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Énoncé économique de l’automne de 2023 : principales nouveautés touchant les fournisseurs de services financiers

Auteur(s) : Victoria Graham, Elizabeth Sale, Hunter Carlson

Le 18 décembre 2023

Dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023, déposé le 21 novembre 2023, le gouvernement fédéral a livré des mises au point très attendues sur de nombreuses propositions présentées dans son budget de 2023 [PDF]. Pour donner suite à certaines initiatives clés, il a subséquemment présenté la version définitive du règlement d’application de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAPD) le 22 novembre 2023 et déposé le projet de loi C-59 le 30 novembre 2023.

Le présent bulletin fournit un résumé des principaux progrès et des mesures à venir qui devraient toucher les fournisseurs de services financiers faisant affaire au Canada.  

Nouveautés touchant le système bancaire ouvert

Alors qu’il semblait que son intérêt pour le système bancaire ouvert avait diminué, le gouvernement fédéral a annoncé, à la surprise générale, son intention de présenter dans le budget de 2024 un projet de loi visant à établir un cadre des services bancaires pour les gens (autrement dit le système bancaire ouvert). Ce cadre, qui réglementerait l’accès aux données financières, permettrait aux gens d’accéder à leurs données bancaires en toute sécurité et de les partager avec les institutions financières et les tiers fournisseurs de services.

Cette annonce fait suite à des consultations approfondies et à la publication par le Comité consultatif sur le système bancaire ouvert d’un rapport final en 2021. Comme il est indiqué dans notre blogue paru récemment [en anglais seulement] et dans notre article de notre Rétrospective de l’année juridique 2022, le Comité consultatif recommandait la création d’une nouvelle entité de gouvernance chargée de superviser le système bancaire ouvert au Canada, insistait pour que les entités sous réglementation provinciale aient la possibilité de s’y joindre sur une base strictement volontaire et proposait que le système soit opérationnel dès janvier 2023.  

Le ministère des Finances a publié un Énoncé de politique sur les services bancaires pour les gens, parallèlement à l’Énoncé économique de l’automne, afin d’expliquer la position du gouvernement fédéral sur les principaux objectifs et éléments du cadre, notamment la gouvernance, la portée, l’accréditation, les règles communes et les normes techniques. L’énoncé indique que le gouvernement vise à adopter une loi et à mettre pleinement en place les cadres de gouvernance d’ici 2025.

Les points saillants de l’énoncé de politique sont les suivants :

  • la loi-cadre permettra de confier à une entité gouvernementale la responsabilité de surveiller et d’appliquer le système et de définir la responsabilité des participants de l’industrie
  • au cours de la première phase, le gouvernement imposera la participation aux institutions financières fédérales (IFF) qui atteignent un certain seuil de volume de vente au détail
  • l’énoncé confirme que les autres IFF, les coopératives de crédit et les tiers accrédités auront la possibilité d’adhérer au cadre et que toutes les entités seront également soumises de la même manière aux demandes de partage de données autorisé par les consommateurs
  • l’énoncé prévoit un cadre d’accréditation formel et un registre public qui permettront de s’assurer que seules les entités de confiance peuvent accéder aux données financières, ainsi que des garanties de sécurité nationale alignées sur les cadres existants du secteur financier (par exemple, tels qu’ils sont définis en vertu de la LAPD) qui seraient intégrées au processus d’accréditation
  • les banques sous réglementation fédérale et les coopératives de crédit sous réglementation aussi bien fédérale que provinciale seraient exemptées de l’obligation d’accréditation
  • pour avoir accès aux données des consommateurs, les entités devraient adhérer à des règles communes en matière de protection de la vie privée, de sécurité et de responsabilité; l’énoncé de politique prévoit que d’autres règles de protection de la vie privée seront adoptées, pour le partage des données financières
  • l’énoncé prévoit l’instauration d’une norme technique unique pour le partage des données financières en toute sécurité

