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BNY Mellon s'est vue infliger une amende de 15 millions de dollars par la SEC dans le cadre d'une série d’enquêtes anticorruption dans le secteur financier

Auteur(s) : Devon Robertson

21 août 2015

Bank of New York Mellon (BNY Mellon) a accepté de payer une amende de 14,8 millions de dollars US à la Securities and Exchange Commission des États-Unis (SEC). Selon la SEC, BNY Mellon a donné des pots-de-vin à des fonctionnaires étrangers d'un fonds souverain d'un pays du Moyen-Orient en offrant trois stages d'étudiant à des membres de leur famille. La SEC a également découvert que BNY Mellon, malgré le fait qu'elle avait un programme écrit de conformité aux lois anticorruption, n'avait pas maintenu des systèmes de contrôle interne adéquats pour assurer la mise en œuvre efficace du programme. Il s'agit de la première affaire découlant d'une série d'enquêtes de la SEC à l'échelle du secteur des fonds souverains et des institutions financières, et d'autres pourraient suivre.

Cependant, l'importance de cette affaire dépasse la sphère de la législation anticorruption étrangère des États-Unis et de son application aux institutions financières américaines, car elle porte à l'attention des institutions financières canadiennes et d'autres entreprises la vaste portée possible des dispositions anticorruption nationales et étrangères applicables dans les propres lois du Canada.

Elle confirme également qu'il est aussi fondamental de se doter de mécanismes de contrôle interne efficaces que d'adopter une politique écrite de déontologie régissant la conduite des activités de l'entreprise, y compris les processus d'embauche.

Principales constatations

Corruption

La SEC a découvert que les pratiques d'embauche de BNY Mellon dans l’affaire en cause contrevenaient à la disposition anticorruption de la loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), en vertu de laquelle il est illégal pour une entreprise d'influencer de façon irrégulière des agents publics étrangers en leur offrant ou en leur donnant « quoi que ce soit de valeur » afin d'obtenir ou de conserver un contrat.

Selon l'ordonnance de cesser et de s'abstenir de la SEC, BNY Mellon a engagé trois stagiaires en dehors du cadre de ses pratiques habituelles afin de remporter un contrat d'un fonds souverain d'un pays du Moyen-Orient. Les stagiaires avaient un lien de parenté avec des hauts représentants du fonds entièrement détenu par l'État. BNY Mellon a engagé les stagiaires après avoir reçu des demandes précises et répétées des représentants et à l'issue de discussions internes ayant mené à une décision selon laquelle les embauches étaient nécessaires pour obtenir un contrat du fonds souverain.

Les stagiaires ont contourné les critères de sélection rigoureux des programmes de stages très concurrentiels de BNY Mellon et leur expérience a dépassé le cadre de ce qui est normalement offert aux stagiaires de BNY Mellon. BNY Mellon a également engagé des frais supplémentaires pour l'organisation des stages. Dans ces circonstances, la SEC a déterminé que les représentants demandeurs avaient « tiré des avantages personnels importants » au profit de membres de leur famille.

Contrôles internes

Outre l'accusation de corruption, la SEC a découvert que BNY Mellon avait omis de mettre sur pied et de maintenir un système suffisant de contrôles internes pour prévenir la corruption.  Plus précisément, la SEC a constaté l'absence de contrôles particuliers relatifs à l'embauche de parents de clients. Les employés disposaient d'un vaste pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision initiale d'embauche, les ressources humaines ne possédaient pas la formation nécessaire pour signaler les embauches potentiellement problématiques et les cadres supérieurs pouvaient approuver les embauches demandées par des représentants étrangers sans examen approfondi préalable. La SEC a indiqué que le système de contrôles internes aurait dû « être conçu en fonction des risques de corruption inhérents à l'embauche de personnes recommandées par des clients ».

Importance

Surveillance accrue des institutions financières et des fonds souverains

L'affaire BNY Mellon est particulièrement importante pour les institutions financières, tant américaines qu'étrangères, qui sont assujetties à la juridiction de la SEC. Dans un communiqué de presse connexe, destiné à envoyer un message clair aux institutions financières et aux fonds souverains, le chef de l'unité de la FCPA de la Division de l'application de la loi de la SEC a déclaré : [traduction] « Les fournisseurs de services financiers sont confrontés à des risques de corruption uniques lorsqu'ils cherchent à obtenir des contrats sur les marchés internationaux, et nous continuerons de surveiller étroitement les secteurs qui ne font pas preuve de vigilance pour assurer le respect de la FCPA ».

À titre de premier règlement d'un cas de non-respect de la FCPA visant les pratiques d'embauche d'une institution financière, l'affaire BNY Mellon offre une illustration utile de la vaste portée des formes de conduite qui peuvent entraîner des sanctions. Comme nous l'avons indiqué précédemment, il s'agit également de la première affaire découlant d'une série d'enquêtes menées par la SEC sur les fonds souverains. Entre autres, il est de notoriété publique que les pratiques d'embauche de Goldman Sachs Group Inc. ainsi que celles de JP Morgan Chase Co. en Chine sont sous surveillance.

Les institutions financières, y compris les institutions financières canadiennes, devraient prendre note des risques de corruption particuliers rattachés aux fonds souverains qui ont été décelés. De nombreuses institutions financières canadiennes sont exposées au risque de mesures d'exécution de la loi tant de la part de la SEC que des autorités d'exécution de la loi canadiennes.

Vaste portée des dispositions législatives anticorruption

Au-delà du contexte législatif des États-Unis, l'affaire BNY Mellon est un exemple de la vaste portée de la conduite ou des activités qui peuvent constituer de la corruption. La Loi sur la corruption d'agents publics étrangers du Canada (LCAPE) est formulée en termes aussi généraux que la FCPA, élargissant la définition de corruption pour y inclure « avantage de quelque nature que ce soit ». La corruption ne se limite pas à l'échange d'argent. Par conséquent, les entreprises canadiennes faisant des affaires à l'échelle nationale et à l'étranger devraient faire preuve de diligence lorsqu'elles évaluent la pleine étendue d'une éventuelle responsabilité en vertu des lois anticorruption, notamment au chapitre des pratiques d'embauche. Alors que la LCAPE s'applique aux pots-de-vin versés à l'extérieur du Canada à des agents publics étrangers, le Code criminel (du Canada) s'applique de façon similaire aux actes commis au Canada.

Importance des systèmes efficaces de contrôle interne

Enfin, en ce qui concerne la portée des dispositions anticorruption, l'affaire BNY Mellon souligne l'importance de se doter d'un système efficace de contrôles internes. Par exemple, les entreprises canadiennes faisant des affaires dans certains pays étrangers peuvent découvrir que des parents de fonctionnaires étrangers constituent nécessairement une partie importante des candidats à des emplois en raison du chevauchement entre le bassin d'employés hautement scolarisés potentiels et ceux qui ont des liens politiques. Dans ces circonstances, il est particulièrement important d'envisager de mettre en œuvre des procédures d'embauche rigoureuses axées sur les risques liés à la corruption.