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De grands changements seront apportés aux seuils d'examen de la Loi sur Investissement Canada, aux exigences en matière de divulgation et aux délais d'examen en matière de sécurité nationale

Auteur(s) : Michelle Lally, Shuli Rodal, Kaeleigh Kuzma

27 mars 2015

Par le Groupe du droit de la concurrence et de l’investissement étranger d’Osler

Le 25 mars 2015, le gouvernement fédéral a publié un règlement longuement attendu en conséquence duquel, à compter du 24 avril 2015, le seuil où l’examen de l’avantage net en vertu de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC ») est déclenché pour les investissements des investisseurs OMC du secteur privé sera fixé à une « valeur d’affaire » de 600 millions de dollars plutôt qu’à une valeur comptable des actifs de 369 millions de dollars, comme c’est le cas actuellement. Ce seuil sera porté à 800 millions de dollars en 2017, puis à 1 milliard de dollars en 2019, après quoi il sera indexé annuellement. Le seuil déclencheur de l’examen de l’avantage net pour les acquisitions qui ne sont pas effectuées par des investisseurs OMC, les acquisitions par des entreprises d’État et les acquisitions d’entreprises culturelles demeurera fondé sur la valeur comptable des actifs. Le seuil déclencheur de l’examen a été modifié à plusieurs reprises par le passé; pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez vous reporter à nos bulletins Actualités Osler du 12 mars 2009, du 14 juin 2012, du 9 décembre 2012 et du 2 mai 2013.

Le remplacement du seuil fondé sur l’actif par un seuil fondé sur la valeur d’affaire aura un certain nombre d’incidences importantes sur les investissements étrangers au Canada. Entre autres, il sera plus compliqué de déterminer si une opération est sujette à l’examen de l’avantage net prévu par la LIC et il y aura plus de chances que le processus en vertu de la LIC avantage certains soumissionnaires par rapport à d’autres visant la même cible. En outre, même si le gouvernement hausse le seuil déclencheur de l’examen à l’égard des investissements étrangers, on ne peut établir clairement que ces modifications auront pour effet d’alléger le fardeau des investisseurs étrangers. Certes, il y aura des opérations sujettes à l’examen qui ne l’auraient pas été du fait que, dans leur cas, la valeur comptable des actifs est inférieure à 369 millions de dollars, mais la valeur d’affaire excède le seuil de 600 millions de dollars. Il reste à voir de façon plus générale si, en particulier, un plus grand nombre d’opérations seront sujettes à l’examen par suite de l’application du nouveau seuil de 600 millions de dollars plutôt que du seuil actuel.

Outre les modifications apportées aux seuils déclencheurs de l’examen, le règlement impose de nouvelles obligations d’information en vertu desquelles un investisseur étranger devra fournir au gouvernement fédéral beaucoup plus de renseignements à son sujet et au sujet de ses activités et de ses actionnaires, y compris déposer des avis à l’égard de toutes les acquisitions du contrôle d’entreprises canadiennes par des non-Canadiens qui n’atteignent pas les seuils déclencheurs de l’examen.

Le nouveau règlement prolonge également d’une durée pouvant aller jusqu’à 70 jours le délai imparti pour les examens effectués pour des raisons de sécurité nationale. Cette modification prend effet immédiatement.

Nouveaux seuils déclencheurs de l’examen

En date du 24 avril 2015, il y aura six seuils déclencheurs de l’examen différents en vertu de la LIC pour les acquisitions directes de contrôle :

1. Acquisition directe d’une unité ouverte – valeur d’affaire d’au moins 600 millions de dollars d’après la capitalisation boursière de la cible, plus le total de son passif, autre que son passif d’exploitation, moins ses espèces et quasi‑espèces.

  • On calculera la capitalisation boursière en utilisant le cours de clôture quotidien moyen des titres de participation négociés en bourse de la cible sur le marché principal de l’unité (c.‑à‑d. le marché où le volume le plus important d’opérations auront été effectuées durant la période de négociation) au cours de la période de 20 jours de bourse la plus récente prenant fin avant le premier jour du mois qui précède immédiatement le mois durant lequel la demande d’examen ou l’avis est déposé.
  • Si des titres de participation ne sont pas inscrits en bourse, la juste valeur marchande de ces titres, établie par le conseil d’administration ou une autre personne autorisée à établir cette valeur, doit être incluse.
  • Le passif total, autre que le passif d’exploitation, ainsi que les espèces et quasi-espèces sont établis en fonction des états financiers trimestriels les plus récents.

