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Le Bureau des brevets canadien publie des directives sur les inventions mises en œuvre par ordinateur et les inventions médicales à la suite de la décision Choueifaty

Auteur(s) : J. Bradley White, Nathaniel Lipkus

Le 10 novembre 2020

Dans la décision Yves Choueifaty v Attorney General of Canada, 2020 FC 837 (Choueifaty, en anglais seulement), comme nous l’avons précédemment rapporté, la Cour fédérale a rejeté la méthode « problème-solution » du commissaire des brevets dans l’interprétation des revendications de brevet, soulignant de nouveau que les revendications de brevet doivent être interprétées en ayant recours à la méthode d’interprétation téléologique à toutes les fins, dont l’évaluation de l’admissibilité de l’objet.

Le 3 novembre 2020, par suite de la décision Choueifaty, Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a publié de nouvelles directives intitulées « Objet brevetable en vertu de la Loi sur les brevets » expliquant comment l’OPIC a l’intention d’appliquer la décision Choueifaty.

Les nouvelles directives de l’OPIC sont destinées à remplacer les directives actuelles du Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB) lors de la détermination de l’objet brevetable des inventions mises en œuvre par ordinateur, des méthodes de diagnostic médical et des utilisations médicales. Plus particulièrement, les parties des chapitres 12, 17, 18, 22 et 23 du RPBB qui font référence à la contribution d’une revendication, à une solution technique à un problème technologique et à l’approche problème et solution dans la détermination des éléments essentiels ne devraient plus être employées.

Méthode de la détermination de l’objet brevetable

Le document des directives de l’OPIC fournit une méthode considérablement remaniée pour déterminer si une revendication est un objet brevetable :

  1. Interprétation d’une revendication de façon téléologique afin de déterminer les éléments essentiels et non essentiels de la revendication. Tous les éléments établis dans une revendication sont présumés essentiels, à moins qu’il n’en soit établi autrement ou que ce soit contraire au libellé employé dans la revendication.
  2. Détermination de l’« invention réelle » de la revendication.
  3. La revendication doit être limitée à l’« invention réelle » ou moins vaste que celle-ci; par ailleurs, l’invention réelle doit être dotée d’une existence physique ou être une manifestation d’un effet ou d’un changement physique discernable et avoir trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles, ce qui signifie des procédés comportant ou visant des sciences appliquées et industrielles.

L’« invention réelle » d’une revendication de la deuxième étape n’est pas nécessairement identique à la revendication interprétée de façon téléologique de la première étape. Seuls les éléments d’une revendication qui apportent une solution à un problème font partie de l’« invention réelle ». 

Inventions mises en œuvre par ordinateur

Selon le document des directives de l’OPIC, une revendication ne sera pas nécessairement un objet brevetable si un ordinateur est un élément essentiel. Pour qu’il s’agisse d’un objet brevetable, l’ordinateur doit collaborer avec d’autres éléments de l’invention revendiquée, et l’« invention réelle » doit être dotée d’une « existence physique ou [être une manifestation d’]un effet ou changement physique discernable et [avoir] trait à un domaine de réalisations manuelles ou industrielles ».

Dans une revendication portant sur un ordinateur qui exécute un algorithme, l’ordinateur sera considéré comme faisant partie de l’« invention réelle » qui résout un problème se rapportant aux réalisations manuelles ou industrielles si l’algorithme améliore le fonctionnement de l’ordinateur. Un ordinateur qui traite un algorithme d’une manière bien connue et qui ne résout pas un problème dans le fonctionnement de l’ordinateur ne sera pas considéré comme un objet brevetable. De plus, une pratique commerciale ne devient pas un objet brevetable simplement parce qu’elle est mise en œuvre à l’aide d’un ordinateur.

Méthodes de diagnostic médical

Les revendications relatives à des méthodes de diagnostic médical qui comprennent une idée abstraite comme élément peuvent constituer un objet brevetable si l’idée abstraite coopère avec les autres éléments de la revendication constituant une seule invention réelle qui a une existence physique ou manifeste un effet ou un changement physique discernable. Selon le document des directives de l’OPIC, un exemple d’objet brevetable serait une revendication portant sur une méthode de diagnostic dont les éléments coopèrent entre eux et qui comprend des moyens physiques pour tester la présence ou la quantité d’un analyte.

Utilisations médicales

Une revendication d’utilisation médicale constituerait un objet brevetable si l’invention réelle a une existence physique ou manifeste un effet ou un changement discernable, à condition que l’invention réelle n’inclue pas une étape de traitement médical ou une étape chirurgicale qui restreint, empêche ou entrave l’exercice des compétences professionnelles et du jugement d’un professionnel de la santé.

Le document des directives de l’OPIC fournit des exemples de l’objet brevetable pour chaque type d’analyse des revendications.

Principaux points à retenir

Les conséquences pratiques des nouvelles directives de l’OPIC restent à voir. La détermination correcte des éléments essentiels par l’OPIC est susceptible d’accroître l’approbation de brevets en général. Toutefois, inclusion d’un libellé de résolution de problèmes et l’introduction du concept d’« invention réelle » peuvent réduire les conséquences de la décision Choueifaty à l’égard des inventions mises en œuvre par ordinateur. Les auteurs espèrent sincèrement que la décision Choueifaty et les directives ultérieures de l’OPIC apporteront la prévisibilité, la clarté et l’équité accrues que la décision laisse présager, alors que l’OPIC commence à appliquer les directives dans les trois catégories d’objets importants.

Nathaniel Lipkus et Geoff Langen ont représenté avec succès l’appelant devant la Cour fédérale dans l’affaire Choueifaty et ont récemment traité de cette décision dans un article intitulé « La Cour fédérale clarifie l’approche canadienne relativement aux objets admissibles à la protection par brevet informatique ».