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Le Bureau de la concurrence souligne l’importance d’une approche proactive pour promouvoir la conformité et gérer le risque lié à la Loi sur la concurrence

Auteur(s) : Shuli Rodal, Michelle Lally, Kaeleigh Kuzma

16 octobre 2014

Les contraventions à la Loi sur la concurrence du Canada exposent les entreprises et leurs administrateurs, dirigeants et employés à de lourdes amendes et à la possibilité de peines d’emprisonnement et d'actions privées (individuelles ou collectives) réclamant des dommages-intérêts importants. Les risques juridiques, économiques et d’atteinte à la réputation liés à un manquement à la Loi sur la concurrence sont bien réels et doivent être gérés efficacement par les entreprises dans le cadre de leur stratégie globale de gestion des risques.

Reconnaissant l’importance cruciale des programmes de conformité et de la formation sur la gestion des risques liés à la Loi sur la concurrence, le Bureau de la concurrence a publié, le 18 septembre 2014, une mise à jour provisoire de son bulletin intitulé Les programmes de conformité d’entreprise en vue d’obtenir les commentaires du public pendant une période de 60 jours. La version provisoire du bulletin « constitue un guide complet visant à aider toutes les entreprises à élaborer un programme de conformité crédible et efficace ». La version provisoire du bulletin décrit dans les détails les attentes élevées du Bureau en ce qui concerne l’adoption d’une attitude proactive par les entreprises canadiennes afin de favoriser l’émergence d’une culture de la conformité au sein de l’entreprise et l’affectation des ressources nécessaires à la gestion des risques liés à la conformité.

Sept exigences fondamentales d’un programme de conformité efficace

La version provisoire du bulletin décrit en détail sept éléments clés jugés comme étant fondamentaux pour un programme de conformité efficace, ajoutant deux nouveaux éléments aux cinq présentés dans le bulletin Les programmes de conformité d’entreprise de 2010. Les sept éléments essentiels reflètent des principes de conformité généralement admis où figure désormais explicitement la reconnaissance de l’importance cruciale de mettre en place des politiques et des programmes de conformité pour traiter les risques juridiques particuliers auxquels l’entreprise est le plus susceptible de faire face, et d’évaluer l’efficacité du programme de conformité de façon continue.

