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Révision de la structure et de la capitalisation des régimes de retraite : à l’heure de l’innovation au Canada

Auteur(s) : Jonathan Marin

22 septembre 2016

Dans divers territoires du Canada, il est maintenant possible de structurer les régimes de retraite d’autres manières. De nouvelles options font leur apparition alors que de nombreux promoteurs de régimes soucieux de la gestion du risque lié aux régimes de retraite commencent à reconnaître que la structure de leurs régimes peut constituer un outil clé de gestion des risques.

Au cours des dernières années, les régimes de retraite à employeur unique à prestations déterminées (PD) sont devenus de plus en plus impopulaires auprès des employeurs du secteur privé, alors que leurs promoteurs prenaient des mesures pour contrer les risques en matière de financement, de placement et de longévité, entre autres, associés au modèle de régimes à PD classique. À la lumière de ces risques, partout au Canada, les assemblées législatives ont apporté certaines modifications à leurs lois afin de favoriser la restructuration des régimes et de stimuler l’innovation dans le domaine. Le présent article résume certaines des modifications apportées récemment à ces lois.

Modifications touchant la capitalisation des régimes

L’Alberta et la Colombie-Britannique ont adopté des règles prévoyant la création de comptes de réserve de solvabilité (SRA pour Solvency Reserve Account). Les SRA viennent répondre aux préoccupations que peuvent avoir les promoteurs de régimes au sujet du « capital captif », qui a tendance à les décourager de maintenir des régimes à PD. Les SRA servent à recevoir les paiements de déficit de solvabilité effectués aux termes de la composante PD d’un régime de retraite; puisqu’il leur est plus facile de retirer des fonds excédentaires (surplus) des SRA, les promoteurs de régimes seront davantage incités à capitaliser leurs régimes intégralement. En particulier, certains actifs excédentaires peuvent être retirés, sous réserve de l’approbation du surintendant et en conformité avec le cadre de réglementation. La souplesse accrue offerte par les SRA devrait se révéler bénéfique aussi bien pour les promoteurs de régimes que les participants.

Au Québec, d’importants amendements touchant les règles de financement des régimes de retraite à PD sont entrés en vigueur le 1er janvier 2016, à la suite de l’adoption du Projet de loi n57 : Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Parmi tous les amendements, les plus importants sont la suppression de l’exigence relative au financement selon l’approche de solvabilité et le remplacement de celle-ci par la constitution d’une provision de stabilisation. Une provision de stabilisation est un compte de réserve capitalisé au moyen des gains actuariels, de cotisations additionnelles pour les services rendus au cours de l’exercice et de paiements d’amortissement spéciaux. Le niveau cible sera déterminé par règlement, en fonction du degré de risque de placement posé par la combinaison d’actifs prévue dans la politique en matière de placement du régime. Même si, en raison des cotisations de stabilisation, le coût des services rendus au cours de l’exercice du régime risque d’augmenter, il peut être compensé par la suppression des cotisations de stabilisation. On prévoit que ces amendements aideront à réduire la volatilité du financement pour les promoteurs de régimes.

Certains autres territoires du Canada sont en train d’évaluer le cadre de capitalisation du déficit de solvabilité. L’Ontario a annoncé pour la première fois son intention de revoir un tel cadre dans ses Perspectives économiques et revue financière de 2015. Depuis, en juillet 2016, le ministre des Finances de l’Ontario a publié un document de consultation (le document de consultation) qui traite d’un certain nombre d’options visant à réformer le cadre de capitalisation du déficit de solvabilité. Ces options sont regroupées en deux approches générales : 1) le maintien des exigences de capitalisation selon l’approche de continuité et l’approche de solvabilité, ainsi que l’apport de modifications aux exigences de capitalisation du déficit de solvabilité, et 2) l’amélioration des exigences de capitalisation selon l’approche de continuité et l’élimination des exigences actuelles de capitalisation du déficit de solvabilité. Selon le document de consultation, on prévoit que les réformes proposées liées à la capitalisation seront présentées pour recueillir les commentaires du public à l’automne 2016.

