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Le Bureau de la concurrence publie aux fins de consultation ses lignes directrices provisoires sur le maintien des prix

Auteur(s) : Shuli Rodal, Michelle Lally, Kaeleigh Kuzma

4 avril 2014

Le 20 mars 2014, le Bureau de la concurrence (le Bureau) a publié, à des fins de consultations publiques, la version provisoire de ses lignes directrices sur la disposition de maintien des prix qui se trouve à l’article 76 de la Loi sur la concurrence (lignes directrices provisoires). Les lignes directrices provisoires sont la première déclaration officielle du Bureau quant à son approche en ce qui concerne l’application des dispositions civiles relatives au maintien des prix depuis leur adoption en 2009, en même temps que l’abrogation de l’infraction criminelle per se de maintien des prix qui se trouvait auparavant à l’article 61 de la Loi sur la concurrence. Bien que de nouvelles précisions soient souhaitables sur plusieurs aspects, les lignes directrices sont une évolution bienvenue pour les entreprises canadiennes. Plus important encore, les lignes directrices indiquent clairement que le Bureau considère le maintien des prix de revente comme une pratique courante qui peut, dans de nombreux cas, stimuler la concurrence.

Les parties intéressées sont invitées à transmettre leurs commentaires au plus tard le 2 juin 2014.

Contexte

En 2009, la Loi sur la concurrence a été modifiée pour transformer l'infraction criminelle per se de maintien des prix en une pratique susceptible d'examen et répréhensible seulement si elle a eu, ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence. En vertu de l’article 76, le commissaire de la concurrence (le commissaire), ou une partie privée à qui la permission a été accordée, peut présenter une demande de redressement au Tribunal de la concurrence (le Tribunal) s’il peut être démontré que le comportement suivant a ou aura vraisemblablement pour effet de nuire à la concurrence :

  • une personne, directement ou indirectement, soit par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable, a fait monter ou empêché qu’on ne réduise le prix auquel son client ou toute personne qui le reçoit pour le revendre fournit ou offre de fournir un produit ou fait de la publicité au sujet d’un produit au Canada (s.-al. 76(1)a)(i)).
  • une personne, directement ou indirectement, a refusé de fournir un produit à une personne ou catégorie de personnes exploitant une entreprise au Canada, ou a pris quelque autre mesure discriminatoire à son endroit, en raison de son régime de bas prix (s.-al. 76(1)a)(ii)).
  • une personne, soit par entente, menace, promesse ou quelque autre moyen semblable, persuade un fournisseur, en en faisant la condition de leurs relations commerciales, de refuser de fournir un produit à une personne donnée en raison du régime de bas prix de cette personne (paragraphe 76(8)).

Les recours en vertu de l’article 76 sont essentiellement de la nature d'une injonction. Le Tribunal n’est pas habilité à imposer des sanctions pécuniaires, pas plus que des parties privées ne peuvent intenter des poursuites en dommages-intérêts en raison d’une violation de l’article 76.

Même s'il a été clair que le remplacement de la norme criminelle per se par une exigence visant à établir que la pratique a eu « pour effet de nuire » offrirait beaucoup plus de souplesse aux fabricants et aux grossistes dans le cadre de leurs relations avec les clients et d'autres revendeurs de leurs produits, le Bureau n'a pas, jusqu’ici, fourni de lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles il estime que le maintien des prix serait considéré anticoncurrentiel. Ce retard dans la formulation de lignes directrices peut être attribuable au désir d’attendre l’issue du recours intenté par le commissaire en 2010, où il contestait certaines pratiques de Visa et de MasterCard considérées comme des pratiques de maintien des prix contraires au sous-alinéa 76(1)a)(i) de la Loi sur la concurrence. En juillet 2013, le Tribunal a rendu sa décision rejetant la demande du commissaire. Les motifs du Tribunal sont cités à plusieurs reprises dans les lignes directrices provisoires.

