation concernant une possible utilisation excessive des conventions, on éliminera l’exemption visant les redevances.Le projet de convention de 2015 mentionne également un certain nombre d’autres questions liées à la règle sur l’établissement stable dans un pays tiers, mais reporte l’examen de ces questions à une date ultérieure;

  • Interactions avec d’autres aspects - la clarification de l’interaction des conventions fiscales et des règles nationales anti-abus, y compris toute nouvelle règle pouvant être adoptée pour tenir compte des recommandations de l’action 2 (montages hybrides), de l’action 3 (règles relatives aux SEC), de l’action 4 (déductions d’intérêts et autres frais financiers) et des actions 8, 9 et 10 (établissement des prix de transfert) du projet BEPS sera étudiée lors de la réunion de l’OCDE qui se tiendra en juin 2015.

Conclusion

Comme dans les travaux précédents de l’OCDE sur l’action 6 du plan d'action BEPS, le projet de convention de 2015 continue de proposer des règles générales visant à limiter considérablement les avantages prévus par une convention, sans paraître se soucier beaucoup de l’effet négatif qu’aura l’incertitude créée par ces modifications sur les investissements transfrontaliers et les différends en matière de fiscalité.  Si nous voyons d’un bon œil la simplification proposée de la règle de limitation des avantages, d’autres questions importantes (comme l’application des avantages découlant d’une convention aux fonds autres que des VPC) demeurent en suspens.  De plus, à en juger par les divers exemples techniques fournis sur l’application de la règle de l’objectif principal, les contribuables auront de la difficulté à présenter les preuves nécessaires pour éviter d’être privés des avantages prévus par une convention. Il sera donc pratiquement impossible pour la plupart des parties sans lien de dépendance de déterminer si des taux de retenue réduits pourraient s’appliquer en vertu d’une convention donnée.  Il est important de continuer de suivre les progrès dans ce domaine, car le rapport final sur l’action 6 du plan d'action BEPS en septembre 2015 recommandera sans doute d’importantes modifications aux conventions fiscales du Canada et d’autres pays.  Il est à espérer que, comme on a pu le lire dans le budget fédéral de 2015, le Canada veillera à ce que toutes les nouvelles mesures prises par le gouvernement canadien dans ce domaine favorisent l’établissement d’un climat propice à la réussite des entreprises et à leur compétitivité sur la scène mondiale.

Pour en savoir plus sur le projet BEPS de l’OCDE et le régime fiscal international du Canada, veuillez communiquer avec l’un des membres de notre groupe de droit fiscal.