  1. Engagement et soutien de la direction – Pour qu’un programme de conformité soit efficace, il est essentiel que la direction et le conseil d’administration favorisent activement l’émergence d’une culture de la conformité et manifestent une « détermination claire, continue et sans équivoque à assurer la conformité ». Témoignant de l’importance que le Bureau attache à l’engagement de la haute direction en matière de conformité,la version provisoire du bulletin recommande à toutes les entreprises, à l’exception des plus petites, de nommer un agent de conformité à plein temps responsable des questions de droit de la concurrence, relevant directement du conseil d’administration et chargé de lui faire rapport régulièrement sur les développements en matière de conformité, et de s’assurer qu’il dispose des ressources nécessaires pour remplir efficacement son rôle. Le Bureau s’attend à ce que l’agent de conformité surveille les activités de l’entreprise, offre régulièrement de la formation aux employés, prévoit et effectue des vérifications, documente tous les efforts de conformité et évalue régulièrement le programme de conformité. Dans les faits, même si l’on s’entend sur la nécessité d’un engagement envers la conformité aux plus hauts échelons, il est peu probable que beaucoup d’entreprises nomment un employé à plein temps pour s’occuper directement des questions courantes de conformitéet faire rapport au conseil d’administration. Selon nous, la version provisoire du bulletin devrait donc reconnaître expressément le droit des entreprises de concevoir un programme de conformité adapté à leurs besoins et le fait que, bien qu’il soit préférable de nommer un agent de conformité à plein temps dans le cas de grandes entreprises, un programme de conformité qui n’en prévoit pas ne sera pas nécessairement jugé insuffisant.
  2. Évaluation de la conformité d’entreprise axée sur le risque – Un programme de conformité efficace doit adopter une démarche axée sur le risque. Il s’agit d’un heureux ajout à la version provisoire du bulletin, car il reconnaît expressément qu’il n’y a pas de programme de conformité universel et qu’une démarche efficace à l’égard de la conformité à la Loi sur la concurrence doit cibler les risques particuliers qui pèsent sur une entreprise et s’attacher à éviter les risques les plus graves et les plus probables que court l’entreprise dans ses activités courantes. Cette démarche proportionnée aux risques de conformité tient compte du fait que les entreprises ont besoin de souplesse pour concevoir un programme de conformité efficace, mais attribue également aux entreprises la responsabilité d’affecter les ressources nécessaires à l’élaboration de programmes de conformité adaptés à leur situation, qui prennent en considération, entre autres, la taille de l’entreprise et sa présence sur le marché, la nature du secteur et la culture interne de l’entreprise. La version provisoire du bulletin renferme des suggestions utiles pour guider les entreprises dans la mise en place d’une évaluation des risques liés à la conformité, même s’il est entendu que les entreprises déterminent elles-mêmes dans quels domaines se situent les risques et les meilleurs moyens de les atténuer.
  3. Politiques et procédures de conformité d’entreprise – On s'attend à ce que les entreprises élaborent et présentent des politiques et des procédures qui sont adaptées le plus possible à leurs activités et aux tâches quotidiennes de leurs employés, établissent des mécanismes de contrôle interne visant à empêcher les contraventions à la Loi sur la concurrence, et mettent à jour le programme pour tenir compte de l’évolution de l’entreprise et du secteur.
  4. Formation et sensibilisation – Les entreprises doivent offrir une formation continue pratique et efficace aux employés exposés à un risque de conformité. La version provisoire du bulletin souligne que les « documents seuls ont des limites quant à leur capacité de promouvoir la conformité » et qu’une formation efficace doit s’adapter au « contexte de travail » de l’entreprise et aux « situations particulières qui peuvent se présenter ». Elle fournit également des orientations précises sur le mode et la fréquence de prestation de la formation, par exemple :
  5. La formation devrait être assurée par des spécialistes, et le contenu devrait être le même pour toute l’entreprise afin d’éviter que d’autres employés n’obtiennent une information contradictoire.
  6. Les séances de formation doivent donner aux employés l’occasion d’avoir des discussions de fond et le temps de poser des questions.
  7. La direction devrait jouer un rôle actif en diffusant des messages sur la conformité aux employés.
  8. La formation sur la conformité devrait être obligatoire pour tous les employés exposés à des risques de non-conformité.
  9. Les employés devraient suivre la formation régulièrement pour se rafraîchir la mémoire.
  10. Mécanismes de contrôle, de vérification et de signalement – La version provisoire du bulletin souligne l’importance d’établir une procédure de signalement interne efficace et de s’assurer que l’agent de conformité est libre de mener une enquête approfondie sur tous les problèmes de conformité et de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ou éviter les contraventions. La version provisoire du bulletin formule plusieurs suggestions, dont celles-ci :
  11. Surveiller continuellement ou périodiquement les activités de l’entreprise, au besoin.
  12. Prévoir et effectuer des vérifications internes afin de déterminer si l’entreprise respecte la loi et agir immédiatement pour faire cesser toute contravention à la loi.
  13. Mettre en place une procédure de signalement confidentielle.
  14. Documenter tous les efforts de conformité.
  15. Coopérer avec le gouvernement lorsqu’une infraction survient.
  16. Mesures disciplinaires systématiques et mesures incitatives en matière de conformité – Pour être efficace, un programme de conformité doit établir et appliquer un code disciplinaire pour les employés, y compris les membres de la direction, qui se livrent ou qui participent à des contraventions à la Loi sur la concurrence.
  17. Évaluation du programme de conformité – Chaque entreprise doit évaluer régulièrement son programme de conformité, y compris le volet formation et les documents écrits, pour s’assurer qu’il demeure efficace et qu’il suit l’évolution de l’entreprise, des employés et du secteur.