Les lignes directrices provisoires

Les lignes directrices provisoires fournissent des directives utiles sur un certain nombre d’aspects clés de l’approche du Bureau quant à l’application de la loi au regard de l’article 76 :

  • La pratique du maintien des prix est reconnue comme pouvant stimuler la concurrence, même lorsque les entreprises qui l’adoptent occupent une présence importante dans le marché. Le Bureau reconnaît sans équivoque que les activités de maintien des prix peuvent stimuler la concurrence dans de nombreuses circonstances. De façon générale, lorsqu’elles « font augmenter la demande » dans un marché, le Bureau estime qu’il est peu probable que les pratiques de maintien des prix posent problème. Par exemple, le Bureau a reconnu que les pratiques de maintien des prix peuvent favoriser des aspects de la concurrence intramarque qui ne sont pas liés au prix, comme la qualité du service et le niveau des stocks, et peuvent également remédier au « resquillage » chez les détaillants. Le Bureau indique également que les pratiques de maintien des prix peuvent stimuler la concurrence entre les différentes marques de produits, facilitant ainsi l’entrée et la croissance des concurrents en encourageant les détaillants à garder en stock les produits d’un fournisseur et à en faire la promotion, ou en incitant les détaillants à renforcer leurs efforts de marketing à l’égard de certains produits.
  • Il est peu probable que le Bureau prenne des mesures d’exécution en vertu de l’article 76 à l’encontre de petits concurrents agissant de façon indépendante. Les lignes directrices provisoires indiquent clairement que le Bureau prendra des mesures d’exécution uniquement lorsque les pratiques de maintien des prix risquent « de créer, de conserver ou de renforcer un pouvoir de marché ». De plus amples précisions seraient utiles pour savoir si le Bureau serait disposé à prendre des mesures à l’encontre de concurrents multiples qui adopteraient une pratique de maintien des prix simultanément et, le cas échéant, dans quelles circonstances il le ferait. Il serait également utile d’avoir plus de détails sur les cas où une pratique de maintien des prix peut « créer » un pouvoir de marché. Toutefois, pour que le Tribunal conclue que la pratique crée un pouvoir de marché, l’entreprise doit généralement détenir une part de marché importante dans un secteur présentant de fortes barrières à l’entrée.
  • Les principaux sujets de préoccupation ont été définis. Le Bureau a déterminé les circonstances bien reconnues dans lesquelles les pratiques de maintien des prix pourraient nuire à la concurrence, éventuellement en vertu d’autres dispositions de la Loi sur la concurrence (p. ex. les articles 45 et 79), ainsi qu'en vertu de l’article 76.
    • Entrave à la concurrence entre fournisseurs. Les fournisseurs peuvent recourir à des pratiques de maintien des prix pour atténuer la concurrence par les prix entre eux ou pour favoriser un accord de fixation des prix.
    • Entrave à la concurrence entre détaillants. Au moins un détaillant peut pousser un fournisseur à adopter des pratiques de maintien des prix pour atténuer la concurrence par les prix entre eux ou pour favoriser un accord de fixation des prix.
    • Exclusion de fournisseurs. Un fournisseur en place peut recourir à une pratique de maintien des prix pour garantir des marges aux détaillants et ainsi s’assurer que ces derniers ne vendent pas les produits de ses rivaux ou de ses nouveaux concurrents. Si cela entraîne pour les fournisseurs concurrents une forclusion des canaux de distribution en aval, cette mesure peut limiter la capacité de ces fournisseurs à discipliner les prix de gros dudit fournisseur si bien que celui-ci serait en mesure d’exiger un prix supérieur à celui qui pourrait être soutenu en l’absence de cette pratique.
    • Exclusion de détaillants. Une personne peut pousser un fournisseur à adopter une pratique de maintien des prix dans le but d’exclure la concurrence posée par des magasins de rabais ou des détaillants plus rentables.

Les lignes directrices provisoires contiennent quelques exemples hypothétiques pour aider les entreprises à mieux comprendre la façon dont les dispositions sur le maintien des prix sont appliquées. Ces exemples hypothétiques portent sur l’exclusion de fournisseurs, le refus de fournir un détaillant et le fait de persuader un fournisseur de refuser de fournir un produit à une autre personne.

 

Authored by Michelle Lally, Shuli Rodal, Kaeleigh Kuzma