Passer au contenu

Conseils en matière antitrust : conséquences de la politique de radiation du gouvernement fédéral pour les entités signant des contrats avec le gouvernement

26 janvier 2015

Le Cadre d’intégrité du gouvernement fédéral (appelé politique de radiation) a des conséquences importantes pour les entités qui sont reconnues coupables ou plaident coupables d’avoir commis certaines infractions à la Loi sur la concurrence, plus particulièrement d’avoir comploté et truqué des offres (se reporter au bulletin Conseils en matière antitrust qui porte sur les cartels et le truquage des offres). En plus de s’exposer à des pénalités potentielles importantes (amendes et peines d’emprisonnement) ainsi qu’à des poursuites en dommages-intérêts privées intentées sous le régime de la Loi sur la concurrence, les parties reconnues coupables ne sont pas autorisées en vertu de la politique de radiation à conclure des contrats avec le gouvernement fédéral pendant une période de 10 ans (un régime similaire s’applique également dans la province de Québec). Par conséquent, pour les parties dont une part importante des revenus découle de contrats conclus avec le gouvernement fédéral (ou la province de Québec), la radiation peut avoir des conséquences économiques encore plus graves que les sanctions prévues par la Loi sur la concurrence.

Les éléments clés de la politique de radiation sont les suivants :

  • Portée : La politique s’applique non seulement aux parties qui sont reconnues coupables de « corruption, collusion, truquage des soumissions ou toute autre activité anticoncurrentielle sous le régime de la Loi sur la concurrence » (en plus de diverses autres infractions qui y sont énumérées, notamment les opérations d’initiés, le blanchiment d’argent et la fraude), mais également aux parties admissibles au Programme de clémence du Bureau de la concurrence pour ces infractions (les entités radiées). Avant novembre 2012, les demandeurs admis au Programme de clémence jouissaient d’une protection contre la politique de radiation; depuis, le processus de prise de décisions pour l’admission au Programme de clémence est devenu beaucoup plus complexe puisqu’il faut maintenant évaluer les conséquences de la radiation comparativement aux pénalités réduites dont peuvent bénéficier les entités qui demandent la clémence. Il y a lieu de préciser que les parties admises au Programme d’immunité du Bureau de la concurrence demeurent exemptées de la politique de radiation (se reporter au bulletin Conseils en matière antitrust qui porte sur le Programme d’immunité et le Programme de clémence).
  • Application : La politique de radiation est appliquée dans le cadre d’un régime d’attestation selon lequel les parties qui répondent à un appel d’offres du gouvernement doivent confirmer ne pas avoir plaidé coupables ni n’avoir été déclarées coupables d’avoir commis des infractions énumérées dans la politique de radiation.
  • Conséquences : À l’échelon fédéral, les entités radiées ne sont pas autorisées à participer à des contrats de construction, à des contrats de produits et services et à des opérations immobilières gérés par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). TPSGC peut choisir de résilier un contrat gouvernemental fédéral attribué à une partie qui devient ensuite une entité radiée. Des dispositions similaires s’appliquent au Québec.
  • Marge de manœuvre/pouvoir discrétionnaire limité : Contrairement à certains régimes similaires en vigueur aux États‑Unis en vertu desquels on dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire au moment de déterminer si une partie sera radiée et d’établir la durée de la radiation (p. ex. en vertu du Federal Acquisition Regulation), la politique de radiation est obligatoire (c.‑à‑d. qu’aucune marge de manœuvre n’est laissée dans l’établissement de la durée ou des modalités de la radiation, sauf dans des cas limités où il y a « exception d’intérêt public » et où il est nécessaire de faire affaire avec une entité radiée pour des raisons d’intérêt public (comme des situations urgentes où aucun autre fournisseur n’est en mesure d’exécuter un contrat et où la sécurité nationale, la santé et la sécurité et/ou un préjudice économique sont en jeu)).
  • Application à des entités liées/affiliés : La politique de radiation s’applique non seulement à l’entité radiée, mais également à toute entité ou à tout particulier qui détient, directement ou indirectement, le contrôle juridique ou de fait de l’entité radiée et peut donc s’appliquer également aux administrateurs de la société ainsi que de ses affiliés ou de ses filiales, peu importe leur territoire de constitution ou l’endroit où ils exercent leurs activités.
  • Application à des infractions commises à l’étranger : La politique de radiation s’applique également aux condamnations prononcées sous le régime des lois étrangères qui sont similaires sur le fond aux infractions commises au Canada dont il est question dans celle‑ci. En d’autres mots, la condamnation ou le plaidoyer de culpabilité d’un affilié étranger à l’égard d’une infraction commise à l’étranger qui est essentiellement similaire à celles qui sont énumérées dans la politique de radiation peut entraîner l’interdiction pour un affilié canadien de faire des affaires avec le gouvernement fédéral canadien. Par exemple, à l’automne 2014, TPSGC a annoncé qu’il examinait l’incidence du plaidoyer de culpabilité d’un affilié russe de Hewlett-Packard à l’égard d’accusations de corruption aux États‑Unis.

En raison de sa vaste portée et des pénalités sévères qu’elle prévoit, la politique de radiation n’est pas passée inaperçue et a fait l’objet d’activités de lobbying de la part de membres du milieu des affaires. Les sociétés qui concluent des contrats avec le gouvernement doivent être bien conscientes des risques que comporte la non‑conformité à la Loi sur la concurrence en vertu de la politique de radiation et il leur est recommandé d’établir et de maintenir une culture de conformité solide dans le cadre de l’exercice de leurs activités tant au pays qu’à l’étranger (se reporter au bulletin Conseils en matière antitrust portant sur cette question).

Pour obtenir de plus amples renseignements au sujet de la politique de radiation et sur les incidences qu’elle pourrait avoir sur vous, veuillez communiquer avec le Groupe du droit de la concurrence et investissement étranger d’Osler.