2. Acquisition directe d’une unité fermée – valeur d’affaire d’au moins 600 millions de dollars, d’après la valeur totale d’acquisition, plus le total de son passif, autre que son passif d’exploitation, moins les espèces et quasi‑espèces.

  • Si l’investisseur acquiert la totalité des intérêts avec droit de vote, la valeur d’acquisition totale correspond au montant total de la contrepartie à payer. Si l’investisseur acquiert moins de la totalité des intérêts avec droit de vote, la valeur d’acquisition totale correspond au total de la contrepartie à payer par l’investisseur, de la contrepartie à payer par les autres investisseurs et de la juste valeur marchande de la partie des intérêts avec droit de vote non acquise.
  • Si les parties ont un lien de dépendance ou si la contrepartie est symbolique ou nulle, le montant total de la contrepartie à payer correspond à la juste valeur marchande.
  • Le passif total, autre que le passif d’exploitation, ainsi que les espèces et quasi‑espèces sont établis en fonction des états financiers trimestriels les plus récents.

3. Acquisition d’actifs – valeur d’affaire d’au moins 600 millions de dollars d’après le montant total de la contrepartie à payer, plus le passif assumé par l’investisseur (autre que le passif d’exploitation), moins les espèces et quasi‑espèces transférées à l’investisseur.

  • Si les parties ont un lien de dépendance ou que la contrepartie est symbolique ou nulle, le montant total de la contrepartie à payer correspond à la juste valeur marchande.

4. Acquisition directe d’une entreprise culturelle – valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne d’au moins 5 millions de dollars.

5. Acquisition directe par un investisseur qui n’est pas un investisseur OMC d’une cible non contrôlée par un investisseur OMC – valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne d’au moins 5 millions de dollars.

6. Acquisition directe par un investisseur qui est une entreprise d’État – valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne d’au moins 369 millions de dollars (indexée annuellement).

Comme c’est le cas à l’heure actuelle, les acquisitions directes d’entreprises canadiennes qui n’atteignent pas les seuils, et les investissements indirects effectués par des investisseurs OMC, y compris des entreprises d’État, doivent faire l’objet d’un avis, mais ne sont pas sujets à l’examen. Ces opérations peuvent néanmoins être sujettes à l’examen pour des raisons de sécurité nationale. Les investissements indirects effectués par des investisseurs qui ne sont pas des investisseurs OMC dans des cibles non contrôlées par des investisseurs OMC ou les acquisitions indirectes d’entreprises culturelles par un investisseur sont sujets à l’examen si la valeur comptable des actifs est d’au moins 50 millions de dollars (ou 5 millions de dollars dans certains cas).

Incidences

Les modifications soulèvent des questions importantes pour les investisseurs étrangers qui envisagent d’acquérir directement le contrôle d’entreprises canadiennes :

