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Le règlement sur le taux d’intérêt criminel est publié pour consultation

Auteur(s) : Joyce M. Bernasek, Elizabeth Sale

Le 12 janvier 2024

Le 23 décembre 2023, le gouvernement fédéral a publié un projet de règlement dans lequel il propose d’importantes exemptions à l’application du plafond du taux d’intérêt criminel prévu à l’article 347 du Code criminel

Comme nous l’avons déjà signalé, le 20 avril 2023, le gouvernement fédéral a apporté des modifications aux dispositions relatives au taux d’intérêt criminel par le biais du projet de loi C-47, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Les modifications ont changé la définition de « taux criminel » figurant dans le Code criminel, qui est passé d’un taux d’intérêt annuel effectif supérieur à 60 % à un taux d’intérêt annuel en pourcentage (le TAP) supérieur à 35 %, ce qui signifie que la méthode de calcul et le plafond du taux d’intérêt ont tous deux été modifiés.

Les modifications proposées pour le taux d’intérêt criminel représentent un changement important et ont été largement suivies par les acteurs du marché. En outre, les modifications ont introduit un nouvel article (347.01) qui autorise le gouverneur en conseil à accorder des exemptions à l’application de l’article 347 par voie de règlement. Le projet de règlement a été publié en application de cet article.

Exemptions

Le projet de règlement prévoit deux exemptions clés pour les prêts commerciaux, qui sont des prêts accordés à un emprunteur qui n’est pas une personne physique, à des fins commerciales ou d’affaires :

  • Prêts commerciaux supérieurs à 500 000 $ : Si le montant du capital prêté est supérieur à 500 000 $, le prêt commercial est totalement exempté des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel.
  • Prêts commerciaux supérieurs à 10 000 $ mais inférieurs ou égaux à 500 000 $ : Si le montant du capital prêté est supérieur à 10 000 $ mais égal ou inférieur à 500 000 $, le prêt commercial est partiellement exempté des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel. Dans un tel cas, le TAP ne doit pas dépasser 48 % du montant du capital prêté (ce qui équivaut à peu près au plafond actuel du taux d’intérêt criminel, qui est de 60 %).

Il n’existe aucune exemption pour les prêts à la consommation ou les petits prêts commerciaux.

Le résumé de l’étude d’impact de la réglementation (le résumé) accompagnant le projet de règlement énonce l’intention politique du gouvernement, qui est de se concentrer sur les Canadiens vulnérables et sur les prêts susceptibles de piéger les consommateurs dans un cycle d’endettement. Les exemptions proposées s’appliqueraient aux prêts qui ne correspondent pas à cette intention. 

C’est pourquoi, outre les exemptions relatives aux prêts commerciaux mentionnées ci-dessus, le gouvernement a prévu une exemption partielle pour certains prêts sur gage. La raison invoquée est que les prêts sur gage ne piègent pas les consommateurs dans un cycle d’endettement puisque, si le consommateur ne rembourse pas son prêt, le prêteur conserve la sûreté et la dette est éteinte. Si le prêt sur gage répond aux critères prescrits, notamment que le montant du capital prêté soit inférieur à 1 000 $, le prêteur peut appliquer un TAP ne dépassant pas 48 %.

Limite du coût d’emprunt pour un prêt sur salaire

Le projet de règlement propose également une limite fédérale au coût d’emprunt pour les prêts sur salaire, ce qui harmoniserait le coût dans toutes les provinces qui ont adopté un régime de prêts sur salaire. La limite proposée est de 14 % du capital prêté à l’emprunteur. Elle n’inclurait pas les frais de défaillance expressément autorisés par les lois provinciales sur les prêts sur salaire ou les frais pour tout chèque ou paiement refusé (frais d’insuffisance de fonds), à condition que les frais d’insuffisance de fonds soient inférieurs ou égaux à 20 $, ce qui revient à plafonner les frais d’insuffisance de fonds applicables aux prêts sur salaire à 20 $.

Prochaines étapes

Bien que le projet de règlement apporte des éclaircissements bienvenus sur la portée des nouvelles dispositions relatives au taux d’intérêt criminel, l’issue de certaines questions demeure incertaine : 

  • Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, le projet de loi C-47 modifie la méthode de calcul du taux criminel, qui passe d’un taux d’intérêt annuel effectif à un TAP, lequel doit être calculé conformément aux méthodes et principes actuariels généralement reconnus. Ces méthodes et principes n’ont pas encore été arrêtés, de sorte que les prêteurs qui restent soumis à l’application de l’article 347 ne savent pas encore exactement comment le TAP doit être calculé. 
  • Le ministère des Finances a lancé une consultation à l’automne 2023 afin de déterminer si le plafond du taux d’intérêt criminel devait être abaissé davantage. Cette consultation est terminée, mais on ne sait pas si d’autres modifications législatives seront proposées en conséquence. 
  • Bien que le projet de loi C-47 ait été adopté, les modifications proposées ne sont pas encore en vigueur. La version définitive du règlement devra également être adoptée. 

Les prêteurs et autres fournisseurs de crédit doivent continuer à surveiller l’évolution du taux d’intérêt criminel et déterminer les changements qu’ils doivent apporter à leurs conventions de financement. En particulier, les prêteurs doivent être prêts à mettre en œuvre les changements apportés à leurs systèmes une fois que la méthode de calcul aura été arrêtée et qu’une date d’entrée en vigueur aura été fixée. Selon le résumé, le projet de règlement entrerait en vigueur trois mois après la publication du règlement définitif, ce qui est assez court comme délai. 

Les parties intéressées peuvent présenter des observations au sujet du projet de règlement; la période de consultation se termine le 22 janvier 2024.