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La Cour d’appel fédérale décide que les services offerts par Visa à la CIBC sont, à l’égard de la TPS/TVH, des services financiers exonérés, et non des services administratifs

Auteur(s) : Alan Kenigsberg, Roger Smith, D’Arcy Schieman

Le 25 janvier 2021

Le 22 janvier 2021, la Cour d’appel fédérale (CAF) a publié les motifs de l’arrêt Canadian Imperial Bank of Commerce v. The Queen, 2021 FCA 10, qui infirme la décision de la Cour canadienne de l’impôt (CCI) et conclut que les services fournis par Visa à la CIBC étaient, en tant que services financiers, exonérés de la TPS/TVH. La décision a des répercussions importantes sur la définition d’un service financier exonéré aux termes de la Loi sur la taxe d’accise, notamment dans la mesure où cette définition s’applique aux émetteurs de cartes de crédit.

Les faits

La CIBC, émetteur de cartes de crédit Visa, demandait le remboursement de taxes versées par erreur sur les frais qu’elle avait versés à Visa au titre de la fourniture des services qu’elle avait reçus à titre de participant au système de paiement Visa. La banque fondait sa demande sur le fait que la fourniture des services reçus de Visa était une fourniture exonérée, car il s’agissait de services financiers. Le ministre du Revenu national a rejeté les demandes de remboursement.

Dans une opération habituelle réalisée au moyen du système de paiement Visa, le titulaire d’une carte Visa présente sa carte au marchand pour payer, ce dernier transmet une demande d’autorisation à l’acquéreur [à ne pas confondre avec le titulaire de la carte], qui transmet alors la demande à Visa, qui, à son tour, transmet la demande à l’émetteur de la carte (la CIBC). Le processus d’autorisation est pratiquement instantané. Le système assure aussi le règlement quotidien des sommes que doivent respectivement la CIBC à Visa, Visa à l’acquéreur et l’acquéreur au marchand (après déduction des frais d’interchange et des rejets de débit). Visa offre un mécanisme de règlement des différends et couvre également ses clients et titulaires de cartes contre un certain nombre de risques.

La CCI avait conclu que les services de Visa « forment une partie essentielle de la capacité de la CIBC à offrir à ses clients des services fondés sur les cartes de crédit » et « [permettent] aux clients de la CIBC d’acheter des produits et des services partout dans le monde, sans que la CIBC ait à s’entendre avec chaque marchand individuellement pour l’établissement des modalités de paiement ».

La CCI définissait par ailleurs la fourniture comme « la facilitation des opérations entre la CIBC, ses clients, les acquéreurs des marchands et les marchands participants » ou « l’offre d’une plateforme de paiement et la facilitation des paiements au moyen de cette plateforme ». La CCI en concluait que les alinéas a) et l) ou l’alinéa i) de la définition de « service financier » s’appliquaient.

Cependant, la CCI qualifiait aussi la fourniture comme étant « de nature fondamentalement administrative », car « l’avantage que Visa procurait à la CIBC consistait en des réductions de coûts et de la simplification logistique ». La CCI concluait en conséquence que la fourniture était visée par l’exclusion énoncée à l’alinéa t) de la définition de « service financier » et était de ce fait taxable.

L’analyse de la Cour

Devant la CAF, les parties ont convenu que les services s’inscrivaient dans les alinéas inclusifs de la définition de « service financier » (comme l’avait conclu la CCI). De ce fait, l’appel visait à établir si la CCI avait eu raison de conclure que les services étaient exclus de la définition au motif qu’ils n’étaient que de simples « services administratifs » et, dans l’affirmative, si Visa était une « personne à risque ».

La CAF infirme la décision de la CCI en se fondant sur le fait que le juge de première instance a fait des constats contradictoires et inconciliables quant à la nature et à aux effets des services fournis par Visa à la CIBC. La CAF convient avec le juge de première instance, au vu de la preuve, que les services fournis par Visa sont liés aux services financiers fournis par la CIBC, en permettant à celle-ci d’offrir à ses clients des services fondés sur les cartes de crédit. Ce constat est incompatible avec le constat du juge de première instance selon lequel l’avantage que Visa procurait à la CIBC consistait en des réductions de coûts et de la simplification logistique. La CAF en conclut qu’en faisant des constats contradictoires et inconciliables, le juge de première instance a commis une erreur manifeste et capitale. En se fondant sur les constats factuels et bien compris, la CAF conclut que Visa fournit à la CIBC des services financiers exonérés, et non des services administratifs.

La Cour d’appel distingue aussi cette affaire d’une affaire précédente, Great-West Life, au motif que les services fournis par Visa ont modifié la nature profonde des activités de la CIBC, ce qui n’était pas le cas pour les services fournis à la Great-West Life. En tirant cette conclusion, la CAF rejette l’argument de la Couronne selon lequel une carte de crédit n’a rien d’unique, car un prêt ne reste jamais qu’un prêt. Pour la CAF, « considérer qu’une carte de crédit n’est pas différente d’une marge de crédit revient à ignorer les caractéristiques fondamentales d’une carte de crédit – à savoir qu’il s’agit d’un moyen de paiement largement accepté, qui permet à son titulaire d’obtenir un accès pratiquement instantané à du crédit et de l’utiliser à un point de vente pour acheter des biens et services » [traduction].

Étant donné qu’il est évident que les services ne sont pas de nature administrative, la Cour d’appel renonce à examiner si Visa est une « personne à risque » au sens du règlement pris en vertu de la Loi sur la taxe d’accise.

Conclusion

Cet arrêt constitue indiscutablement une victoire pour le contribuable, car il confirme que les services fournis par les réseaux de cartes de crédit comme Visa sont des services financiers et ne sont, de ce fait, pas taxables. Il reconnaît aussi l’importance fondamentale de ces services pour les activités de carte de crédit des institutions financières, en tant qu’activités distinctes des activités de prêt en général.