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Adaptation des règles de procédure à la COVID-19 : suspension des délais de prescription et des dates limites et autres changements temporaires aux processus et à l’accès aux mesures réparatoires

Auteur(s) : Lawrence E. Ritchie, Laura Fric, Carla Breadon

Le 23 mars 2020

Les gouvernements ont annoncé la suspension des audiences non urgentes et la fermeture des tribunaux partout au Canada. Des mesures sont prises qui ont des incidences sur les entreprises, les plaideurs, leur avocat et d’autres personnes.

Suspension des délais de prescription et de procédures

L’Ontario a suspendu les délais de prescription jusqu’à ce que l’état d’urgence de la COVID-19 se termine, par un décret daté du 20 mars 2020, rétroactif au 16 mars 2020. Cela signifie, par exemple, que les délais normaux pour intenter des actions, les signifier et les défendre ont été reportés. Les actions et les autres documents judiciaires peuvent quand même être remplis par voie électronique en Ontario, et certaines parties peuvent tirer avantage de cette option s’ils peuvent le faire.

Le délai de prescription minimal de deux ans pour signifier des actions en Ontario est suspendu, en plus de tous les délais de procédure exigés par les Règles de procédure civile (ou leur équivalent pour les tribunaux administratifs). Cela comprend le délai de six mois pour signifier des actions une fois qu’elles ont été délivrées, les parties qui ont délivré des actions, mais qui ne les ont pas signifiées, avant le 16 mars n’ont pas à rapidement trouver un moyen de signifier les actions aux parties dont les entreprises ferment et qui doivent mettre en place des mesures de distanciation sociale. Toutefois, la suspension des délais de procédure est assujettie au pouvoir discrétionnaire de la cour, du tribunal ou du décideur responsable de la procédure. Dans les jours et les semaines à venir, certains décideurs pourront choisir d’exercer ce pouvoir discrétionnaire pour faire avancer les procédures dans la mesure du possible.

La conduite des arbitrages commerciaux dans le secteur privé sera modifiée : alors que les délais prévus par les lois telles que la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario sont suspendus, les parties devront parler avec leurs contreparties et l’arbitre pour modifier les délais convenus, au besoin.

Le décret pourrait aussi s’appliquer à certains délais relatifs aux différends fiscaux en Ontario. Pour de plus amples renseignements sur l’incidence du décret sur les différends fiscaux en Ontario, veuillez consulter notre mise à jour sur les taxes provinciales, ici.

Le décret a été pris en vertu de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d’urgence, après la déclaration d’état d’urgence en Ontario le 17 mars 2020. L’alinéa 7.1(3)3 de la Loi autorise le lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu’un état d’urgence a été déclaré, à adopter certains décrets pour « facilit[er] la fourniture d’une aide aux victimes de la situation d’urgence » ou « aid[er] d’une autre façon les victimes ou d’autres personnes à faire face à la situation d’urgence et à ses répercussions ». La Loi prévoit qu’une suspension temporaire ne doit pas dépasser 90 jours, mais peut être renouvelée en vertu des paragraphes 7.1(4) et (5). Puisque le Décret précise que la suspension doit rester en place « pendant la durée de la situation d’urgence », les plaideurs peuvent s’attendre à ce que le Décret soit vraisemblablement renouvelé alors que la province demeure en état d’urgence.

Il serait avisé pour les plaideurs dont les actions expireront le 16 mars 2020 de surveiller attentivement l’approche du gouvernement face à cet enjeu, pour traverser le processus lorsque les délais recommenceront à courir.

Le Barreau approuve l’attestation électronique d’affidavits

Le Barreau de l’Ontario a annoncé qu’il interprétera, jusqu’à nouvel ordre, les conditions d’exercice de façon à prendre en compte les difficultés d’exercice auxquelles font face les avocats en raison de la COVID-19. Le Barreau interprétera l’exigence législative qui prévoit que les serments et les déclarations soient faits « en présence du » commissaire de façon à ce que la présence physique ne soit pas requise. Les autres moyens d’attestation, comme l’attestation par vidéoconférence, seront autorisés.

Il s’agit d’un changement total d’opinion longtemps soutenue par les organismes d’autoréglementation professionnels juridiques de l’Ontario, qui reflète qu’il est reconnu partout dans le monde que la situation de la COVID-19 nécessitera la modification des anciennes pratiques, en particulier celles qui comprennent des interactions face-à-face.

Le Barreau a néanmoins souligné certains risques présentés par l’attestation électronique de documents, comme la fraude et le vol d’identité. Ces risques sont probablement faibles dans le contexte d’entreprise, puisqu’ils peuvent être réduits en faisant preuve de prudence et en suivant des pratiques exemplaires typiques de connaissance de vos clients. Les avocats qui font des attestations par voie électronique peuvent songer à prendre les mesures de sécurité suivantes :

  • Demandez au déposant d’envoyer des copies numérisées des pièces d’identité officielles avec photo avant la vidéoconférence, et conservez-les dans un dossier (vous vous assurez ainsi que cette vidéoconférence est faite tout en respectant la législation sur la protection des renseignements personnels);
  • Précisez dans l’affidavit que ce dernier a été confirmé par un serment ou une affirmation solennelle par voie électronique en raison de la COVID-19;
  • Dans la mesure possible, pensez à enregistrer la vidéoconférence avec le consentement de tous les participants.

La volonté du Barreau d’approuver les attestations électroniques malgré les risques reconnus reflète le besoin de flexibilité et de pragmatisme face aux nouveaux défis que pose la COVID-19. Il devrait être noté que le Barreau, à titre d’organisme de réglementation professionnel, ne peut pas modifier l’exigence légale selon laquelle une déclaration doit être faite « en présente du » commissaire – qui, selon le Barreau, reste ambigu quant à savoir si la proximité physique est requise. Bien que dans ses directives le Barreau est clair – cette pratique est maintenant temporairement autorisée du point de vue d’une conduite professionnelle – on ne sait pas encore comment les tribunaux et les organismes de réglementation réagiront à cette approche d’un point de vue de la preuve.

L’attestation électronique est une innovation pratique, qui tient compte de la technologie moderne. Il serait intéressant de conserver et de formaliser cette mesure à l’avenir, puisqu’elle est pratique et moins coûteuse pour les parties. Il serait aussi utile d’envisager d’intégrer ces pouvoirs d’établissement de règles relatifs à l’attestation d’affidavits dans des règlements ou de les déléguer à des organismes de réglementation, plutôt que d’avoir des exigences établies par des lois.

De plus amples renseignements sont disponibles sur le site Web du Barreau : « Foire aux questions sur la gestion de la pratique dans le contexte de la COVID-19 ».

Nous continuerons de surveiller et de communiquer les nouveaux développements pertinents à nos clients et nous réviserons la présente publication, au besoin, en particulier si d’autres provinces ou territoires font des annonces similaires. Pour d’autres détails sur les considérations juridiques et commerciales relatives à la COVID-19, visitez la page sur la COVID-19 d’Osler.