Loi sur les activités associées aux paiements de détail

Le 22 novembre 2023, le gouvernement fédéral a publié la version définitive du règlement d’application (le règlement définitif) de la LAPD. Bien que le règlement définitif introduise quelques assouplissements limités pour certaines obligations de conformité, dans l’ensemble, les changements sont minimes et les obligations dont nous avons parlé dans notre bulletin restent en grande partie intactes. Pour plus de détails sur le règlement définitif et ses conséquences pour les fournisseurs de services de paiement, veuillez consulter notre bulletin paru récemment, intitulé « L’avenir de la réglementation des paiements est arrivé : la version définitive du règlement de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail a été publiée ». Pour une vue d’ensemble de la LAPD, veuillez consulter notre bulletin de mai 2021, date à laquelle la LAPD a été introduite.

L’Énoncé économique de l’automne de 2023 comprend notamment une déclaration selon laquelle le ministère des Finances travaille à la mise en œuvre du processus d’examen relatif à la sécurité nationale des fournisseurs de services de paiement prévue pour 2024 en vertu de la LAPD, soulignant ainsi que le processus d’examen relatif à la sécurité nationale constitue une priorité essentielle pour le gouvernement.

Modernisation des paiements

Comme il l’a annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023, le gouvernement a déposé le 30 novembre 2023, par le biais du projet de loi C-59, un projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les paiements pour, notamment, élargir l’admissibilité à titre de membre à l’Association canadienne des paiements aux fournisseurs de services de paiement encadrés par la Banque du Canada en vertu de la LAPD, aux sections locales des coopératives de crédit qui sont membres d’une centrale de coopératives de crédit et aux exploitants de chambres de compensation désignées. Le projet de loi C-59 fixe également la composition du comité consultatif des intervenants de l’Association. L’élargissement de la composition de l’Association s’inscrit dans le cadre d’une initiative plus large visant à moderniser le système des paiements du Canada, comme nous l’avons expliqué dans notre article de notre Rétrospective de l’année juridique 2022.

Paiements Canada a exprimé son soutien à l’égard de ces changements, y compris l’élargissement de l’admissibilité à titre de membre à d’autres entités.

Nouvelles mesures de lutte contre la criminalité financière

Dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’adopter des mesures législatives visant à renforcer le régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité (LRPC) et le financement des activités terroristes (FAT) (le régime LRPC-FAT). Il s’agit d’un domaine d’intérêt constant qui s’appuie sur la série de modifications législatives apportées ces dernières années à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et au Code criminel. Pour un exposé des mesures introduites dans le budget de 2023, veuillez consulter notre bulletin paru précédemment. 

Le projet de loi C-59 modifie la LRPCFAT aux fins suivantes, entre autres :

  • exiger des entités déclarantes qui ont des motifs raisonnables de soupçonner un possible contournement des sanctions qu’elles fournissent les renseignements pertinents au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE)
  • étendre le cadre de la LPRCFAT aux sociétés intermédiaires (appelées « acquéreurs ») qui offrent des services de guichets automatiques de marque privée
  • exiger que certaines déclarations soient faites en rapport avec l’importation-exportation de marchandises

Afin de soutenir l’efficacité opérationnelle du régime LRPC-FAT, le projet de loi C-59 apporte des modifications au Code criminel aux fins suivantes :

  • modifier l’infraction de recyclage des produits de la criminalité afin de favoriser la poursuite des tiers recycleurs de sorte que le tribunal puisse déduire la connaissance, la croyance ou l’insouciance requises pour l’infraction et que le poursuivant n’ait pas à établir que l’accusé connaissait ou croyait connaître la nature exacte de l’infraction ou ne s’en souciait pas
  • adapter l’ordonnance de communication des données financières pour qu’elle s’applique plus efficacement aux comptes associés à des actifs numériques

Les modifications qu’il est proposé d’apporter au régime LRPC-FAT, annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023 mais pas encore introduites, sont les suivantes :