Les exemples hypothétiques fournis en annexe de la version provisoire du bulletin sont un autre ajout heureux. Ces exemples illustrent la démarche que suit le Bureau afin de procéder à l’examen des programmes de conformité d’entreprise dans le contexte d’enquêtes sur des complots criminels, de questions de publicité trompeuse, de fusions et de la Loi canadienne anti-pourriel (LCAP) (pour en savoir plus sur cette loi, consultez notre page Conformité à la LCAP).

Programme de clémence

S’il est clair que la version provisoire du bulletin vise d’abord à renforcer la prévention de la non-conformité à la Loi sur la concurrence, elle énonce aussi les avantages potentiels de l’adoption d’un programme de conformité efficace en cas de non-conformité. Plus particulièrement, la version provisoire du bulletin décrit un nouveau programme incitatif qui permet à un participant au Programme de clémence1 du Bureau d’obtenir une réduction de l’amende s’il peut faire la preuve qu’il a adopté un programme de conformité crédible et efficace (pour obtenir de plus amples renseignements, lisez le bulletin d'Actualités Osler sur les modifications importantes apportées à la foire aux questions du Programme d’immunité et du Programme de clémence).

Bien qu’aucun détail ne soit fourni sur ce nouveau programme, le Bureau indique clairement que la simple préexistence d’un programme de conformité ne saurait justifier automatiquement la recommandation d’un traitement favorable à une entreprise. Un programme crédible et efficace sera considéré comme une circonstance atténuante au moment de faire des recommandations2 au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) dans le cadre d’une demande formulée en vertu du Programme de clémence, et pourrait aussi avoir une influence favorable sur l’ampleur des mesures prises par le commissaire en cas de contravention aux dispositions civiles de la Loi sur la concurrence. La version provisoire du bulletin précise cependant qu'une entreprise demandant l’atténuation d’une amende en vertu du programme de clémence est tenue d'ouvrir ses dossiers internes à l’agent de conformité en chef du Bureau, afin de démontrer que son programme de conformité est crédible et efficace. En plus de soulever des questions importantes sur la divulgation de renseignements protégés au Bureau, certaines entreprises pourraient s’inquiéter de la transmission de documents sur la conformité au Bureau, surtout si ces documents suivent la recommandation formulée dans la version provisoire du bulletin et décrivent en détail les risques auxquels l’entreprise est exposée.

Conclusion

La décision du Bureau de mettre à jour le bulletin 2010 afin de fournir de nouvelles orientations détaillées sur ce qui constitue un effort de conformité suffisant s’inscrit dans le cadre de la collaboration que le Bureau souhaite établir avec les entreprises canadiennes pour promouvoir la conformité à la Loi sur la concurrence. Elle fournit également une indication claire que le Bureau entend tenir les entreprises responsables du défaut de prendre des mesures adéquates et d’affecter des ressources suffisantes pour prévenir les infractions à la Loi sur la concurrence. Même si une entreprise qui fait face à une allégation de non-conformité à la Loi sur la concurrence peut tirer un certain avantage du fait d’avoir mis en place un programme de conformité solide, il demeure évident que la prévention de la non-conformité est l’objectif et l’avantage principal d’un programme de conformité efficace. Les entreprises canadiennes ont donc tout intérêt à évaluer avec soin l’efficacité de leur programme de conformité existant, afin de déterminer s’il respecte les exigences établies par le Bureau et s’il y a lieu d’y apporter des modifications.

Les parties intéressées sont invitées à transmettre leurs commentaires sur la version provisoire du bulletin au plus tard le 17 novembre 2014.


1 Le Programme de clémence du Bureau prévoit que les personnes ayant enfreint les dispositions de la Loi sur la concurrence relatives aux complots qui se montrent coopératives, mais qui ne sont pas admissibles à l’immunité peuvent néanmoins bénéficier de la clémence au moment de la détermination de leur peine.

2 Même si le Bureau peut faire des recommandations au SPPC concernant l’amende à infliger, rien ne garantit que ces recommandations seront acceptées par le SPPC ou les tribunaux.