Modifications favorisant la diversification des structures

Les régimes à prestations cibles (PC) continuent de susciter l'attention partout au Canada. Comme il en a été discuté dans des blogues antérieurs (en anglais), les régimes à PC sont à la fois comme les régimes à PD, en ce sens qu’ils regroupent les risques liés à la longévité et au placement, et comme les régimes à cotisations déterminées (CD), en ce sens que les cotisations sont fixes ou variables à l’intérieur d’une fourchette étroite. En fin de compte, les régimes à PC visent à procurer des prestations cibles, tout en offrant aux administrateurs la souplesse dont ils ont besoin pour ajuster les prestations en fonction du degré de capitalisation du régime.

Faisant figure de pionnier dans le domaine au Canada, le Nouveau-Brunswick a lancé son régime à risques partagés étendu en 2012. Le Québec a aussi lancé un régime à PC limité, qui s’applique uniquement au secteur des pâtes et papiers. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont également instauré un régime à PC étendu; les règles relatives aux régimes à PC ont été intégrées dans les nouvelles lois régissant les normes applicables aux régimes de retraite qui sont entrées en vigueur dans ces provinces le 1er septembre 2014 et le 30 septembre 2015, respectivement. De façon similaire au Nouveau-Brunswick, les régimes à PC en Alberta sont une autre option que peuvent envisager les régimes administrés par un syndicat et les autres régimes, aussi bien à employeur unique qu’interentreprises. Toutefois, en Alberta, les régimes à PC ne sont disponibles que pour les services futurs (c.‑à‑d. que les prestations constituées ne peuvent pas être converties). À l’heure actuelle, la Colombie-Britannique se limite aux régimes à PC interentreprises; seuls les régimes interentreprises à coût négocié ont l’autorisation de convertir les prestations constituées, sous réserve du consentement du syndicat concerné. En Saskatchewan, le législateur considère qu’il n’est pas nécessaire de modifier les lois sur les normes applicables aux régimes de retraite pour faire place aux régimes à PC.

À ce jour, l’Ontario et la Nouvelle-Écosse ont adopté des lois (qui ne sont pas encore en vigueur) autorisant les régimes à PC dans certaines circonstances (par exemple, les régimes issus de négociations collectives ou interentreprises). Le ministre des Finances de l’Ontario a aussi publié un document de consultation traitant d’un projet de réforme du cadre réglementaire. Publié en juillet 2015, le document explore diverses réformes possibles pour les régimes de retraite interentreprises à prestations cibles en Ontario.

Dans les autres provinces et au fédéral, le statut des régimes à PC est moins certain, puisqu’aucun cadre réglementaire n’a encore été élaboré à leur égard.

L’un des principaux obstacles à l’innovation en matière de structure des régimes de retraite demeure la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) (Canada) et son règlement d’application (collectivement, les règles de l’impôt sur le revenu). Comme les régimes de pension agréés sont assujettis au régime fiscal fédéral, les régimes de retraite doivent respecter les règles existantes applicables aux régimes à PD, aux régimes à CD ou aux régimes interentreprises déterminés (RID). Les RID sont des régimes à employeurs multiples qui remplissent certaines conditions prévues par les règles de l’impôt sur le revenu. Pour que leur régime soit admissible à titre de RID, les employeurs doivent participer au régime aux termes d’une convention collective et il faut que i) au moins 15 employeurs cotisent au régime ou ii) au moins 10 % des participants au régime soient au service de plus d’un employeur participant. Comme autre condition préalable au statut de RID, les cotisations doivent être versées aux termes d’une formule négociée et elles ne peuvent pas varier en fonction de la situation financière du régime.

Comme vous pouvez l’imaginer, le régime fiscal actuel ne fait pas place facilement aux nouvelles structures. Essentiellement, si un régime de retraite n’est pas un RID ou un régime à CD, il est traité comme un régime à PD à des fins fiscales. Selon la structure du régime, ce traitement fiscal risque fort de ne pas être l’idéal.

Dans son budget d’avril 2015, le gouvernement fédéral s’est engagé à envisager des modifications aux règles de l’impôt sur le revenu « afin de tenir compte correctement des régimes à prestations cibles dans le contexte du système de règles et de plafonds des régimes de pension agréés ». À ce jour, aucune modification n’a encore été apportée.

Bien que des modifications fiscales tenant compte correctement des régimes à employeur unique à prestations cibles soient nécessaires et bienvenues, il ne fait pas de doute que de plus profonds changements sont requis pour réformer le régime fiscal des régimes de pension agréés et ainsi permettre l’innovation en matière de structure des régimes de retraite.