  • permettre au CANAFE d’élaborer des produits de renseignement et, s’il y a lieu, de partager ses conclusions avec ses partenaires chargés d’appliquer la loi afin de lutter contre le contournement des sanctions
  • lutter contre les risques de fraude et de recyclage des produits de la criminalité dans le secteur immobilier en étendant l’application des exigences de la LRPCFAT aux assureurs titres et en imposant aux représentants immobiliers des obligations supplémentaires en matière de connaissance du client à l’égard des parties non représentées et des tiers (cela fait suite à l’annonce faite plus tôt cette année selon laquelle les administrateurs d’hypothèques, les courtiers et les prêteurs seront inclus dans le régime à partir du 11 octobre 2024)

Lutte contre les risques dans le secteur financier

Les risques entourant l’intégrité et la sécurité du secteur financier, y compris les menaces d’ingérence étrangère, continuent de susciter beaucoup d’attention.

Le 13 octobre 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié un projet de ligne directrice sur l’intégrité et la sécurité. La ligne directrice énonce les attentes du BSIF à l’égard des IFF en matière d’intégrité (c’est-à-dire une bonne moralité, une bonne culture et une bonne gouvernance, et la conformité) et de sécurité (en ce qui concerne les activités, les locaux, les personnes, les actifs technologiques, les données et l’information ainsi que les ententes avec des tiers). La période de consultation s’est achevée le 24 novembre 2023, et la version définitive de la ligne directrice sera publiée en janvier 2024.

Le 5 octobre 2023, le ministère des Finances a lancé une consultation sur les lois régissant les IFF (la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d’assurances et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt), dont les dates de temporisation sont fixées au 30 juin 2025. Le gouvernement est particulièrement intéressé par les points de vue sur la manière dont les nouvelles tendances au sein du secteur financier se répercuteront sur des éléments tels que la sécurité nationale et la sécurité et l’intégrité du système financier. La période de consultation s’est achevée le 4 décembre 2023.

Ces évolutions, y compris l’examen relatif à la sécurité nationale auquel les fournisseurs de services de paiement seront prochainement soumis (discuté ci-dessus), font suite à l’introduction, par le biais du projet de loi C-47, la Loi d’exécution du budget (projet de loi C-47), de plusieurs nouvelles mesures visant à lutter contre l’ingérence étrangère et à renforcer la sécurité nationale, comme il est indiqué dans notre bulletin sur la mise en œuvre du budget de 2023.

Un seul organisme de traitement des plaintes pour le secteur bancaire canadien

En octobre dernier, le gouvernement fédéral a désigné l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI) comme le seul organisme externe de traitement des plaintes pour le secteur bancaire canadien. À l’heure actuelle, l’OBSI et ADR Chambers – Bureau de l’Ombudsman des services bancaires sont tous deux responsables du traitement des plaintes relatives aux services bancaires. Une banque peut choisir l’organisme qu’elle souhaite utiliser pour statuer sur les plaintes dont elle fait l’objet. Toutefois, à partir de novembre 2024, l’OSBI aura la compétence exclusive de régler toutes les plaintes déposées auprès des banques canadiennes. Selon les commentaires du ministère des Finances, cette décision vise à garantir que les Canadiens et les Canadiennes peuvent se tourner vers un organisme impartial qui travaillera en leur nom.

Le gouvernement a annoncé sa décision de passer à un seul organisme externe de traitement des plaintes dans le budget de 2023 et l’a mise en œuvre par le biais de modifications à la Loi sur les banques dans le projet de loi C-47, qui a reçu la sanction royale le 22 juin 2023. Sa décision fait suite à un examen pluriannuel du traitement des plaintes par les banques, sujet que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a examiné dans son Examen du fonctionnement des organismes externes de traitement des plaintes de 2020. Dans cet examen, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada s’est penchée sur la complexité et l’inefficacité du modèle à multiples organismes externes de traitement des plaintes et a exprimé des inquiétudes quant à l’incidence de la concurrence sur les consommateurs.