  • Il y aura des opérations sujettes à l’examen qui ne l’auraient pas été du fait que, dans leur cas, la valeur comptable des actifs n’atteint pas le seuil actuel de 369 millions de dollars, mais la valeur d’affaire excède le seuil de 600 millions de dollars. Il reste à voir si un plus grand nombre d’opérations seront sujettes à l’examen par suite de l’application du seuil de 600 millions de dollars en particulier plutôt que du seuil actuel.
  • Les modifications entrent en vigueur le 24 avril 2015 et auront donc une incidence sur les acquisitions de contrôle actuellement envisagées. Il est possible de faire en sorte qu’une opération qui ne serait pas sujette à l’examen en vertu des seuils actuels, mais qui le serait en vertu des nouvelles règles, conserve son statut d’opération non sujette à l’examen en déposant un avis avant le 24 avril.
  • En ce qui concerne les offres publiques d’achat, le moment d’un dépôt en vertu de la LIC est davantage stratégique. Le délai imparti pour le calcul du cours moyen des actions utilisé aux fins d’établissement de la valeur d’affaire sera établi en fonction du moment où un dépôt en vertu de la LIC est effectué plutôt que de la clôture de l’opération. En d’autres mots, les modifications permettent qu’un investisseur dépose un avis si, à ce moment‑là, la valeur d’affaire est inférieure au seuil, pour que l’opération puisse conserver son statut d’opération non sujette à l’examen pour cet investisseur.
  • Dans certains cas, notamment une vente aux enchères, un investisseur étranger pourrait profiter de l’avantage du précurseur (ou du premier déposant). Cela pourrait avoir des incidences importantes dans le cas de la vente aux enchères d’une société ouverte comportant plusieurs soumissionnaires. Les modifications permettent que le premier soumissionnaire dépose un avis fondé sur une valeur d’affaire inférieure au seuil (c.‑à‑d. qu’aucun examen en vertu de la LIC ne serait requis pour ce soumissionnaire), et fixe ainsi la valeur d’affaire de la cible, mais uniquement en ce qui a trait à sa propre offre. Si l’annonce de la première offre a pour effet de hausser le cours des actions de la cible, cela pourrait engendrer des inégalités entre les soumissionnaires étrangers. Même si le premier soumissionnaire n’était pas sujet à l’examen en vertu de la LIC, si un laps de temps important s’écoule entre les offres et que la valeur d’affaire augmente par suite de la première offre, les soumissionnaires subséquents pourraient être sujets à l’examen en vertu de la LIC si le seuil fondé sur la valeur d’affaire est excédé.
  • Même si les investissements effectués par les entreprises d’État étaient assujettis pendant un certain temps à un examen plus vigoureux, les nouvelles règles prévoiront pour la première fois des seuils différents pour les investissements par les entreprises d’État et le secteur privé. Par conséquent, il est possible qu’un investissement par le secteur privé déclenche un examen du fait que la valeur d’affaire de la cible excède le seuil de 600 millions de dollars, et que le même investissement effectué par une entreprise d’État étrangère ne déclenche pas un tel examen si la valeur comptable des actifs de la cible est inférieure au seuil fondé sur une valeur des actifs de 369 millions de dollars (cependant, le gouvernement fédéral pourrait exiger l’examen de l’investissement pour des raisons de sécurité nationale).
  • Les incidences des dépôts en vertu de la LIC peuvent être maintenant prises en considération au moment de l’établissement du prix d’achat de sociétés fermées.

Obligations d’information plus lourdes

De plus, les modifications alourdiront sensiblement les obligations d’information des investisseurs. Entre autres, les investisseurs devront fournir des renseignements détaillés au sujet de leur gouvernance, gestion et propriété, les dates de naissance et les coordonnées de toutes les personnes identifiées ainsi que les coordonnées de toutes les entités identifiées. Les investisseurs seront également tenus d’indiquer si une entreprise d’État a une participation directe ou indirecte dans l’investisseur et si elle détient certains droits de veto ou droits concernant la nomination des dirigeants et des administrateurs ou la prise de décisions stratégiques. Ces modifications entrent en vigueur le 24 avril 2015.

Prolongation du délai pour les examens effectués pour des raisons de sécurité nationale

Sans égard au processus d’examen de l’avantage net en vertu de la LIC, le régime de sécurité nationale de la LIC autorise le gouvernement fédéral à procéder à un examen à l’égard d’une vaste gamme d’investissements étrangers, y compris les investissements minoritaires, au motif que ces investissements sont susceptibles de « porter atteinte à la sécurité nationale ». En vertu du règlement modificatif, le délai d’examen maximal dont dispose le gouvernement passe de 130 jours à 200 jours (ou plus avec le consentement de l’investisseur) en date du 25 mars 2015. Un résumé publié avec le règlement modificatif indique qu’une telle mesure a pour but de fournir au gouvernement fédéral le temps dont il a besoin pour procéder à une analyse rigoureuse des investissements susceptibles de soulever des préoccupations sur le plan de la sécurité nationale.

Aucun critère n’a été publié afin de définir ce qui « porte atteinte à la sécurité nationale » et aucune statistique publique n’est disponible concernant l’application de cet aspect de la LIC.

Veuillez communiquer avec un membre de notre Groupe du droit de la concurrence et de l’investissement étranger si vous avez des questions au sujet du présent bulletin Actualités Osler.