Nouvelle charte hypothécaire canadienne

Le gouvernement fédéral a annoncé la nouvelle charte hypothécaire canadienne, qui s’appuie sur les attentes actuelles selon lesquelles les institutions financières doivent aider les emprunteurs hypothécaires en difficulté financière. En vertu de la nouvelle charte, il est attendu que les IFF prennent l’initiative de communiquer avec les débiteurs hypothécaires vulnérables et d’utiliser tous les outils à leur disposition pour soutenir les emprunteurs.

Cette annonce fait suite à la publication par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, plus tôt cette année, d’une ligne directrice sur les prêts hypothécaires existants des consommateurs dans des circonstances exceptionnelles. Comme nous l’avons indiqué dans notre bulletin, suivant cette ligne directrice, les institutions financières doivent identifier les débiteurs hypothécaires qui risquent d’être en défaut de paiement en raison de circonstances exceptionnelles, et les aider en leur offrant un accès juste et équitable à des mesures d’allégement.

Réduire les frais d’insuffisance de fonds et autres frais indésirables

Le gouvernement fédéral prend des mesures pour réduire les « frais indésirables » dans de nombreux secteurs, du transport aérien aux télécommunications en passant par les services bancaires. Il s’est engagé à fournir une mise à jour d’ici le budget de 2024 sur les mesures qu’il prend pour réduire les frais d’insuffisance de fonds facturés par les banques.

Cette décision fait suite à l’annonce du ministère des Finances au début de l’automne de son intention de collaborer avec l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour fixer de nouveaux plafonds pour les frais d’insuffisance de fonds, qui, selon le gouvernement, peuvent s’élever jusqu’à 50 $ à l’heure actuelle. Le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec les banques et l’Association des banquiers canadiens pour négocier la mise en œuvre de réformes ayant une incidence sur les plafonds des frais d’insuffisance de fonds et sur les comptes à frais modiques ou sans frais (dont il est question ci-dessous).

Comptes bancaires à frais modiques ou sans frais

Le gouvernement fédéral a chargé l’Agence de la consommation en matière financière du Canada d’inciter les banques à améliorer les caractéristiques des comptes bancaires à frais modiques ou sans frais (par exemple, en proposant un plus grand nombre de transactions de débit, des paiements de factures en ligne et des virements électroniques sans frais supplémentaires) et d’élargir l’admissibilité à ces comptes. Une autre mise à jour sur ces efforts est attendue dans les mois à venir.

Protéger les Canadiens et les Canadiennes contre les risques liés aux cryptoactifs

Le gouvernement fédéral s’efforce de faire progresser les mesures annoncées dans le budget de 2023 pour exiger la divulgation des expositions aux cryptoactifs des régimes de retraite sous réglementation fédérale. Il incite également les provinces à encourager l’adoption de mesures de protection similaires pour les participants aux régimes de retraite sous réglementation provinciale.

Le budget de 2023 prévoit des obligations de divulgation similaires pour les IFF. Le 20 novembre 2023, le BSIF a lancé une consultation sur l’information que les IFF doivent produire à l’égard des expositions aux cryptoactifs, et sollicite leurs commentaires à ce sujet jusqu’au 31 janvier 2024.

Conclusion

L’Énoncé économique de l’automne de 2023 souligne les progrès réalisés par le gouvernement fédéral à l’égard de nombreuses propositions présentées dans le budget de 2023 et fait la lumière sur les nouvelles obligations qui seront bientôt imposées aux fournisseurs de services de paiement et aux institutions financières, entre autres. L’évolution du système bancaire ouvert et l’élargissement de l’admissibilité à titre de membre à Paiements Canada à d’autres entités représentent la tendance à la modernisation et aux progrès technologiques dans le secteur des services financiers canadiens. Nous continuerons à suivre ces évolutions en 2024.